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S-métolachlore dans l'eau potable : des associations déposent des recours

MAJ le 06/10/2022

Dans des territoires, comme en Alsace, les niveaux de pesticides dépassent les seuils réglementaires de qualité de l'eau. Celle-ci peut toutefois être distribuée si des mesures correctives sont engagées. Opposées, des associations engagent des recours.

Eau  |    |  D. Laperche
S-métolachlore dans l'eau potable : des associations déposent des recours

« Cette histoire dure depuis trop longtemps : cela fait des années que des usagers consomment une eau non conforme », pointe Daniel Reininger, président d'Alsace Nature. En cause : le dépassement – en plusieurs points de la nappe phréatique du Rhin supérieur – de la limite de qualité pour des métabolites du S-métolachlore. Ce dernier rentre dans la composition de plusieurs herbicides utilisés notamment sur la culture du maïs, du tournesol, de la betterave, du haricot, etc.

La prise de conscience de l'ampleur de la pollution de cette nappe par l'association est liée, notamment, à l'état des lieux « Ermes-Rhin 2016 », lancé en 2016. Cet inventaire (1) s'est intéressé à une gamme plus importante de substances que ce qui est réalisé habituellement pour les contrôles de la qualité de l'eau (2) . « En 2018, des résultats ont montré que 95 % des points de contrôle dans la nappe d'Alsace contenaient des métabolites d'herbicides, notamment du S-métolachlore, dont 61 % affichaient des taux supérieurs à 0,1 microgramme par litre, qui est la limite de qualité pour les pesticides », résume Daniel Reininger.

Un grand nombre de non-conformités

Se posait toutefois la question des conséquences sanitaires de cette pollution. Car le seuil de 0,1 microgramme par litre correspond au seuil de détection des méthodes d'analyses disponibles au début des années 1970, pour les pesticides recherchés à cette époque. L'idée d'alors était de limiter la pollution au minimum détectable. Depuis, l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a apporté un éclairage sanitaire, qui établit des valeurs maximales pour des substances considérées comme pertinentes (3) . Mais restait encore à préciser la notion de pertinence pour classer et suivre les métabolites de pesticides. Une réponse que l'Anses a apporté dans un avis (4) de janvier 2019.

Ces seuils (limites de qualité et valeur sanitaire maximale) dressent un cadre pour arbitrer sur la possible distribution, ou non, de l'eau. Ainsi lorsque la limite de qualité est dépassée, l'eau peut continuer à être distribuée (par l'intermédiaire d'un arrêté préfectoral dérogatoire) et à la condition que la collectivité engage un plan d'action pour revenir dans les clous. En revanche, si le seuil sanitaire est dépassé, le responsable de la production et de la distribution de l'eau doit informer les abonnés, « dans les meilleurs délais », que l'eau ne doit plus être consommée. Si cette limite sanitaire n'a pas pu être déterminée, des restrictions de consommation d'eau peuvent dans certains cas être prononcées.

“ Nous espérons que nos recours feront boule de neige : la situation est semblable dans d'autres départements ” Daniel Reininger, Alsace Nature
Concernant le S-métolachlore, les trois métabolites suivis, le NOA, ESA et OXA , sont désormais considérés comme non pertinents pour les eaux destinées à la consommation humaine par l'Anses. Cette situation est récente pour l'ESA et le NOA (un avis de septembre 2022 (5) ). Avant ce récent "déclassement", l'ESA représentait un casse-tête pour de nombreuses collectivitées. « Depuis quelques années, le métolachlore ESA et le métolachlore OXA figurent parmi les cinq molécules les plus fréquemment à l'origine d'un classement en situation de non-conformité, c'est-à-dire une présence de pesticides à des concentrations supérieures aux limites de qualité », avait situé l'Anses dans un précédent avis. Pour les métabolites non-pertinents, la limite réglementaire de qualité de 0,1 µg/l ne s'applique pas. Elle est remplacée par une valeur de vigilance de 0,9 µg/l. Un seuil sanitaire (6) avait pu être établi pour le métolachlore ESA et OXA, de 510 µg/L, selon l'avis de l'Anses du 2 janvier 2014. Mais pas pour le NOA, faute de valeur toxicologique de référence.

Un potentiel de 560 000 personnes concernées en Alsace

En Alsace, des arrêtés préfectoraux dérogatoires commencent à être pris par la préfecture du Bas-Rhin pour assurer la poursuite de la distribution de l'eau malgré ce dépassement des limites de qualité. « Pour l'instant, nous avons identifié huit arrêtés dérogatoires dans le département du Bas-Rhin, deux sont en cours dans le Haut-Rhin, indique Daniel Reininger. Au total, une vingtaine par département pourrait être pris et cela concernerait 560 000 personnes. »

Une situation inacceptable pour l'association Alsace Nature, qui vient de déposer des recours contre ces arrêtés dérogatoires. « Quatre ans après l'étude Ermes, des arrêtés dérogatoires sont pris pour continuer à distribuer une eau qui n'est plus aux normes. Nous considérons que c'est parfaitement intolérable, s'indigne Daniel Reininger. Depuis 2004, la Communauté européenne avait mis en garde contre les métabolites du S-métolachlore et même le fabricant de la substance préconise de ne pas l'utiliser dans les périmètres d'aire d'alimentation de captage prioritaires et dans les zones sensibles. »

