Le projet de texte avait suscité les craintes de l'Autorité environnementale qui avait dénoncé le risque de conflit d'intérêt inhérent au dispositif. Le décret, qui réforme l'autorité environnementale et l'autorité chargée de l'examen au cas par cas des projets relevant du champ de l'évaluation environnementale, est paru au Journal officiel du 4 juillet.
En application de la loi du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat, le texte distingue autorité chargée de l'examen au cas par cas, d'un côté, et autorité environnementale, de l'autre. La mission de la première consiste à dire, pour les projets qui ne sont pas soumis à une évaluation environnementale systématique, s'ils doivent malgré tout faire l'objet d'une telle évaluation. Le décret confie, dans la plupart des cas, cette compétence au préfet de région lorsqu'il s'agit de projets locaux. La compétence de l'autorité environnementale, quant à elle, est de rendre un avis sur l'évaluation environnementale du projet, une fois cette évaluation réalisée. Elle est confiée aux missions régionales d'autorité environnementale (MRAe).
« Ni lisibilité, ni simplification, ni cohérence »
Dans son rapport annuel 2019, l'Autorité environnementale (Ae) nationale appelait de ses vœux une adoption rapide des textes permettant de mettre fin à une période transitoire, jugée « trop longue », suite à la décision du Conseil d'État du 6 décembre 2017. Par cette décision, la Haute juridiction administrative avait jugé que le préfet de région ne pouvait être à la fois l'autorité décisionnaire d'un projet et l'autorité environnementale chargée de se prononcer sur sa bonne prise en compte de l'environnement. Le ministère de la Transition écologique a donc confié cette mission aux MRAe mais il a, en revanche, voulu maintenir la compétence du préfet sur l'examen au cas par cas.
Dans deux avis successifs de 2018 et de 2020, l'Ae a critiqué la dissociation de la fonction d'autorité environnementale de celle de l'autorité en charge de l'examen au cas par cas. Ces dispositions « n'apportent ni lisibilité, ni simplification, ni cohérence. Elles réduisent la possibilité pour le public de s'exprimer et créent de la complexité sans pour autant garantir l'objectivité requise par les directives européennes et la loi nationale, qui est une condition impérative pour conserver la confiance du public », estiment les membres de l'Autorité dans leur rapport annuel.
Conflit d'intérêt : le préfet apprécie par lui-même
Suite à cet avis et à la consultation publique qui s'est tenue en février, le Gouvernement a accepté de renforcer le dispositif de prévention. « Constitue, notamment, un conflit d'intérêt, le fait, pour [l'autorité chargée de l'examen au cas par cas et l'autorité environnementale], d'assurer la maîtrise d'ouvrage d'un projet, d'avoir participé directement à son élaboration, ou d'exercer la tutelle sur un service ou un établissement public assurant de telles fonctions », indique le décret. Lorsque le préfet de région chargé de l'examen au cas par cas « estime se trouver » dans une situation de conflit d'intérêt, il est tenu de confier cet examen à la MRAe. Il doit procéder de même lorsqu'il s'estime dans l'impossibilité d'exercer cette compétence en raison des conflits d'intérêt auxquels sont exposées les personnes qui sont affectées à cette mission. Mais on note que c'est le préfet qui est appelé à juger par lui-même s'il se trouve ou non dans une situation de conflit d'intérêt.
Si le décret publié présente des progrès par rapport à la version soumise à la consultation du public, il ne préserve donc pas de tout risque de conflit d'intérêt. Et ce, alors que les préfets sont soumis à de nombreuses pressions économiques et reçoivent des instructions du Gouvernement pour faciliter les implantations industrielles et réduire au minimum les évaluations environnementales des projets. En témoigne un autre décret, dont le projet est actuellement soumis à la consultation du public, qui supprime l'évaluation environnementale systématique pour les constructions et aménagements dans des espaces considérés comme déjà artificialisés.