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Entreprises : quand le climat imprime sa marque dans les assemblées générales

Le climat s'impose de plus en plus fortement dans les préoccupations des actionnaires des grandes entreprises, mais l'exercice des « Say on climate » peine encore à se développer ou à faire la preuve de sa pertinence en l'état.

Gouvernance  |    |  N. Gorbatko
Entreprises : quand le climat imprime sa marque dans les assemblées générales

Les lignes sont-elles en train de bouger dans la prise en compte des enjeux climatiques par les grandes entreprises ? En 2021, à l'occasion de leur assemblée générale, trois d'entre elles – Vinci, TotalEnergies et Atos – avaient soumis une résolution climatique, ou « Say on climate », généralement consultative, au vote de leurs actionnaires. L'année dernière, elles étaient douze. Cette année, ce chiffre s'établit à huit seulement, dont trois issues du secteur immobilier, traditionnellement habitué à se plier à des réglementations contraignantes. Des résultats encore modestes, mais qui occultent, selon les observateurs, la pression croissante des investisseurs sur les conseils d'administration en faveur de cette pratique et la portée du signal envoyé.

« Depuis trois ans, de plus en plus d'investisseurs en France et à l'étranger, même si d'autres font preuve de réserve, expriment leur volonté de pouvoir se prononcer et donc de voter en assemblée générale sur la politique environnementale des sociétés dans lesquelles ils investissent », constate le Haut Comité juridique de la place financière de Paris, dans un rapport publié en décembre dernier. L'attente est forte, confirme Grégoire Cousté, délégué général du Forum pour l'investissement responsable (FIR). « Cette année, la résolution d'Engie a obtenu 25 % de votes favorables, alors que les votes de l'État, alignés avec le conseil d'administration, comptent pour un tiers. Le soutien du reste des actionnaires atteint donc presque 50 %. C'est l'annonce d'une vague de fond. »

Un rôle pour les investisseurs

En mars dernier, une cinquantaine de parties prenantes, dont une majorité de gestionnaires d'actifs, représentants plusieurs milliards d'euros, se sont d'ailleurs jointes au FIR pour réclamer cette amélioration du dialogue actionnarial. « En tant qu'investisseurs, nous avons un rôle à jouer dans l'orientation rapide de l'économie mondiale vers un modèle plus sobre en ressources naturelles, plus juste socialement et moins dévastateur pour l'environnement, ont-ils expliqué dans une tribune. De plus en plus de nos clients ou affiliés, qu'ils soient investisseurs, épargnants, allocataires ou cotisants, sont soucieux de l'impact et de la valeur de leurs actifs au regard des enjeux climatiques. »

“ De plus en plus de nos clients ou affiliés sont soucieux de l'impact et de la valeur de leurs actifs au regard des enjeux climatiques ” Forum pour l'investissement responsable
Les entreprises, de leur côté, ont plutôt tendance à faire de la résistance, surtout quand les résolutions émanent des actionnaires et non pas de leur seul conseil d'administration. En effet, si le Haut Comité juridique de la place financière de Paris juge que les votes sur la stratégie climatique des sociétés par leurs actionnaires ne heurtent ni les règles juridiques ni le principe de hiérarchie des organes sociaux, les grands groupes, eux, font valoir un empiètement sur les prérogatives de leur conseil d'administration. Partant de ce principe, beaucoup rejettent les projets de résolutions externes. TotalEnergies avait agi ainsi, en 2022, en refusant d'inscrire un projet de résolution climatique externe présenté par onze investisseurs. Se tourner vers le tribunal du commerce, seul recours pour eux, découragent la majorité des investisseurs d'insister.

