« Sur le fondement de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, j'engage la responsabilité de mon gouvernement sur la première partie du projet de loi de finances pour 2023 », a annoncé Élisabeth Borne devant les députés, mercredi 19 octobre. Ce qui signifie que cette première partie (1) , consacrée aux recettes, sera considérée comme adoptée, sauf si les motions de censure déposées par les députés de la Nupes et ceux du Rassemblement national étaient votées, lundi 24 octobre. Ce qui est peu probable.
Les raisons invoquées par la Première ministre ? D'une part, le temps insuffisant pour examiner les quelque 2 000 amendements au projet de loi encore en attente et, d'autre part, la volonté exprimée par les oppositions de rejeter le texte final. « Le texte que je présente aujourd'hui n'est pas le décalque du projet qui vous a été initialement soumis. Il a été nourri, complété, amendé – corrigé, même – à la suite des débats de ces derniers jours, en commission et dans l'hémicycle. Une centaine d'amendements ont été retenus, y compris des amendements des oppositions », a expliqué la cheffe du gouvernement. Parmi ces amendements, pour la plupart issus de la majorité, plusieurs interviennent dans le champ de l'environnement et de l'énergie. Tour d'horizon.
Crédit d'impôt pour la rénovation énergétique des TPE-PME
Art. 4 novodecies - Le gouvernement a retenu un amendement LR qui rétablit un crédit d'impôt en faveur de la rénovation énergétique des bâtiments à usage tertiaire pour les dépenses engagées par les très petites entreprises (TPE) et les PME sur les années 2023 et 2024. Ce dispositif avait été mis en place pour les dépenses engagées durant les années 2020 et 2021, mais n'avait pas été renouvelé.
Contributions sur les rentes dues au prix élevé de l'électricité
Plusieurs amendements ayant trait à l'énergie figurent dans le texte retenu par Matignon.
Art. 24 bis – Dans le même esprit, un amendement du gouvernement fixe un seuil au-delà duquel la totalité des montants de la redevance sur les concessions hydroélectriques sera reversée à l'État. Ce seuil sera déterminé en fonction d'un prix moyen annuel cible de l'électricité qui sera précisé par arrêté pris par la ministre de la Transition énergétique. Cette redevance, proportionnelle au prix de la concession, est actuellement versée pour moitié à l'État, pour un tiers aux départements, pour un douzième aux communes et pour un autre douzième aux groupements de communes. Le gouvernement souhaite récupérer la manne issue du prix anormalement élevé de l'électricité afin de financer le bouclier énergétique et la transition énergétique.
Art. 11 bis - Un autre amendement du gouvernement touche aux concessions hydroélectriques. Il supprime la redevance due lorsque l'augmentation de puissance d'une installation hydroélectrique modifie l'équilibre initial du contrat de concession. « L'objectif est de permettre l'émergence de nouveaux projets. La tension actuelle et à venir sur le système électrique ainsi que la crise géopolitique en Ukraine renforcent encore l'urgence de développer les énergies renouvelables, notamment les capacités hydroélectriques pilotables et mobilisables rapidement » , explique l'exposé de l'amendement.
Art. 14 ter - Matignon a par ailleurs retenu un amendement des députés Horizons qui instaure, pour l'année 2023, un nouveau dispositif de soutien des collectivités territoriales confrontées à une situation de forte inflation de leurs dépenses d'énergie. « Ce dispositif bénéficiera aux collectivités qui auront subi en 2023 une perte d'épargne brute supérieure ou égale à 25 % et dont la hausse des dépenses d'énergie sera supérieure à 60 % de la progression des recettes réelles de fonctionnement », expliquent les députés.
Modification de la fiscalité sur les carburants
Quelques amendements à l'article 8 du projet de loi, qui renforce les incitations fiscales à l'utilisation d'énergie renouvelable dans les transports, ont été adoptés. C'est le cas d'un amendement des députés Renaissance qui permet à l'hydrogène bas carbone de bénéficier de l'avantage fiscal constitué par une minoration de la taxe incitative relative à l'utilisation d'EnR dans les transports (Tiruert). Les objectifs d'utilisation d'EnR dans les transports sont par ailleurs revus à la hausse : 9,9 % dans les essences à partir de 2024, 9 % dans les gazoles à partir de 2024.
Art. 8 bis - Le gouvernement a par ailleurs retenu l'amendement écologiste qui légalise l'utilisation de l'huile de friture usagée comme carburant et la soumet aux mêmes taxes que le gazole. « Alors que le diesel dépasse les 2 euros le litre à la pompe, cette solution permet tout à la fois de soulager immédiatement le porte-monnaie des Françaises et des Français, et de limiter la pollution issue des moteurs diesel ainsi que de réduire la dépendance énergétique du pays », expliquent les députés signataires.
