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“La valorisation du glycérol pourrait rendre la filière du biodiesel plus pérenne”

Responsable de l'équipe Valbio ''valorisation des alcanes et de la biomasse'' de l'Unité de catalyse et chimie du solide de Centrale Lille, Sébastien Paul pilote des travaux sur la valorisation d'un coproduit du biodiesel, le glycérol. Il revient sur les enjeux de la filière et de la chimie verte.

Interview  |  Energie  |    |  E. Gomez
   
“La  valorisation du glycérol pourrait rendre la filière du biodiesel plus pérenne”
Sébastien Paul
Enseignant et chercheur, responsable de l'équipe Valbio à Centrale Lille
   

Actu-environnement : Votre équipe de l'Unité de catalyse et chimie du solide (UCCS) a mis au point une technique de valorisation du glycérol, un coproduit du biodiesel. En quoi cette valorisation est-elle intéressante ?

Sébastien Paul : Dans le procédé de production du biodiesel, on part à l'origine d'huile végétale, de colza par exemple, pour faire une réaction chimique qui s'appelle la transestérification. Ce procédé permet d'obtenir du biodiesel. Mais pour une tonne de biodiesel produite, on obtient aussi 100 kg de coproduit : le glycérol. C'est donc 10% de la production totale, qui est pratiquement considérée comme un déchet car aucune solution de valorisation économiquement intéressante n'existe à ce jour. La valorisation du glycérol pourrait donc rendre la filière du biodiesel plus pérenne.

D'un point de vue chimique, c'est une molécule très intéressante. Le glycérol est le point de départ d'une grande quantité de réactions chimiques susceptibles de conduire à des molécules d'intérêt. Mon équipe Valbio (valorisation des alcanes et de la biomasse) travaille depuis plusieurs années sur sa valorisation, pour produire de l'acroléine biosourcée notamment.

AE : A quoi sert l'acroléine ?

SP : Elle est peu utilisée en elle-même, mais elle sert d'intermédiaire pour obtenir des acides aminés indispensables à l'alimentation animale, à savoir, la méthionine. Il y a une demande croissante pour cette molécule ! Nous avons travaillé en partenariat avec la société Adisseo, l'un des leaders mondiaux de la production de méthionine, qui la produit pour le moment à partir de matières pétrosourcées. L'idée était de partir du glycérol pour obtenir de l'acroléine biosourcée, et ensuite produire de la méthionine partiellement biosourcée.

AE : Comment êtes-vous parvenus à développer la technologie nécessaire à cette valorisation du glycérol ?

SP : Nous avons d'abord suivi la même voie que les autres équipes scientifiques qui ont travaillé sur le sujet, mais sur des catalyseurs hétérogènes innovants afin d'effectuer une double déshydratation du glycérol. Nous étions toujours confrontés aux mêmes difficultés que les autres chercheurs, notre équipe a donc imaginé une autre voie chimique. En un an de collaboration avec un chercheur japonais de l'AIST (équivalent du CNRS français), on a mis au point un nouveau procédé catalytique qui permet de transformer le glycérol en une autre molécule : l'alcool allylique. Cette molécule permet de donner accès à tout ce qu'on peut produire grâce à l'acroléine, sans en produire. Même si on peut facilement transformer l'alcool allylique en acroléine. C'est quelque chose qui n'avait jamais été fait en catalyse hétérogène et nous avons breveté cette technologie.

Cette technologie permet aussi d'accéder à de nombreux intermédiaires chimiques très intéressants. On a développé un portefeuille de technologies et de brevets associés, qui permettent, à partir du glycérol et en passant par l'alcool allylique, d'obtenir de l'acrylonitrile à partir duquel on pourrait produire des fibres de carbone biosourcées. Avec une autre équipe japonaise, on a aussi développé un procédé pour obtenir de l'acide acrylique, à partir duquel on produit des acrylates, utilisés dans les revêtements ou les peintures.

AE : Finalement, qu'elle soit biosourcée ou pétrosourcée, la molécule produite est-elle la même ? Ou bien la molécule biosourcée est-elle meilleure, pour la santé des animaux et pour l'environnement ?

SP : La molécule est exactement la même et dans le cas de la méthionine, cela ne change rien pour l'alimentation des animaux. Mais concernant l'émission de gaz à effet de serre, il y a une grande différence. En fin de cycle, la molécule se dégrade et relargue du CO2. Quand il vient d'une plante, ce dioxyde de carbone a été fixé par le mécanisme de photosynthèse à partir du CO2 présent dans l'atmosphère. En clair, la plante capte du CO2 pour se développer, puis on utilise la plante dans un procédé chimique et finalement, la molécule relargue du CO2 : avec la valorisation de la biomasse on créé un cycle court et le bilan CO2 est quasi nul.

Les ressources fossiles sont aussi initialement issues de végétaux qui sont stockés sous la terre depuis des milliards d'années. Mais on libère tout ce CO2 dans l'atmosphère en l'espace de deux siècles. Les vitesses de stockage et de relargage du CO2 ne sont pas du tout du même ordre de grandeur !

AE : Peut-on imaginer le développement industriel d'une telle technologie, pour renforcer la filière biodiesel notamment ?

SP : Ce procédé a été développé à l'échelle du laboratoire, et on peut imaginer un pilote puis une unité à échelle commerciale. Mais pour l'instant, je pense qu'un développement de cette technologie est impossible tant que le prix du pétrole reste faible. Le prix du glycérol a augmenté tandis que celui du pétrole a fortement diminué. Notre recherche a commencé en 2008-2009 au moment où le pétrole était à 100 dollars le baril, on est maintenant retombé à 50 dollars le baril. Les impératifs économiques ne sont plus les mêmes.

Nous pourrons déployer ces technologies une fois que nous serons en période de déplétion du pétrole et que son prix remontera. On ne sait pas exactement dans combien de temps, mais on sait que les réserves sont limitées et qu'il faudra avoir des solutions alternatives.

AE : Outre se faire une place dans la situation économique actuelle, quels sont les enjeux de cette technologie ?

SP : Un des enjeux est de pouvoir travailler sur le glycérol brut, tel qu'il sort du processus de production du biodiesel. Ce qui est très compliqué. Actuellement, nous utilisons un procédé de purification du glycérol qui est très coûteux.

Mais le glycérol n'est pas le produit le plus en vogue, en raison de son prix élevé. D'autant que la politique européenne de motorisation automobile est en train d'évoluer fortement : on a vanté les mérites du diesel pendant des décennies avant de faire machine arrière à toute vitesse. Aujourd'hui on promeut plutôt la motorisation électrique ou hybride. La chimie verte s'ouvre à d'autres molécules issues de déchets végétaux qui ne sont pas directement liées à un procédé de production.

AE : Comme lesquelles ?

SP : A Centrale Lille et au laboratoire UCCS, l'équipe Valbio travaille sur la valorisation de molécules plateformes issues de biomasse essentiellement végétale. On travaille par exemple sur la valorisation des sucres issus de déchets végétaux, ou sur le furfural, un excellent solvant encore trop peu valorisé, qui sert aussi à fabriquer des résines ou des arômes pour l'industrie agro-alimentaire.

C'est une question de temps, mais à mon sens la chimie du renouvelable prendra une part de plus en plus importante dans l'industrie chimique. Bien entendu, les considérations économiques prévalent et il faudra attendre que les ressources fossiles se raréfient et que leur prix remonte pour que le biosourcé s'impose. Ou bien que l'Europe, qui ne dispose pas de beaucoup de ressources fossiles, développe une politique incitative.

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