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Artificialisation des sols : nos voisins européens privilégient d'autres outils que la loi

Le Sénat a réalisé une étude de législation comparée sur les politiques de réduction de l'artificialisation dans quatre pays européens. Les différentes approches interrogent sur leur efficacité face à une progression générale de cette artificialisation.

Aménagement  |    |  L. Radisson
Artificialisation des sols : nos voisins européens privilégient d'autres outils que la loi

Était-ce pour faciliter un assouplissement de la législation sur le zéro artificialisation nette (ZAN) ? Le sénateur LR Jean-Baptiste Blanc, à l'origine avec Valérie Létard (UC) de la récente loi qui a permis cet atténuation, avait commandé, à la fin du printemps, à la division de la législation comparée de la Chambre haute une note sur les politiques publiques menées en la matière dans quatre pays de l'UE : Allemagne, Espagne, Italie et Pays-Bas.

Le Sénat a publié cette note (1) le 6 septembre. Elle révèle que la France, du moins sur le plan législatif, n'est pas en retard par rapport à ses voisins, malgré l'existence d'un objectif commun de parvenir au « zéro artificialisation nette des sols » à l'horizon 2050. Cet objectif, certes non contraignant, est en effet inscrit dans la stratégie de l'UE pour la protection des sols présentée le 17 novembre 2021.

Si les approches de lutte contre l'artificialisation se révèlent hétérogènes, les quatre pays, tout comme la France, présentent un point commun : la progression de cette artificialisation. Les chiffres avancés pour nos quatre voisins sont les suivants : 55 ha/j en moyenne en Allemagne entre 2018 et 2021 (contre 129 ha/j entre 1997 et 2000) ; 10 ha/j entre 2010 et 2018 aux Pays-Bas ; 19 ha/j en 2021 en Italie ; croissance très rapide de l'urbanisation en Espagne : 10,7 % de surface imperméabilisée entre 2006 et 2018.

Exception française

En France, la loi Climat et résilience du 22 août 2021 a inscrit dans le code de l'urbanisme le double objectif, juridiquement contraignant, d'une réduction par deux du rythme de consommation d'espaces d'ici à 2031 et du zéro artificialisation nette des sols en 2050. Un dispositif législatif assoupli avec le vote de la loi du 20 juillet 2023.

“ L'inscription dans la loi d'un objectif de réduction de l'artificialisation des sols apparaît comme une exception française ” Sénat
« L'inscription dans la loi d'un objectif de réduction de l'artificialisation des sols apparaît comme une exception française », rapportent le auteurs de la note. Parmi les quatre pays étudiés, seules l'Allemagne et l'Italie ont défini un objectif national : moins de 30 hectares par jour d'ici à 2030, pour la première, et zéro artificialisation nette à la même date pour la seconde. « Cependant, ces objectifs ne sont pas juridiquement contraignants et n'ont fait l'objet d'aucune déclinaison ou répartition aux niveaux régional ou local », explique le document. S'il n'existe pas de mécanisme de déclinaison, sa mise en œuvre repose toutefois sur les Länder en Allemagne et sur les Régions en Italie.

L'Espagne et les Pays-Bas, quant à eux, n'ont pas adopté d'objectif en la matière. « L'objectif zéro artificialisation nette n'est pas réalisable dans un pays densément peuplé comme les Pays-Bas, a même indiqué le gouvernement batave en octobre 2022. Et ce d'autant plus que notre pays est confronté à des défis majeurs, allant de la construction de logements à la transition énergétique, en passant par la disponibilité et la sécurité de l'eau. »

Absence d'objectifs en Espagne, défaillances en Italie

Au-delà de cette approche formelle, une distinction peut aussi être établie entre deux pays du Nord (Pays-Bas, Allemagne), à forte densité de population et au pourcentage de territoire artificialisé déjà important, et deux pays du sud de l'Europe (Italie, Espagne), dont la densité et la part de territoire artificialisé sont inférieures, et où la menace de l'artificialisation peut donc paraître moins forte.

En Espagne, « les stratégies environnementales et la législation, que ce soit au niveau national ou des communautés autonomes, ne prévoient pas d'objectif de réduction de l'artificialisation des sols ». Ce qui n'empêche pas qu'il puisse exister des initiatives locales. Les auteurs de la note citent ainsi, à titre d'exemple, la ville de Vitoria-Gasteiz (Communauté autonome basque). Dans le cadre d'un projet de révision de son plan général d'urbanisme, lauréat d'un appel à projets de la Commission européenne, la collectivité prévoit de déclasser des terrains constructibles qui n'ont jamais été aménagés, de réhabiliter des espaces et de densifier les zones urbanisées existantes.