Art. 8 quater - Un amendement du rapporteur général Jean-René Cazeneuve aligne la fiscalité de l'essence d'aviation sur celle de l'essence routière. Sont concernés tous les carburants utilisés pour les besoins de l'aviation de tourisme privée, y compris les transports pour compte propre effectués pour les besoins du personnel des entreprises, explique l'exposé de l'amendement. « Cet alignement mettra fin à une différence de traitement injustifiée et critiquable sur le plan environnemental entre différents carburants ou différents usages d'un même carburant », explique le député Renaissance.
Art. 9 - Le gouvernement a également retenu un amendement du député Renaissance Jean-Luc Fugit qui reporte l'entrée en vigueur de la taxe sur les hydrofluorocarbures (HFC), créée par la loi de finances pour 2019, du 1er janvier 2023 au 1er janvier 2025. Le dispositif prévoit que, en cohérence avec le projet de règlement européen F-Gaz, la taxe sera abrogée si les mises sur le marché d'HFC ne dépassent pas 7 260 kilotonnes équivalent CO2 (ktéqCO2) en 2023, puis 6 040 ktéqCO2 en 2024.
Exemption de TGAP pour certaines terres excavées
Art. 8 ter - Un amendement des députés Renaissance prévoit d'exempter de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) les résidus réceptionnés par des installations de stockage de déchets dangereux, « à condition que ces résidus soient eux-mêmes issus d'un traitement de boues, terre ou sédiments pollués et que l'opération de traitement soit réalisée sur la même emprise foncière », expliquent ses auteurs.
Encouragement à l'investissement forestier
Art. 3 sexies - Figure aussi dans le texte retenu par la Première ministre un amendement des députés Renaissance visant à simplifier et renforcer le dispositif d'encouragement à l'investissement forestier Défi Forêt, dans un contexte de « multiplication des risques liés au dérèglement climatique, de hausse du prix des parcelles et des coûts liés à leur exploitation ». Le dispositif actuel doit prendre fin au 31 décembre 2022. Le nouveau dispositif ainsi créé s'appliquera jusqu'au 31 décembre 2025. Parmi les modifications apportées figurent la transformation de la réduction d'impôts sur le revenu au titre des acquisitions de forêts ou des cotisations d'assurance tempête en crédit d'impôt.
Transfert de compétences Natura 2000 et Loto biodiversité
Art. 14 bis –Le texte sur lequel le gouvernement engage sa responsabilité reprend également un de ses amendements qui fixe les modalités des compensations financières accordées aux Régions du fait du transfert de la compétence de gestion des sites Natura 2000 terrestres jusque-là détenues par l'État. Cet amendement ajuste par ailleurs les compensations auxquelles la Collectivité européenne d'Alsace a droit du fait du transfert de la compétence de gestion des routes nationales.
Art. 15 B - Figure également dans le texte l'amendement du président de la commission du développement durable et de plusieurs députés Renaissance qui crée un « Loto de la biodiversité ». Cet amendement affecte à l'Office français de la biodiversité (OFB) le produit d'un jeu de grattage qui sera lancé en 2023. « Ce projet de jeu consacré à la biodiversité représente une manière innovante et engageante d'impliquer les citoyens en permettant de soutenir directement et avec des budgets conséquents issus d'une implication collective, des projets concrets et ancrés géographiquement, faisant écho à leurs préoccupations », expliquent les députés.
Crédit d'impôts en agriculture
Enfin, deux amendements prorogent des crédits d'impôts dans le domaine de l'agriculture.
Art. 4 vicies - Un amendement gouvernemental proroge d'un an le dispositif, instauré par la loi de finances pour 2021, qui prévoit un crédit d'impôt en faveur des entreprises agricoles qui n'utilisent pas de pesticides contenant du glyphosate. Afin d'assurer la compatibilité du dispositif avec le droit européen, il est placé sous l'encadrement prévu en matière d'aides de minimis dans le secteur de l'agriculture, explique le gouvernement. Il est prévu que l'exécutif remette au Parlement un rapport d'évaluation du crédit d'impôt avant le 30 septembre 2023.
Art. 4 unvicies - De même, un amendement des députés Renaissance proroge le crédit d'impôt en faveur des entreprises agricoles certifiées haute valeur environnementale (HVE) pour l'année 2023. Là aussi, le gouvernement devra remettre un rapport d'évaluation avant la fin septembre 2023.
L'adoption de cette première partie du PLF, via l'article 49-3 de la Constitution, ne met pas fin à la discussion de l'ensemble du projet de loi pour autant. « Ce débat continuera, au Sénat comme à l'Assemblée nationale », a assuré Élisabeth Borne aux députés, qui l'accusaient de déni de démocratie. La seconde partie du projet de loi, consacrée aux dépenses, est actuellement examinée à l'Assemblée en commission et le sera à compter du 27 octobre en séance publique.