Faire annuler le décret du 8 avril 2020 qui généralise le droit des préfets à déroger à certaines normes, notamment dans le domaine de l'environnement. Tel est l'objet du recours déposé mercredi 27 mai devant le Conseil d'État par Les Amis de la Terre France, Notre Affaire à tous, Wild Legal et Maiouri Nature Guyane.
Le texte attaqué a pérennisé et généralisé à toute la France une expérimentation menée depuis deux ans dans plusieurs régions et départements de métropole et d'Outre-mer. Il donne la possibilité aux préfets de déroger, sous certaines conditions, aux normes arrêtées par l'administration centrale afin de tenir compte des circonstances locales. Et ce, dans plusieurs domaines : environnement, agriculture, forêts, aménagement du territoire, politique de la ville, construction, logement, urbanisme…
En deux ans et demi, l'expérimentation a permis de prendre 183 arrêtés préfectoraux dérogatoires, avait précisé, en avril, le ministre de l'Intérieur. Parmi ceux-ci, de nombreux cas inquiétants selon les associations : installation d'une unité de méthanisation dans une zone protégée dans l'Yonne, construction d'une digue et d'un parc éolien sans étude d'impact en Vendée. Elles craignent que le nouveau décret soit utilisé pour pousser des projets polluants dans un contexte de relance économique post-confinement, notamment les projets miniers en Guyane.
« Ce décret fige dans le droit commun, sans information ni consultation du public minimale, un dispositif réglementaire rétrograde laissant à l'arbitraire de chaque préfet le soin de garantir une application inégalitaire du droit de l'environnement », estime Louis Cofflard, conseil des ONG. L'avocat avait déjà porté le recours des Amis de la Terre contre le décret mettant en place l'expérimentation, mais la Haute juridiction administrative l'avait rejeté en juin 2019, estimant que le texte ne méconnaissait pas le principe de non-régression du droit de l'environnement.