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Le Conseil d'État valide le dispositif de consultation du public en matière environnementale

Estimant que les consultations publiques étaient détournées de leur objet, la Fédération des chasseurs a tenté de remettre en cause leur cadre législatif et réglementaire. Le Conseil d'État rejette ses requêtes sans régler toutes les difficultés.

Gouvernance  |    |  L. Radisson
Le Conseil d'État valide le dispositif de consultation du public en matière environnementale
Droit de l'Environnement N°325
Cet article a été publié dans Droit de l'Environnement N°325
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C'est parce que la Fédération nationale des chasseurs (FNC) était « témoin d'un rejet croissant de la chasse » et d'un détournement fréquent de l'objet des consultations publiques qui deviennent « parfois le théâtre d'actions concertées de la part de réseaux associatifs nationaux », qu'elle avait déposé, en février 2022, un recours visant à réformer le dispositif réglementaire encadrant les consultations publiques sur les projets de textes en matière d'environnement.

À l'appui de ce recours, elle avait également posé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement (1) , estimant que le législateur n'avait pas défini les garanties légales suffisantes relatives à la fiabilité des avis exprimés pour assurer l'exigence constitutionnelle du principe de participation prévu à l'article 7 de la Charte de l'environnement. La FNC regrettait tout particulièrement que « les opinions exprimées soient souvent dépourvues de fiabilité, une même personne pouvant par exemple multiplier les pseudonymes et exprimer son avis sans limitation, voire sans modération », relevait le rapporteur public du Conseil d'État, Stéphane Hoynck. Par une décision du 5 mai 2022, le Conseil d'État a refusé de transmettre la QPC au Conseil constitutionnel, estimant qu'elle ne présentait pas un caractère sérieux.

« Garantie sur la fiabilité des avis exprimés »

Par une nouvelle décision en date du 27 juillet 2023, la Haute Juridiction administrative rejette la requête de la FNC visant à faire annuler le refus du Premier ministre d'abroger l'article D. 123-46-2 du code de l'environnement (2) , qui encadre les consultations du public, et d'édicter des dispositions réglementaires supplémentaires « de nature à garantir la fiabilité de la participation du public ».

Le Conseil d'État considère que même dans l'hypothèse où le décret n'apporterait pas de garanties suffisantes pour assurer la fiabilité de la participation, cela ne serait pas de nature à le rendre illégal, « aucune disposition ni aucun principe [n'obligeant le pouvoir réglementaire] à épuiser sa compétence en un seul décret ». Sur le refus d'édicter des dispositions réglementaires supplémentaires, le Conseil d'État rappelle les termes de sa décision du 5 mai 2022 portant sur la QPC.

“ Les risques de dévoiements des consultations du public ne sont pas une question dénuée de pertinence. ” Stéphane Hoynck, rapporteur public au Conseil d'État
Les différentes garanties apportées par la loi (note de présentation, délai de prise en considération des observations, rédaction d'une synthèse, motifs de la décision, etc.) « permettent à l'autorité administrative de distinguer parmi les observations du public, celles n'ayant aucun lien avec l'objet de la consultation ou exprimant des positions générales ou de principe, de celles se prononçant sur le projet objet de la consultation ». Elles permettent également à cette même autorité, ajoute la Haute juridiction, « d'écarter certaines observations en cas de doublons ou en raison de leur caractère incomplet ou sans lien avec l'objet de la consultation, de nature à apporter ainsi une garantie sur la fiabilité des avis exprimés par le public ».

Quant à l'absence de mesures tendant à prévenir certains dysfonctionnements comme des usurpations d'identité ou la prise en compte d'observations en doublon, l'édiction de telles mesures « n'est en tout état de cause pas nécessaire au respect des principes d'égalité et d'impartialité, qu'il appartient aux autorités publiques (…) de garantir », juge le Conseil d'État.

Défaillances dans le processus de consultation

Toutefois, si les textes législatifs et réglementaires prévoient de telles garanties, elles ne sont, pour autant, pas toujours mises en œuvre. En témoigne l'expertise menée par la Commission nationale du débat public (CNDP) en 2019 à la demande de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). L'autorité administrative indépendante avait relevé plusieurs défaillances dans le processus de consultation du public : accès à l'information hétérogène et difficile, absence de prise en compte « substantielle » des avis exprimés, biais méthodologiques, absence de publication de la synthèse et de la motivation de la décision, etc.

