Les orientations du projet de schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage) permettront-elles de maintenir voire d'améliorer la qualité de masse d'eau en Seine-Normandie ? Son comité de bassin l'a en tous cas adopté le 12 octobre dernier. Le projet de document va désormais être soumis à l'avis de l'Autorité environnementale nationale puis à consultation publique. Il fixe, pour une période de six ans, les grandes lignes de la politique de l'eau sur le bassin. L'objectif final est de répondre aux objectifs de la Directive cadre sur l'eau. Celle-ci visait initialement l'atteinte d'un bon état pour chaque masse d'eau en 2015, avec toutefois des possibilités de report d'échéance ou d'objectifs moins stricts, sous réserve de leur justification. La France prévoit ainsi que 68 % de ses masses d'eau seront en bon état écologique en 2027.
Au niveau du bassin Seine Normandie, le projet de Sdage a fixé, parmi ses objectifs d'ici 2027, d'amener 52 % des cours d'eau du bassin au bon état. Contre 32 % aujourd'hui. Ce qui implique des initiatives supplémentaires. « En raison des facteurs de pressions importants qui s'accroissent sur le bassin d'ici à 2027, l'état des milieux aquatiques et des eaux souterraines aurait tendance à se dégrader si aucune nouvelle action n'était entreprise », pointait l'état des lieux des masses d'eau (1) du bassin 2019. Par exemple, le document projette que les 32 % des cours d'eau du bassin en très bon ou bon état écologique serait réduits à 18 % sans actions supplémentaires.
Si des progrès sont à noter depuis le dernier état des lieux en 2013, le bilan montre une situation toujours loin des objectifs. Ainsi, la majorité des cours d'eau reste en état écologique moyen (43 %) et 14 % en état médiocre ou mauvais. Concernant l'état chimique, seulement 32 % seraient en bon état, en prenant en compte les substances ubiquistes (2) .
61% des cours d'eau menacés par des pressions hydromorphologiques
Les 82 % qui présentent un risque de non atteinte des objectifs en 2027 le sont principalement (61 %) du fait de pressions hydromorphologiques (sur l'hydrologie, la continuité de l'écoulement, la morphologie), selon l'état des lieux. La seconde cause (41 %) est les pesticides et la troisième des rejets macropolluants (3) ponctuels. « Si les apports en azote minéral pour les cultures se stabilisent et sont beaucoup plus fractionnés, l'effet des retournements de prairies est difficile à appréhender, note l'Agence de l'eau. Au final, on compte deux fois plus de cours d'eau dégradés par les nitrates que dans le dernier état des lieux ».
Pour les eaux souterraines, 30 % (4) des masses d'eau du bassin sont en bon état chimique et 70 % en état médiocre. D'un point de vue quantitatif, 93 % sont en bon état. Les quatre en état médiocre sont situées dans la plaine de Caen, la craie du Neubourg, la craie de Champagne sud et centre ainsi qu'une partie de l'isthme du Cotentin.
« La disponibilité relative de la ressource en eaux souterraines du bassin Seine-Normandie ne suffit donc pas toujours à assurer l'équilibre quantitatif de certains cours d'eau en période d'étiage, rappelle l'Agence de l'eau. Par ailleurs les projections du changement climatique sur le bassin convergent vers une tendance à la baisse des débits des cours d'eau et une aggravation significative des étiages sévères, aussi bien en fréquence qu'en intensité, ainsi qu'une diminution de la recharge des nappes ».
Pour mémoire, 48 % des prélèvements pour l'eau potable et 93 % pour l'irrigation proviennent des eaux souterraines.
L'objectif du Sdage 2022-2027 est d'atteindre au moins 32 % de masses d'eau souterraines en bon état chimique en 2027 et que toutes atteignent le bon état quantitatif. Pour cela, les efforts devront porter sur une réduction de la concentration en pesticides, en nitrates diffus et agir sur le déséquilibre quantitatif.
Quatre plans d'eau en bon état écologique sur 46
Le dernier état des lieux montrait que 28 des 46 plans d'eau (5) du bassin affichent un bon état chimique (en intégrant les substances ubiquistes (HAP, etc.) et quatre un bon état écologique. Les principales causes de dégradation sont la présence de pesticides et de macropolluants.
Le projet de Sdage compte atteindre le bon état pour 11 de ces masses d'eau.
Concernant les eaux littorales (estuaires et eaux côtières), leur état chimique reste stable à 15 % de bon état. « Les niveaux de contamination chimique, pour leur part, augmentent au fur et à mesure que l'on se rapproche de l'embouchure de la Seine» constate l'agence de l'eau.
Le principal problème ? Les PCB, molécules ubiquistes. Ces polluants dégradent 70 % des masses d'eau littorales. « On y trouve en particulier le PCB 118, marqueur global des PCB et toxique pour le milieu, qui provient majoritairement de la mobilisation de sédiments dans la Seine, souligne l'Agence de l'eau. Malgré une absence de rejets actuels (le rejet des PCB ayant été interdit dès 1987) et une lente diminution des concentrations, la présence de PCB reste un fort enjeu sur le bassin Seine-Normandie, du fait d'un « héritage » des pollutions historiques stockées dans les sédiments ». Parmi les autres paramètres déclassants figurent des molécules d'origine industrielle (diphényl éthers bromés – PBDE -, Dichlorométhane, DEHP, HAP, TBT) ou des pesticides (Heptachlore, Dichlorvos).
En revanche, 13 des 19 masses d'eau côtières sont en bon ou très bon état écologique. « Les flux d'azote qui arrivent en Baie de Seine provoquent des déséquilibres qui ont un impact préoccupant sur les échouages d'algues et les développements épisodiques de microalgues toxiques, impacts qui risquent d'être accentués à l'avenir par le changement climatique », souligne toutefois l'Agence de l'eau. Pour 2027, le projet de Sdage souhaite parvenir à une réduction des concentrations moyennes hivernales en nitrates dans les fleuves (et résurgences karstiques côtières) par rapport à la période 2015-2017.
Du fait d'altérations hydromorphologiques, pratiquement inchangées d'une période à l'autre, les estuaires, dont celui de la Seine, sont en état écologique moyen à mauvais. Au final, sur 27 masses d'eau littorales, 18 risquent de ne pas atteindre les objectifs environnementaux en 2027.