Robots
Cookies

Préférences Cookies

Nous utilisons des cookies sur notre site. Certains sont essentiels, d'autres nous aident à améliorer le service rendu.
En savoir plus  ›
Actu-Environnement

Centres de données : une nouvelle voie pour recycler la chaleur hors réseau urbain

Tous les centres de données ne peuvent pas recycler leur chaleur dans un réseau urbain. Des solutions alternatives voient le jour.

TECHNIQUE  |  Energie  |    |  G. Boillot-Defremont
Centres de données : une nouvelle voie pour recycler la chaleur hors réseau urbain

En janvier 2024, une convention de partenariat de quatre ans était signée entre la Fondation de l'université Paris-Saclay, son institut de chimie moléculaire, le conseil départemental de l'Essonne, l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), AgroParisTech, CentraleSupélec et la société privée de création et de gestion de centres de données Data4. Son objet ? Réutiliser la chaleur produite par les entités de cette entreprise basée à Marcoussis (91) pour cultiver sur sites des microalgues. Un démonstrateur physique est prévu dans deux ans.

Impasses du réseau de chaleur

« À la préhistoire d'internet, les allées des serveurs n'étaient pas isolées entre elles. L'ensemble était rafraîchi grâce à la climatisation. Une méthode pour le moins inefficace, puisque l'air chaud des machines se mélangeait à l'air froid des climatisateurs », indique Dimitri Ferrière, vulgarisateur scientifique. En 2008, la chaleur des serveurs a commencé à être abaissée grâce à des systèmes adiabatiques, mettant en contact de l'air chaud avec de l'eau froide, afin que l'évaporation de cette dernière contribue à refroidir l'air ambiant. Maintenant, relève un expert du secteur, « les data centers sont refroidis par de l'air extérieur filtré ».

C'est loin d'être suffisant. Les serveurs sont « de gros radiateurs », souligne Linda Lescuyer, responsable innovation pour Data4. Depuis 2000, chaque mégawatt utilisé est évacué sous forme de chaleur à l'extérieur. En 2021, le Climate Neutral Data Centre Pact, déclaration non contraignante signée par 100 opérateurs de terrain européens, inscrit dans ses lignes la volonté de tous de travailler à la réutilisation de la chaleur produite par les serveurs. « À cette première brique se sont ajoutées des incitations réglementaires : les data centers, pour maintenir leurs conditions tarifaires de fourniture en énergie, ont dû lancer des études de réutilisation de la chaleur dégagée par leurs installations vers les réseaux urbains », indique Linda Lescuyer. Cela a donné lieu à quelques chantiers d'importance. Dans le département de la Seine-Saint-Denis, la chaleur d'un centre de données créé par la société Equinix va alimenter à hauteur de 6,6 MW une piscine construite pour les Jeux olympiques. À Genève, la chaleur émanant d'un autre centre construit par la société Infomaniak abonde le chauffage de 6 000 logements en hiver, et l'eau chaude sanitaire d'un parc encore plus important en été.

“ Nous n'allons acheter ni l'énergie ni le CO2 nécessaires au développement des algues : nous allons les produire nous-mêmes ” Linda Lescuyer, Data4
Mais de l'idée à la réalisation, il y a un gouffre. Pour Linda Lescuyer, seuls les réseaux installés au cœur d'environnements urbains (comme le supercalculateur Jean-Zay de Paris-Saclay) peuvent espérer trouver un réseau auquel se raccorder. Or sa structure a opté pour une stratégie d'installation de ses équipements en lisière de villes. « Ceci afin de ne pas entrer en compétition avec la bonne marche des programmes de construction de logements, rendue encore plus complexe depuis la sortie de la loi Zéro artificialisation nette », complète-t-elle. De plus, une étude scientifique montre qu'il est très rare de récupérer la chaleur de la totalité d'un centre de données. Enfin, il est quelquefois même nécessaire de produire un peu plus de chaleur pour que le raccordement au réseau de chaleur puisse se faire. Ainsi à Genève, Infomaniak a été contraint d'installer une pompe à chaleur afin d'augmenter de 20 degrés la chaleur sortant de ses installations (de 40 à 60 °C) afin que celle-ci soit compatible avec le réseau urbain.

Quelques solutions

Pour contrer les aléas de distribution liés à la course des saisons, l'université de Strasbourg a lancé, en 2015, un projet de récupération de chaleur et de refroidissement des serveurs par géothermie. Selon un expert du secteur, la récupération de chaleur pour l'alimentation de serres de cultures industrielles constitue une option pouvant être étudiée dans les zones excentrées. Data4 et son projet de production de bioalgues entre en droite ligne de ces initiatives de recyclage de la chaleur, hors réseau urbain.

Le démonstrateur sera installé en toiture des centres de données afin de faciliter la connexion avec le système de récupération de la chaleur des serveurs. Les algues seront placées dans des tubes transparents afin, d'une part, de favoriser la photosynthèse des cultures et, d'autre part, de ne pas peser sur la structure. Une fois arrivées à maturation, elles seront collectées et dirigées vers un méthaniseur. Leur macération produira méthane et CO2. Ce dernier sera réinjecté dans les tubes contenant de nouvelles bioalgues, afin de favoriser leur développement et de fermer le cercle vertueux. « Nous allons travailler avec une start-up autrichienne, spécialisée dans les fermes aquacoles autonomes et la production de phytoplanctons. Mais à la différence du process actuel, nous n'allons acheter ni l'énergie ni le CO2 nécessaires au développement des algues : nous allons les produire nous-mêmes », explique Linda Lescuyer.

Une production de CO2 en circuit fermé qui se doublera d'un apport supplémentaire grâce aux méthaniseurs déjà en action sur le territoire. « Ces derniers auront aussi la charge d'alimenter en gaz vert le data center de Marcoussis », conclut Patrick Duvaut, président de la Fondation de l'université Paris-Saclay.

RéactionsAucune réaction à cet article

Réagissez ou posez une question au journaliste Guénolé Boillot-Defremont

Les réactions aux articles sont réservées aux lecteurs :
- titulaires d'un abonnement (Abonnez-vous)
- inscrits à la newsletter (Inscrivez-vous)
1500 caractères maximum
Je veux retrouver mon mot de passe
Tous les champs sont obligatoires