Plus de qualité attendue

Par ailleurs, élaborer une résolution ne suffit pas. Pour ne pas être soupçonnée d'écoblanchiement ou de manque d'ambition, voire être finalement rejetée, celle-ci doit s'avérer suffisamment qualitative, fiable et détaillée. « En 2022, le plan climat de TotalEnergies a été approuvé par 89 % de ses actionnaires, alors que 70 % des investissements de la major française iront dans ses activités de production d'hydrocarbures en 2023, dont 25 % consacrés aux nouveaux projets », dénonce l'association Reclaim Finance. Pour la commission climat et finance durable (CCFD) de l'Autorité des marchés financiers (AMF), la stratégie évoquée doit être pertinente, alignée avec les objectifs de l'Accord de Paris, accompagnée d'objectifs concrets et de leviers d'action pour y parvenir. Sa mise en œuvre doit aussi être évaluée sur les scopes 1, 2 et 3 d'émissions de gaz à effet de serre, à court, moyen et long termes, insistent les signataires de la tribune du FIR.

Or, aujourd'hui, le contenu de ces plans demeure trop souvent lacunaire. Cette année, même TotalEnergies s'est trouvé contraint d'améliorer son troisième plan climat et d'y apporter des éléments complémentaires sous la pression des investisseurs. Malgré des manques persistants, « il est bien plus complet que celui des années précédentes », remarque Reclaim Finance. Fin mars, 16 investisseurs d'Engie avaient également déposé une résolution pour réclamer plus d'informations sur la stratégie de l'entreprise, afin d'évaluer son alignement avec les objectifs de l'Accord de Paris.

Des preuves à apporter

En association avec l'Ademe, le FIR a passé au crible cinq de ces « Say on climate », publiés par Convivia, Icade, Klépierre, Schneider Electric et TotalEnergies. L'association s'est attachée à évaluer le degré d'alignement des stratégies avec ses recommandations. L'Agence de la transition écologique, de son côté, a analysé les stratégies à l'aune des exigences de l'Accord de Paris. Leur score d'alignement de leur stratégie avec les recommandations du FIR oscille entre 36 %, pour Klépierre qui propose un scénario et des cibles de réduction de ses émissions insuffisantes, et 68 % pour Icade et Schneider Electric, qui publient notamment de bons scénarios de référence et affichent de bonnes cibles à moyen terme, tout en développant des stratégies d'influence vis-à-vis de leurs fournisseurs.

Avec une ambition Net Zero 2050 à la hauteur, mais un scénario de référence moyen, des cibles de réduction de ses émissions et des mesures incomplètes, TotalEnergies obtient un score de 59 %, cette année, comme en 2022 . L'analyse de l'Ademe sur ses indicateurs d'alignement lui vaut un 7/20 et sa cohérence d'ensemble un D sur une échelle de A à E. « Bien que l'entreprise pétrogazière ait progressivement amélioré à la fois la transparence et l'ambition de son plan climat, celui-ci reste largement insuffisant au regard des impératifs climatiques, commente Reclaim Finance. L'entreprise persiste en effet à développer de nouveaux projets pétroliers et gaziers, à rebours des projections de l'AIE (Agence internationale de l'énergie) qui prévoit l'arrêt du développement de nouveaux champs pétroliers et gaziers dans un scénario aligné sur 1,5 °C. »

Un cadre réglementaire attendu

Grégoire Cousté pondère aussi les résultats relativement honorables de l'examen du FIR. « Ceux que nous avons examinés font déjà partie des meilleurs élèves, note-t-il. Mais même pour eux, il reste des progrès à faire. » Le Gouvernement tiendra-t-il compte des évolutions de la tendance et imposera-t-il ces « Say on climate » par voie réglementaire ? Rien ne permet de le dire. Au grand regret du FIR, le projet de loi « Industrie verte » ne contient pas de telles mesures.

De plus, au sein des instances financières, les avis divergent. Ainsi, le Haut Comité juridique de la place financière de Paris se contenterait de simples recommandations quand le FIR et la Commission climat et finance durable (CCFD) de l'AMF militent pour la mise en place d'un cadre légal visant à généraliser ces plans et à harmoniser leurs contenus. « Sur un sujet aussi important que le climat, les entreprises doivent avoir un dialogue permanent avec les investisseurs, insiste Grégoire Cousté, délégué général du FIR. Et pour mettre tout le monde à niveau, il faut aussi y impliquer toute la chaîne de valeur. »

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