Jeudi 5 avril 2012, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) a publié un avis de 6 pages sur les agrocarburants de première génération (1) . Selon l'Agence, la synthèse des études scientifiques réalisées entre 2008 et 2010 fait ressortir "que dans plus de 2/3 des évaluations" la prise en compte du changement d'affectation des sols (CAS) dans le bilan des émissions de GES ne permet pas de respecter le critère de réduction des émissions de GES inscrit à la directive 2009/08/CE.
L'Ademe fait ici référence à une étude lancée en juin 2010 et réalisée en colaboration avec l'Institut national de recherche agricole (Inra).
Beaucoup d'incertitudes
Après avoir rappelé que le directive 2009/28/CE impose aux agrocarburants des contraintes de durabilité (2) , l'Ademe reprend les premiers résultats de l'analyse de cycle de vie (ACV) des agrocarburants de première génération.
Cette première étude de l'Ademe montrait que si l'on ne prend pas en compte les CAS, "les biodiesels et les bioéthanols (…) affichent toujours des bilans énergétiques, du puits à la roue, largement positifs par rapport aux carburants fossiles de référence (essence et gazole)", rappelle l'Agence qui reproduits les résultats présentés en avril 2010.
Deux ans plus tard, il semble que malgré les progrès accomplis et bien qu'on dispose maintenant de nombreuses études sur le sujet, la prise en compte des CAS, qu'ils soient directs (CASd) (3) ou indirects CASi (4) , reste entourée d'incertitudes. C'est tout au moins ce qu'avance en premier lieu l'Ademe.
Et trois résultats
Malgré cette incertitude, certaines conclusions se dessinent et accréditent la thèse selon laquelle la prise en compte des CAS affaiblit le bilan environnemental des agrocarburants.
Tout d'abord, la synthèse des études scientifique "accrédite les hypothèses suivant lesquelles le développement de cultures énergétiques à des fins de production de biocarburants conduit, hors du territoire français, à des CAS susceptibles d'alourdir le bilan net en émissions de GES des biocarburants", estime l'Ademe.
Par ailleurs, l'Agence ajoute que "par nature, les CASi sont moins faciles à cerner" car "on doit recourir, pour les estimer, à des modèles économiques ou à des approches de type « ACV conséquentielles »".
Enfin, ces études montrent que "les émissions de gaz à effet de serre liées au CAS apparaissent plus importantes pour les filières biodiesels que les filières éthanol" et que "l'impact varie selon les régions de culture et de demande de biocarburants, les scénarios concernant l'Europe étant dans les deux cas moins défavorables".
Difficile d'atteindre les critères de durabilité de l'UE
Et de conclure : "la synthèse réalisée avec l'INRA constate que dans plus de 2/3 des évaluations, la prise en compte, dans le calcul des émissions de GES de la filière, des émissions générées par le changement d'affectation des sols aboutit à un bilan total d'émissions de GES qui ne permet pas de respecter le critère de réduction des émissions de GES de 35% par rapport aux carburants fossiles de référence, compte tenu des valeurs de référence actuellement retenues par l'Union Européenne".
Dans sa propre synthèse (5) , l'Inra évoque "un débat scientifique riche" et "de nombreux travaux [qui] montrent que le calcul [du] bilan [des émissions de GES] est très sensible à l'impact de la production d'agrocarburants sur le changement d'affectation des sols".
Néanmoins, l'Inra ne fait explicitement référence qu'aux travaux Searchinger et al publiés en 2008 et montrant que "lorsque ce CAS est considéré, l'écart entre le bilan GES des agrocarburants de première génération et celui des carburants fossiles est significativement réduit", ajoutant que "par conséquent, l'intérêt des agrocarburants en termes de réduction des émissions de GES devient beaucoup moins évident".