En Alsace, de nouvelles molécules à suivre depuis décembre 2020

Les cartes des pesticides surveillés ont été rebattues, avec l'instruction du 18 décembre 2020 adressée aux agences régionales de santé. Dans le Grand Est, 202 molécules sont désormais analysées, dont 160 substances actives et 42 métabolites. En Alsace, 48 % de molécules nouvelles sont recherchées par rapport à l'ancienne liste. Sur le plan national, cette nouvelle approche pourrait conduire à des non-conformités concernant entre 10 et 15 % de la population.
L'association espère, à travers cette initiative, alerter les consommateurs sur ces dépassements et mettre en avant le principe de précaution, notamment pour les populations sensibles (enfants et femmes enceintes). « Cent mille molécules différentes circulent en Europe, nous n'en recherchons que 300 à 400, et nous n'avons que très peu de connaissances sur l'effet cocktail, regrette Daniel Reininger. Nous souhaiterions que nous changions de modèle et que nous interdisions les herbicides dans les aires d'alimentation des captages d'eau potable. »

L'association aimerait également que soit plus largement appliqué le principe du pollueur-payeur. « S'il faut mettre des dispositifs curatifs, il faudrait qu'ils soient financés par les responsables de la pollution, par exemple à travers la PAC, estime Daniel Reininger. Je n'accable pas le monde agricole dans son ensemble, mais une partie ne joue pas le jeu et ne le fera pas sans des règles fixées par les pouvoirs publics. Nous espérons que nos recours feront boule de neige : la situation est semblable dans d'autres départements. »

D'autres associations ont effectivement lancé une procédure similaire. Ainsi, en Loire-Atlantique, le Collectif sans pesticides a lancé, en septembre 2020, une procédure contre l'arrêté dérogatoire sur le territoire de Guémené-Penfao (affaire pas encore jugée). En cause, notamment : un défaut d'information de la population sur cette pollution, un plan d'action considéré comme insuffisant, mais également des seuils retenus pour les pesticides jugés trop élevés.

1. Télécharger les derniers résultats de suivi de la nappe du Rhin
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-40395-aprona-suivi-nappe-rhin.pdf
2. 400 substances recherchées, soit deux fois plus que lors des contrôles classiques de la qualité de l'eau potable.3. En juin 2022, seuls 10 métabolites de pesticides étaient considérés comme non pertinents, les autres étant classés pertinents par défaut, en attente d'expertise de l'Anses pour certains. Pour les non-pertinents, la limite réglementaire de qualité de 0,1 µg/l ne s'applique pas. Elle est remplacée par une valeur de vigilance de 0,9 µg/l.4. Télécharger l'avis du 30 janvier 2019
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-40395-anses-avis-2019.pdf
5. Télécharger l'avis de l'Anses du 30 septembre 2022
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-40395-avis-anses-esa-s-metolachlore-non-pertinent.pdf
6.  de 510 µg/L pour le MTC-ESA et le MTC-OXA selon l'avis de l'Anses du 2 janvier 2014

Réactions3 réactions à cet article

Les préfets sont assurément des gens très arrangeants : qu'un produit aussi essentiel que l'eau devienne non potable du fait des conséquences de l'agriculture intensive et hop !, ils vous concoctent des arrêtés dérogatoires pour rhabiller l'illégalité avec les attributs tout propres de la légalité ! Des pratiques que ne désavouerait pas la mafia.
Ces passe-droits administratifs pour que se perpétue aussi longtemps que possible le toxique et si lucratif business de l'agrochimie sont insupportables. Alsace Nature est parfaitement fondée à attaquer ces arrêtés préfectoraux scélérats. Je lui souhaite plein succès dans son entreprise de restauration de la salubrité publique.

Pégase | 05 octobre 2022 à 15h24 Signaler un contenu inapproprié

Ici, sur Colmar, on vient de connaître un épisode ponctuel de pollution ponctuelle à ce composé. Un point de contrôle dans l'année a été quantifié au dessus de la limite qualité (par contre, on en sait pas si c'était +5% ou +50%, ce qui change beaucoup de choses).
Solution : diluer l'eau du captage par celle d'un autre captage, voisin, qui est, lui, épargné.
Visiblement, c'est revenu dans le droit chemin depuis.... à surveiller toutefois. A terme, çà se passera sans doute comme l'atrazine, qui est désormais interdite d'utilisation.

Pour le reste, yakafokon...... déjà s'assurer que tout le monde parle bien du terme de limite qualité, qui a sa propre signification technique. Et ensuite, envoyer les dites assos et leurs fans sur FB proposer leurs valeurs des limites et des seuils à retenir, tout en les étayant par des sources techniques vérifiées, et techniquement réalisables pour les contrôler en labos. Ca changera!

nimb | 06 octobre 2022 à 09h32 Signaler un contenu inapproprié

Quand va t-on enfin se pencher sur l'effet cocktail ? Car interdire au cas par cas et une par une les centaines, voire les milliers de molécules toxiques circulantes pourrait prendre des dizaines d'années. Il faut débloquer des crédits pour se pencher sur cette question essentielle.

gaïa94 | 19 octobre 2022 à 00h03 Signaler un contenu inapproprié

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