Regroupés au sein du programme PRIVILEGES, tous ces acteurs se sont lancé le défi de réduire de 5,2% les émissions de gaz à effet de serre (GES) du territoire chalonnais sur trois ans, alors que le protocole de Kyoto demande d'atteindre ce niveau en 10 ans. Ce programme vise donc à démontrer qu'il est possible au niveau local de diminuer les émissions plus rapidement et plus vigoureusement que ne le stipule le protocole de Kyoto.
Lancé le 1er septembre 2002, ce programme arrive à son terme. À l'heure du bilan, les résultats sont étonnants et surtout supérieurs aux objectifs de départ. En se basant sur les actions qui ont été menées de septembre 2002 à décembre 2004, la ville a diminué ses émissions de CO2 de 10,9% en deux ans, soit plus du double de son objectif initial ! Les données 2005 ne sont pas encore prises en compte mais les premières analyses préfigurent un pourcentage final proche de -10% sur un peu plus de trois ans.
Ces résultats ont un sens symbolique, a déclaré Cédric du Monceau, Directeur général de WWF France. Celui de démontrer qu'il est possible au quotidien de faire bouger les choses et de faire mieux que Kyoto, a-t-il expliqué.
Le but était de ramener la problématique du changement climatique sur le terrain a précisé Gilles Manière, adjoint au Maire en charge de l'Environnement à Chalon-sur-Saône. Selon lui, si les quelques milliards d'individus de cette planète que nous sommes ne prennent pas en compte ce problème, ce n'est pas demain qu'on arrivera à réduire nos émissions d'un facteur 4 d'ici 2050.
Afin de réussir ce pari la ville de Chalon-sur-Saône et ses partenaires n'ont pas misé sur quelques actions spectaculaires mais sur une multitude de projets menés au sein de la collectivité, de la population et des entreprises du territoire.
La mise en place d'un plan municipal de réduction des émissions de GES a permis de travailler sur l'aménagement du territoire, les comportements éco-citoyens, la production, la distribution et la consommation d'énergie.
Cela s'est traduit notamment par la création d'un quartier d'habitat HQE, l'installation d'une chaufferie au bois ou encore le renouvellement de l'éclairage municipal en privilégiant les sources de sodium haute pression, les lampes basse-consommation et les sources à diodes.
Ces gestes pleins de bon sens ont tout de suite démontré leur intérêt. Le remplacement de 69 lampadaires d'une avenue a coûté 2550€TTC à la ville mais a permis de faire économiser 40679 kWh/an soit un retour sur investissement de 18 mois, pour une consommation d'énergie réduite de 20% et une luminosité accrue de 59%.
Parallèlement à des actions au sein de ses activités, Chalon-sur-saône s'est engagé à développer sa communication envers ses 52.000 habitants. Un programme de sensibilisation aux gestes quotidiens pour réduire les émissions de GES a donc été mené sur les lieux de travail et sur le terrain de la vie privée. Fait remarquable, la ville ne s'est pas contentée de lister les bons gestes, elle a souhaité évaluer l'impact de cette sensibilisation sur la consommation d'énergie en organisant une expérience au sein de l'Hôtel de ville. La consommation d'énergie sur 24h a été relevée 15 jours après la semaine de sensibilisation et comparée à une journée standard antérieure à la campagne. Résultats : une économie de 7% a été réalisée, simplement en promouvant des gestes simples comme éteindre la veille des appareils électriques, éteindre les lumières en partant, bien régler la température du chauffage, etc. D'autres actions ont complété cet exemple et ont contribué à la réussite du défi : sensibilisation dans les écoles, journée dédiée au vélo, organisation d'un colloque, prime financière au profit des installations solaires, etc.
Chalon-sur-Saône a également orienté sa politique vers les entreprises de son territoire à travers son plan d'action « eco-industriel ». Ce plan consistait à proposer aux entreprises de réaliser un pré-dignostic énergétique. Financé à 80% par le programme PRIVILEGES, il est destiné à évaluer le potentiel d'économie d'énergie, définir les mesures concrètes à réaliser et encourager des mesures complémentaires comme les plans de déplacement d'entreprise, la certification environnementale ou encore l'éco-conception.
Dès le début de l'opération une trentaine d'entreprises ont souhaité bénéficier de ce conseil personnalisé. Aujourd'hui 15 d'entre elles ont réalisé leur diagnostic et sont en train de mettre en œuvre leur plan d'action. Les mesures portent sur l'isolation du bâti, l'entretien, les nouveaux matériels, etc. La ville estime que les économies engagées à ce jour ne représentent que 20% des gains identifiés au cours des pré-diagnostics. De plus les mesures vont être réalisées progressivement, au rythme des programmes d'investissement. Les gains en termes de réduction des émissions de GES ne sont donc pas encore comptabilisés dans le bilan actuel et ne seront réellement calculables qu'à plus long terme.
Toutefois, le Directeur de la Maison de l'environnement de Chalon-sur-Saône, Jean-Michel Blanc, se dit heureux et chanceux : Nous avons eu de la chance de trouver des partenaires qui ont bien voulu jouer le jeu. Il y a toujours une part d'actions qui demande un investissement lourd mais les entreprises l'ont fait, c'est étonnant, a-t-il expliqué. Au démarrage cela semble difficile mais c'est possible, les délais sont juste un peu plus longs au niveau des entreprises, a-t-il ajouté.
Les avantages d'une telle politique énergétique sont clairs pour la ville et ses partenaires. Selon eux, à chaque tonne de CO2 supprimée correspond une économie d'énergie estimée à 55€ par an. Au total, grâce aux actions conduites pendant les deux premières années, 5220 tonnes de CO2 ont pu être supprimées en 2004, ce qui représente une économie d'énergie de 287.000 euros. Du côté du financement, le programme PRIVILEGES totalise un montant de 711.711 € financé par l'Union Européenne (355.800€), WWF France (179.291€), la ville de Chalon-sur-saône (100.000€), la Maison de l'environnement (39.120€) et l'ADEME (37.500€). Pour Gilles Manière, le coût n'est pas monstrueux pour la ville au regard d'autres domaines qui nécessitent autant d'investissement mais desquels on ne retire pas autant de bénéfice.
Avec ces économies d'énergie la ville envisage de se procurer des certificats d'économie d'énergie qu'elle pourrait revendre. Bien qu'elle n'ait pas, à l'époque, relevé ce défi pour l'argent, elle étudie sérieusement la question.