Pierre-Franck Chevet prend aujourd'hui la succession d'André-Claude Lacoste à la tête de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), pour un mandat de 6 ans, non reconductible. Il a été nommé par décret du Président de la République en date du 9 novembre, après que sa candidature a été validée par l'Assemblée nationale et le Sénat, comme le prévoit la loi.
"Je souhaite inscrire mon action dans la continuité d'André Claude-Lacoste, qui a placé l'ASN dans une situation de modèle, de réfèrent au niveau mondial", indiquait Pierre-Franck Chevet lors de son audition par la Commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale, le 6 novembre dernier. "Selon moi, l'ASN repose sur 4 valeurs essentielles : compétence et rigueur, indépendance et transparence. Toutes sont nécessaires mais ne sont suffisantes qu'inscrites dans la durée. J'ai une double conviction : l'accident nucléaire est possible en France et il ne doit pas y avoir de sûreté à deux vitesses dans le monde". Selon lui, plusieurs points sont indispensables à la sûreté nucléaire : disposer de compétences humaines suffisantes à l'ASN et chez les opérateurs, disposer d'un cadre institutionnel stable et toujours être attentif à ce qui se fait de mieux ailleurs, "pas seulement dans le nucléaire, mais aussi dans le monde industriel".
Durée de vie des centrales, compétences, Fessenheim…
Pendant son mandat, Pierre-Franck Chevet devra, entre autres, assurer le suivi de la mise en œuvre par les exploitants des 900 prescriptions publiées par l'ASN à la suite des évaluations complémentaires de sûreté, examiner les travaux envisagés par EDF à Fessenheim, se prononcer sur la durée de vie d'exploitation des centrales et superviser les travaux de construction de l'EPR de Flamanville, dont l'ouverture est prévue en 2016, et le démantèlement de Brennilis.
Sur le vieillissement des centrales, il a rappelé devant les députés qu'au-delà de trente ans de fonctionnement, chaque centrale nécessite un examen au cas par cas et qu'une exploitation au-delà de quarante ans "n'est nullement acquise à ce stade. L'ASN devra se prononcer sur ce sujet, un rendez-vous technique est fixé en 2015". Selon lui, il existe certains freins à la poursuite d'exploitation au-delà de quarante ans : la longévité des composants non remplaçables, comme les cuves et le bâtiment réacteur, et l'évolution des référentiels de sûreté.
Le tout nouveau président de l'ASN devra rapidement se prononcer sur la poursuite d'exploitation de Fessenheim, plus particulièrement sur les travaux envisagés par l'exploitant (source d'eau froide, radier). "L'ASN peut fermer un site pour des raisons de sûreté, rappelle-t-il. Le gouvernement le peut pour d'autres raisons". Il confirme, comme l'a fait précédemment André-Claude Lacoste, que les procédures d'arrêt sont longues (4 à 5 ans) et du même niveau de sévérité que celles pratiquées pour la mise en exploitation d'un réacteur.
Outre la sûreté matérielle, Pierre-Franck Chevet accorde une grande importance à la sûreté organisationnelle et notamment aux questions de sous-traitance mais aussi de renouvellement des compétences chez les opérateurs : "Il y a toute une génération qui va partir à la retraite, il faut veiller au passage de flambeau".
Interrogé sur le fait que l'ASN s'occupait de sûreté mais pas de sécurité nucléaire, Pierre-Franck Chevet a estimé que ces deux questions "ne relevaient pas de la même gouvernance" mais s'est dit près à étudier un éventuel rapprochement des problématiques.
Une carrière débutée à l'ASN
Directeur général de l'énergie et des matières premières depuis 2007 puis directeur général de la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) qu'il a créée, Pierre Franck Chevet connaît bien la maison. Cet ingénieur général du Corps des Mines de 51 ans a en effet débuté sa carrière à l'ASN en 1986, année de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. D'abord adjoint au chef du bureau de contrôle de la construction nucléaire, il est devenu sous-directeur chargé des réacteurs électrogènes (réacteurs à eau sous pression et Superphénix), puis a été nommé adjoint d'André-Claude Lacoste.
Il poursuit ensuite sa carrière dans les DRIRE d'Alsace puis du Nord-Pas-de-Calais et assure à ce titre les responsabilités de délégué territorial de l'ASN, en charge du contrôle de Fessenheim, de Cattenom puis de Gravelines. Il rejoint en 2005 le cabinet du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, en qualité de conseiller en charge de l'énergie, de l'industrie, de la recherche et de l'environnement. Dans ce cadre, il participe à l'élaboration des lois de 2006 sur la transparence et la sûreté nucléaires et sur la gestion des déchets et matières nucléaires, principales lois encadrant cette activité aujourd'hui.