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Produits phytosanitaires : l'avenir plus qu'incertain du conseil stratégique

Peu soutenu dans sa mise en œuvre, le conseil stratégique phytosanitaire est désormais compromis, du moins son caractère obligatoire. Des travaux sont lancés par le ministère de l'Agriculture pour faire évoluer le dispositif au cours de l'année.

Produits phytosanitaires : l'avenir plus qu'incertain du conseil stratégique

En février dernier, le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé une série de mesure pour répondre à la colère des agriculteurs, et notamment la simplification du conseil stratégique. Ce conseil a été instauré en 2018, lors de la séparation des activités de vente et de conseil des produits phytosanitaires, afin de rendre le conseil indépendant. Autrement dit, que ceux qui délivrent les conseils d'utilisation des produits phytosanitaires ne soient pas ceux qui les vendent. Ce conseil devait permettre de réaliser un diagnostic et d'élaborer une stratégie de lutte contre les bioagresseurs, à raison de deux rendez-vous par période de cinq ans. La première échéance était fixée au 31 décembre 2023. Les utilisateurs de produits phytosanitaires devaient y avoir eu recours pour obtenir le renouvellement du précieux Certiphyto, nécessaire pour acheter des produits de traitement. Mais, devant le retard pris sur le terrain, le Gouvernement a, dans un premier temps, publié un décret pour décaler d'un an le délai pour délivrer ce conseil. Mais désormais, l'avenir de ce dispositif est plus qu'incertain.

La ministre déléguée à l'Agriculture a donné, ce jeudi 18 avril, le coup d'envoi des travaux de révision de ce conseil stratégique. Une mission d'appui a été confiée à l'Administration (CGAER) et une concertation est ouverte avec les parties prenantes (négoce, coopératives, syndicats d'agriculteurs, chambres d'agriculture…). Les conclusions sont attendues pour juin. Cependant, l'entourage d'Agnès Pannier-Runacher annonce d'ores et déjà que ce conseil ne sera plus obligatoire, mais réalisé sur la base du volontariat. L'objectif des travaux étant de rendre ce nouveau conseil, aux contours probablement élargis à la transition agroécologique et aux autres enjeux (climat, eau…), suffisamment attrayant pour que les agriculteurs le sollicitent. Un choix surprenant, sachant que, malgré l'obligation réglementaire, très peu d'agriculteurs avaient finalement engagé cette démarche et très peu d'organismes s'étaient organisés pour la dispenser…

Chronique d'un échec annoncé

Plusieurs rapports publiés en 2023 alertaient sur cette situation. Le CGAER d'une part, une mission parlementaire de l'autre, menée par les députés Dominique Potier (Socialiste, Meurthe-et-Moselle) et Stéphane Travert (Renaissance, Manche), à laquelle s'est ajouté un rapport d'enquête de Dominique Potier, présenté fin 2023.

“ Qui décide ? Qui pilote ? L'absence de pilotage est manifeste et les échecs sont massifs
 ”
Dominique Potier, député
Ainsi, au 22 mai 2023, 9 280 conseils stratégiques avaient été délivrés par les chambres d'agriculture, indiquait Dominique Potier dans son rapport. « Si le nombre de CSP délivrés par les chambres est en croissance exponentielle depuis 2021 (398 conseils en 2021, 3 738 conseils en 2022, 5 144 conseils en 2023), ces chiffres restent très en deçà des besoins globaux, puisqu'à terme 235 000 exploitations sont concernées », détaillait-il.

