Directeur de Greenpeace
Actu Environnement : Hier soir était organisé un premier débat entre les cinq candidats (1) à la Présidentielle qui font la course en tête dans les sondages. Qu'avez-vous pensé de la place accordée aux questions environnementales ?
Jean-François Julliard : Il y a eu des choses intéressantes : c'est la première fois que deux candidats, Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon, parlent clairement de sortie du nucléaire. On sent que l'écologie devient un vrai marqueur du clivage gauche-droite dans l'échiquier politique. En revanche, c'est regrettable qu'il y ait aussi peu de place accordée à l'écologie dans ces grands débats. C'était déjà le cas lors des primaires… Si certains candidats n'abordent pas d'eux-mêmes ce sujet, notamment lorsqu'ont été posées les questions d'immigration et d'emplois, l'écologie reste réduite à la portion congrue. Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon ont notamment abordé d'eux-mêmes la problématique des réfugiés climatiques lorsqu'il a été question des migrants. Il y a une culture en France qui fait que l'écologie passe encore au second plan alors que tous les sondages indiquent que cela fait partie des principales préoccupations des Français. On n'a pas compris qu'on ne traitera pas d'économie, d'emplois ou même de sécurité sans parler d'écologie, que tout est imbriqué.
AE : Pour cette élection, Greenpeace a décidé de ne pas interpeler les candidats mais de décrypter leurs programmes (2) pour les citoyens. Pourquoi ce choix ?
JFJ : Nous avions interpelé les candidats en 2007 et 2012, l'objectif était d'obtenir des engagements concrets dans leurs promesses de campagne. Mais nous en sommes revenus, nous avons été déçus. Nous préférons interpeler les électeurs et imposer les questions environnementales dans le débat public, sans quémander des mesurettes.
AE : Vous avez déjà décrypté le programme des cinq "principaux" candidats. Quelles conclusions en tirez-vous ?
JFJ : Pour la première fois, tous les candidats se sentent obligés d'avoir une composante écologique dans leur programme. Ce n'était pas le cas en 2012 et, cette année, ça devient incontournable. Mais on fait la part des choses entre les vraies mesures et les vœux pieux. On sent que c'est un sujet assez mal maîtrisé encore pour certains, que d'autres n'en ont rien à faire…
Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon ont clairement renforcé et musclé leurs ambitions, que ce soit sur le nucléaire, l'ambition de transformer le système agricole, d'abandonner les pesticides, de lutter contre la prolifération des perturbateurs endocriniens… Il y a de réelles ruptures dans leurs programmes, des transformations véritables.
Emmanuel Macron se situe un peu au milieu sur les sujets environnementaux, comme est sa place sur l'échiquier politique ! Son programme n'est pas enthousiasmant sur le plan écologique, mais il n'est pas non plus dangereux. Il s'apparente un peu à du saupoudrage : un peu de bio, un peu d'énergies renouvelables… Mais les mesures ne vont pas assez loin. On sent que c'est un sujet assez nouveau pour lui et on reste prudent : en tant que ministre de l'Economie, ses arbitrages n'étaient pas forcément en faveur de l'environnement.
François Fillon a quant à lui un programme très rétrograde et archaïque sur le nucléaire et l'agriculture, en défendant encore le modèle intensif dominant façonné par la FNSEA…
Enfin, Marine Le Pen est tellement éloignée de ces sujets-là… Elle se sert de l'écologie pour porter ses valeurs de patriotisme et de préférence nationale. Or, l'écologie est tout sauf une notion qui s'arrête aux frontières. Le climat, la biodiversité, les OGM etc. ne peuvent pas être traités isolément dans notre pays…
AE : Y a-t-il des sujets encore absents des programmes de ces candidats ?
JFJ : Il y a peu de choses sur la pollution de l'air, la protection des océans, la surpêche, la lutte contre la déforestation… C'est une élection nationale et, globalement, tous les sujets d'envergure, globaux et traités à l'échelle internationale, ne sont pas couverts.