Dans ses conclusions sur la décision du Conseil d'État du 5 mai 2022, le rapporteur public avait d'ailleurs relevé l'intérêt des interrogations de la Fédération nationale des chasseurs. « Les questions d'effectivité de la participation du public et les risques de dévoiements des consultations du public ne sont pas une question dénuée de pertinence. Mais il nous semble que c'est surtout à l'occasion de contentieux dirigés contre des décisions ayant fait l'objet d'une procédure de participation du public qui aurait vicié la procédure d'adoption qu'un tel débat pourrait avoir lieu », estimait Stéphane Hoynck.

Et il ajoutait : « L'Administration doit être attentive au risque de « contrefaçon d'opinion », que les consultations en ligne peuvent susciter, et ne pas s'en tenir au nombre d'avis rendus dans un sens donné pour forger son appréciation de la position du public sur une question environnementale ». Sauf que les pratiques dénoncées par les uns et par les autres se retrouvent dans les deux camps. La consultation qui s'est tenue entre le 15 juin et le 6 juillet dernier sur le projet d'arrêté sur le classement des espèces susceptibles d'occasionner des dégâts, qui a recueilli près de 50 000 contributions en trois semaines, vient de nouveau l'illustrer.

Dans la synthèse des observations, publiée cette fois conformément à la réglementation, le ministère de la Transition écologique relève que certains messages défavorables ont été « explicitement écrits pas des adhérents d'associations de protection de la nature, reprenant les principaux arguments soulevés par ces associations ». Mais, de la même façon, il note, du côté des contributions favorables, « des messages-type de participation » proposés par des acteurs cynégétiques. Ce que dénonçait pourtant la Fédération nationale des chasseurs à l'origine des recours.

Compte tenu de l'usage répandu de cette pratique de part et d'autre, et du rapport de force constaté (71 % d'avis défavorables et 29 % d'avis favorables au projet), c'est sans doute davantage la question de la prise en compte par l'Administration de l'opinion majoritaire qui pose question. Le ministère de la Transition écologique a en effet publié le texte début août sans modification, à l'instar de nombreux autres textes antérieurs et au grand dam des associations de protection de la nature. C'est d'ailleurs ce défaut de prise en compte qui avait motivé la saisine de la CNDP par la Ligue pour la protection des oiseaux en décembre 2018.

1. Consulter l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032975930
2. Consulter l'article D. 123-46-2 du code de l'environnement
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006074220/LEGISCTA000034500884/#LEGISCTA000034500884

Réactions3 réactions à cet article

Là est bien le cœur du problème : il ne faut pas être naïf, tous les acteurs connaissent les biais de ces consultations, le législateur ne peut pas les ignorer et est donc totalement en capacité de les prendre en compte. Ce qui pose problème, et invalide de facto le processus démocratique, c'est quand le dit-législateur ne tient pas compte de l'avis majoritaire qui émerge...

dmg | 28 août 2023 à 09h40 Signaler un contenu inapproprié

Effectivement, on se demande à quoi sert la commission nationale du débat public si les résultats en sont ignorés par le gouvernement. Seulement à nous faire croire qu'il y a une consultation démocratique ?

Luc17 | 28 août 2023 à 22h17 Signaler un contenu inapproprié

Jusqu'à présent, c'est le respect de la forme dans l'application des textes règlementaires qui a toujours prévalu dans les instances dites de consultation publiques. En témoignent ces commissions traitant de questions environnementales où les représentants des associations de protection de l'environnement sont invités à se rendre pour faire pot de fleur - et accessoirement respecter le quorum indispensable au respect des textes - puisque priés de constater que les décisions en faveur des destructeurs de la nature sont déjà prises en haut lieu.
Les consultations publiques par voie électronique connaissent désormais les mêmes travers : on organise une consultation car la loi l'impose mais les petites mains des lobbies ont déjà écrit le texte qui doit être adopté sans déplacer la moindre virgule, cela quel que soit l'importance des oppositions argumentées qu'il soulève et les contestations en justice, de plus en plus fréquemment perdues d'avance pour l’État, qu'il engendre.
Ces modalités de "consultation" pipées de A à Z ne fonctionnent plus (à tel point que même les principaux bénéficiaires jusqu'alors, telles les fédés de chasse, finiraient eux aussi par en pâtir ?!).
Par ailleurs, si la FNC constate un "rejet croissant de la chasse", il lui revient de se poser les bonnes questions : des décennies de dérapages et d'abus des pratiques cynégétiques en sont l'unique cause ! L'immense majorité des français qui ne chasse pas (près de 99% !) ne le supporte plus.

Pégase | 29 août 2023 à 09h28 Signaler un contenu inapproprié

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