Un résultat lié au nombre insuffisant d'infrastructures agréées, expliquait le ministère de l'Agriculture, pour justifier le report de cette obligation. D'après la mission de suivi parlementaire, « entre juin 2022 et mai 2023, on comptait 84 nouvelles unités d'activité et 36 nouvelles structures agréées ». Mais, à cette faible offre, « s'est ajouté une communication considérée par beaucoup comme insuffisante auprès du monde agricole, qui a joué contre le bon déploiement de la réforme », soulignaient les députés dans leur rapport. Lors de la présentation de son rapport d'enquête, Dominique Potier était encore plus tranchant : « Les chambres d'agriculture et l'État se renvoient la balle sur la mise en place du conseil stratégique ! Qui décide ? Qui pilote ? L'absence de pilotage est manifeste et les échecs sont massifs. »

Des besoins insuffisamment couverts

Au 22 mai 2023, 9 280 conseils stratégiques avaient été délivrés par les chambres d'agriculture, alors qu'à terme 235 000 exploitations sont concernées.
Résultat : sur le terrain, les vendeurs de produits phytosanitaires ont continué à promulguer des conseils d'utilisation et de lutte phytosanitaire de manière informelle, à l'oral. « Cette situation, outre le fait qu'elle est contraire à l'intention du législateur, est également source d'insécurité juridique, pour les vendeurs comme pour les acheteurs, et pose des difficultés du point de vue assurantiel, déplorait la mission parlementaire. Lorsque l'agriculteur se retourne contre le vendeur de produits phytopharmaceutiques en cas de mauvais conseil, le vendeur n'est plus couvert par son assurance, étant donné que le conseil délivré n'a pas d'existence juridique. De même, l'issue de l'action en justice de l'agriculteur est incertaine, en particulier lorsque le fondement du conseil est oral. »

Les deux députés préconisaient donc d'urgence un assouplissement du calendrier afin de « bâtir un véritable conseil stratégique, à la hauteur des enjeux qui traversent le monde agricole concernant l'usage des produits phytosanitaires ». À aucun moment, ils ne préconisaient son abandon, ou du moins l'abandon de son caractère obligatoire : « Une adaptation du calendrier est nécessaire, mais elle ne doit en aucun cas se traduire par un abandon du conseil stratégique et de ses objectifs, qui doivent au contraire gagner en ambition. »

Des pistes d'amélioration

Parmi les pistes évoquées pour améliorer le conseil stratégique, l'une semble avoir été retenue par le Gouvernement : celle de revenir sur la séparation capitalistique des activités de vente et de conseil. Cette obligation a fait que beaucoup d'acteurs, notamment une majorité de coopératives, ont fait le choix de maintenir l'activité de vente, au détriment du conseil. « Le Président ne veut pas revenir sur le principe de séparation de vente et de conseil », indique le cabinet d'Agnès Pannier-Runacher. La séparation pourrait donc plutôt devenir opérationnelle, en renforçant la transparence et une indépendance de facturation, par exemple.

Dominique Potier et Stéphane Travers plaidaient pour une telle évolution, mais conjuguée à la mise en place d'un ordre des conseillers, comme il en existe un au Québec. Celui-ci permet de « garantir le respect des règles déontologiques de la profession et [de] lutter contre les conflits d'intérêt. Cette dynamique pourrait favoriser le développement de la profession de phytiatres, qui sont des experts en biologie végétale chargés de diagnostiquer et traiter les maladies du végétal », soulignent les députés. En parallèle, il faudrait également faire évoluer le dispositif des certificats d'économies de produits phytosanitaires (CEPP), pour « introduire une obligation de résultat complémentaire à l'obligation de moyen ».

Deuxième piste évoquée par les députés (et dès 2019 par le CGEDD) : envisager une prescription obligatoire préalable à l'achat de produits phytosanitaires, une sorte d'ordonnance phytosanitaire. Mais peu de chance que cette proposition soit retenue par le Gouvernement : « Cette solution est aujourd'hui largement rejetée par le monde agricole, qui critique notamment sa rigidité, notaient les deux parlementaires, ajoutant : Sur ce sujet, vos rapporteurs portent une conviction : de telles évolutions deviendront incontournables si les autres solutions mises en avant dans la présente communication ne permettent pas rapidement d'améliorer la trajectoire de réduction de l'usage des produits phytopharmaceutiques. »

Dernière piste, évoquée par le CGAER en 2023 : inscrire le conseil stratégique dans une démarche plus progressive de certification environnementale (Haute Valeur environnementale ou autre) et de contractualisation, qui permettrait « de garantir un débouché et une valorisation économique ».

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