L'Italie, quant à elle, se caractérise moins par une absence d'objectifs que par les défaillances dans leur mise en œuvre. La Stratégie nationale pour la biodiversité à l'horizon 2030, adoptée en 2022, fixe l'objectif de « parvenir à la neutralité de la dégradation des sols et à l'absence d'artificialisation nette des sols » et prévoit de décliner cette intention dans une loi nationale. De même, le Plan pour la transition écologique, publié la même année, contient l'objectif ZAN 2030 et prévoit une loi nationale spéciale. « Faute d'une loi nationale spécifique, les mesures annoncées n'ont pas été mises en œuvre ou seulement partiellement », relève toutefois la note.

Certaines régions ont donc adopté leurs propres législations, qui « comportent généralement de larges exceptions et apparaissent, dans l'ensemble, peu opérationnelles », pointe l'étude. « Dans presque toutes les régions, souligne l'Institut supérieur italien pour la protection et la recherche environnementale (Ispra), la définition de l'artificialisation des sols n'est pas cohérente avec les définitions européennes et nationales ou, dans tous les cas, il existe des dérogations ou des exceptions significatives relatives aux types d'interventions et de transformations du sol qui ne sont pas incluses dans le calcul (et donc dans la limitation de l'artificialisation) mais qui sont en fait une cause évidente d'artificialisation (par exemple, pour la consommation ayant lieu dans des zones déjà planifiées par des plans municipaux ou pour celle due à certains travaux publics). »

Législation non spécifique aux Pays-Bas, certains Länder plus avancés en Allemagne

Aux Pays-Bas, l'absence d'objectif ZAN n'empêche pas l'applicabilité d'un corpus de règles non spécifiques. « Différents textes législatifs et réglementaires sont pertinents en matière de réduction de l'artificialisation et de l'imperméabilisation des sols, en particulier », relève la note. Ainsi, la vision environnementale nationale pour les Pays-Bas (Novi), adoptée en septembre 2020, pose trois principes d'utilisation équilibrée de l'espace : les combinaisons de fonctions ont la priorité sur les fonctions individuelles ; les caractéristiques et l'identité d'une zone sont essentielles ; les reports négatifs sur les générations futures ou d'une zone à l'autre doivent être empêchés. La loi sur l'environnement de mars 2023, quant à elle, crée « un guichet numérique unique rassemblant en un seul endroit toutes les règles des municipalités, des provinces et des agences de l'eau, les plans d'aménagement et l'ensemble des règles relatives à un lieu ou à une zone ».

Un autre outil est « l'échelle d'urbanisation durable », introduit en 2017 dans le décret sur l'aménagement du territoire, rapportent les auteurs de la synthèse. Dans ce cadre, les provinces et les municipalités, autorités compétentes en matière d'urbanisme, doivent « évaluer la nécessité de tout nouveau développement urbain et justifier la raison pour laquelle ce besoin ne peut pas être satisfait dans la zone urbaine existante ».

L'Allemagne, de son côté, affiche un objectif national, même s'il apparaît moins ambitieux que celui de l'Italie. Mais les stratégies diffèrent selon les Länder, certains mettant en œuvre des mécanismes plus solides que d'autres. Ainsi, le Bade-Wurtenberg s'est fixé l'objectif ZAN 2035, qui sera rendu contraignant par son inscription dans le plan de développement du Land, dont la révision sera préparée par un conseil de 400 citoyens tirés au sort. Il sera accompagné d'un plan d'action comportant plusieurs mesures de soutien, parmi lesquelles une subvention pour les projets de densification à hauteur de 50 % du montant du projet dans la limite de 100 000 euros ou le financement de la création de postes de gestionnaires de l'espace communal, avec un engagement sur trois ans dans la limite de 40 000 euros par an.

La ville-État de Berlin, très densément peuplée, s'est fixée, quant à elle, comme objectif un solde équilibré entre artificialisation et renaturation à partir de 2030. Pour cela, elle a mis en place un système de compensation à l'échelle de la ville à l'aide d'une cartographie des espaces pouvant accueillir les mesures de compensation et d'un compteur écologique permettant de repérer de tels espaces. « Toutefois, l'utilisation de ces outils à l'échelle de la ville-État semble atteindre ses limites, par manque de terrains disponibles pour effectuer des mesures de compensation et compte tenu des objectifs de construction de nouveaux logements », tempère l'étude.

1. Télécharger la note du Sénat
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-42501-note-senat-artificialisation-legislation-comparee.pdf

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