Même si la sécheresse est un phénomène normal, leur périodicité et leur intensité risquent de s'accentuer à cause notamment des changements climatiques et du réchauffement planétaire. Avec une élévation accrue de la température, les évènements pluvieux se raréfient autour du bassin méditerranéen. Certains bassins versants européens ont déjà éprouvé une réduction de 20% des précipitations au cours du siècle dernier et en Italie, le nombre de jours de pluie a diminué en moyenne d'environ 12% sur la période 1880-2002.
Face à ces causes planétaires, difficiles à contrer à court ou moyen terme, le WWF met en garde les pays du pourtour méditerranéen et l'Europe sur les conséquences des politiques de gestion de l'eau actuellement mises en œuvre. Pour l'organisation mondiale pour la protection de l'environnement, ces politiques accentuent les effets de la sécheresse en gaspillant une ressource de moins en moins accessible et sans un changement majeur dans les politiques nationales et européennes sur l'utilisation de l'eau, les pays du bassin méditerranéen souffriront bien plus qu'avant.
Dans son nouveau rapport consacré à la sécheresse en Méditerranée, le WWF rappelle que la demande en eau dans cette région a doublé dans les 50 dernières années. Les pays qui connaissent la plus forte augmentation sont la France, la Turquie et la Syrie. Les prévisions annoncent une augmentation de 25 % de la consommation d'ici 2025 sur les côtes Est et Sud de la Méditerranée, et particulièrement en Egypte, en Turquie et en Syrie. L'irrigation en agriculture est la principale utilisation de l'eau et une des causes de cet accroissement de la demande sachant que le secteur irrigué en méditerrané a doublé en 40 ans, comptant 20,5 millions d'ha en 2000 contre 11 millions d'ha en 1961. Cette demande accrue en eau a entraîné la création de nouveaux barrages et autres ouvrages hydrauliques avec les conséquences environnementales qui en découlent et selon le WWF, la présence de ces barrages stimulerait encore plus le gaspillage de l'eau en justifiant une augmentation des besoins.
De plus, la demande croissante dans la région méditerranéenne est empirée par un certain nombre de politiques insatisfaisantes, explique le WWF. Les subventions de l'Europe à travers la Politique Agricole Commune (PAC) et les gouvernements nationaux ont encouragé l'abandon de plantations traditionnelles se suffisant de l'eau de pluie, comme les oliviers et les citronniers, au profit de cultures très consommatrices en eau, comme le maïs et la canne à sucre. L'irrigation fait pousser plus vite ces cultures et permet de plus gros rendements, même dans les zones arides et pendant les périodes les plus chaudes de l'année. En dépit des réformes de la PAC ces dernières années, les pratiques agricoles ne changent pas de manière significative parce que les réalisations nationales affaiblissent ces changements explique-t-on dans le rapport du WWF. En Espagne, par exemple, de nouvelles mesures agro-environnementales ont été adoptées en 2005 pour maintenir encore cinq ans la culture du coton dans les bassins versants du Guadalquivir, région très limitée en apport d'eau. Dans les pays ne faisant pas partie de l'Union européenne, le problème est le même avec par exemple la promotion de la culture du riz au Maroc mais pour le WWF ce phénomène serait aggravé par des méthodes d'irrigation inefficaces.
Face à ces constats, l'ONG appelle à un véritable changement dans les politiques européennes et nationales envers une gestion saine de l'eau. Les gouvernements doivent maintenant cesser de subventionner l'irrigation dans les zones où l'eau est rare, précise Francesca Antonelli, la responsable du programme eau douce du WWF Méditerranée. Si l'on ne gère pas l'eau avec plus de prudence, la sécheresse deviendra chronique et les hommes en souffriront d'autant plus que l'eau nécessaire à d'autres besoins, comme boire, se laver et cuisiner, viendra à manquer.
L'ONG demande aux gouvernements de s'engager dans une triple action : améliorer l'efficacité de l'utilisation de l'eau, équilibrer l'attribution de l'eau parmi tous les utilisateurs et développer une gestion intégrée qui tienne compte des besoins à long terme et des objectifs environnementaux. Pour le WWF, la pénurie de l'eau doit être l'une des premières priorités dans des relations multilatérales entre les pays méditerranéens, car les bassins versants franchissent souvent les frontières.