C'est pourquoi, face à une pénurie de spécialistes, le projet Vigie-nature a été mis en place par le Muséum National d'Histoire Naturelle (MNHN) pour développer de nouveaux indicateurs en s'appuyant sur des naturalistes érudits mais aussi sur d'autres réseaux mo¬bilisables comme le grand public. Ce projet de science participative fait appel à des « observateurs » amateurs qui souhaitent s'impliquer à leur échelle dans la préservation de la biodiversité.
C'est dans ce cadre que le MNHN a inauguré le 21 mars dernier son Observatoire des Papillons des Jardins en partenariat avec l'association Noé Conservation, la Fondation Nicolas Hulot et avec le soutien de la Fondation d'entreprise Veolia Environnement, de la Fondation Ensemble et de l'entreprise Gamm vert.
Base de données centralisée, cet observatoire grand public veut rassembler puis analyser les observations collectées dans les jardins par les observateurs participants. Afin que tout le monde puisse s'associer, l'Observatoire se concentre sur les 28 espèces les plus communes de papillons de jour.
Pour devenir observateur, il faut dans un premier temps choisir le jardin dans lequel les observations régulières seront menées puis s'inscrire auprès de l'association Noé Conservation. Une fois inscrit, l'observateur reçoit un guide d'identification des papillons, un guide méthodologique avec des conseils pratiques et une feuille de comptage. Armé de ces documents, l'observateur peut se rendre autant de fois qu'il le souhaite et à n'importe quel moment dans le parc qui lui est attribué. Commence alors l'observation, l'identification de l'espèce et le comptage des individus. À la fin de chaque mois, du printemps à l'automne, les participants saisissent leurs données en remplissant un formulaire. Elles sont alors traitées par les scientifiques du Muséum national d'Histoire naturelle, qui transmettront périodiquement à tous les participants un bilan des observations.
À terme, c'est un véritable réseau de surveillance des espèces communes de papillons de jour qui sera mis en place, permettant de suivre l'évolution des populations et de mieux comprendre les dynamiques écologiques, en lien avec les changements climatiques par exemple.
La grande diversité et les exigences écologiques variées des papillons ou lépidoptères leur confèrent un rôle d'indicateurs de la qualité des milieux naturels, et donc de la santé des écosystèmes. Les papillons rassemblent environ 160.000 espèces sur les 1.450.000 connues à la surface de la Terre. Ils représentent donc à eux seuls plus de 10% des espèces répertoriées, battus en cela uniquement par les coléoptères (25%). En France, on recense 257 espèces de papillons de jour ou rhopalocères et 4.860 de papillons de nuit ou hétérocères. Mais à l'instar des autres espèces, les papillons sont concernés par l'érosion de la biodiversité. Les papillons des prairies ont ainsi régressé de 50% en 15 ans. Si les oiseaux, batraciens et chauves-souris constituent les principaux prédateurs naturels du papillon, l'Homme à travers ses activités à également un impact sur les populations. L'utilisation d'insecticides, la raréfaction des habitats naturels, la standardisation des pratiques agricoles, l'éclairage électrique et le réchauffement climatique sont les principaux facteurs de la régression des papillons. À l'heure actuelle, 26 espèces de papillons sont protégées par la loi depuis le 22 juillet 1993.
Les données ainsi récoltées à travers l'Observatoire des Papillons des Jardins permettront de mieux comprendre l'évolution de la répartition des différentes espèces, de développer des mesures de protection et surtout de déclencher une prise de conscience du plus grand nombre.
Elles seront complétées par les résultats du Suivi Temporel des Rhopalocères de France qui sera lancée en 2006 et menée par les naturalistes dans tous types de milieux naturels ou anthropisés.