La filière du génie écologique se trouve à un « point de bascule ». Pour Patrice Valantin, président de l'Union professionnelle du génie écologique (UPGE), l'encadrement du vivant reste plus que jamais au cœur des enjeux socio-économiques. « De plus en plus d'entreprises intègrent la dimension écologique dans leur stratégie de responsabilité sociale (RSE), tandis que d'autres sont forcées d'étudier la fonctionnalité écologique du foncier pour lutter contre l'artificialisation des sols – sans compter les collectivités cherchant des aménagements naturels à même de limiter les incendies, les sécheresses et les fortes chaleurs. » La fédération, rassemblant des bureaux d'études mais aussi des entreprises de travaux publics, est partie de ce constat pour étudier l'état des moyens humains nécessaires à de telles sollicitations.
En novembre 2022, elle a obtenu une subvention de 150 000 euros, de la part de la Caisse des dépôts et des consignations (CDC), en réponse à l'appel à manifestation d'intérêt « Compétences et métiers d'avenir » lancé dans le cadre du plan France 2030. Depuis mars 2023, l'UPGE, accompagnée du cabinet de recrutement Muhalkin Repère, ont sondé des centaines de professionnels, entreprises et organismes de formation de la filière. Ce diagnostic, dont les résultats ont été présentés lors d'une conférence ce mardi 3 octobre, s'est conclu sur trois constats.
Une filière en pleine croissance
Et cette croissance n'est pas près de s'interrompre, à entendre les représentants de la filière. Pour satisfaire une réglementation de plus en plus fournie et un besoin grandissant des collectivités et des acteurs privés de s'y adapter et s'y conformer, l'UPGE table sur une augmentation du nombre de professionnels située entre +110 et +141 % d'ici à 2030. Cela équivaut, au bas mot, au recrutement de 7 200 nouveaux postes par an. Mais tout dépend encore, dans les années à venir, de « la place que prendra la biodiversité dans l'échelle des enjeux, pour Rebecca Briot, à la tête du cabinet Muhalkin Repere. Les politiques actuelles focalisent la transition écologique sur la décarbonation et le développement des énergies renouvelables, souvent au détriment de la biodiversité, mais aussi sur l'industrialisation et l'automatisation, qui pourraient également réduire les moyens humains dans le domaine des travaux publics ».
Seul hic : l'offre de formation
De ce deuxième constat dépend, en outre, le troisième et dernier : l'offre actuelle de formations n'est en rien suffisante pour couvrir de tels besoins de recrutement. Seulement 43 % de ces derniers seraient remplis par le nombre de professionnels diplômés ou certifiés chaque année, de la maîtrise d'ouvrage à l'ingénierie écologue. « Sur les quelque 70 parcours d'ingénieur et masters spécialisés en génie écologique, seulement 200 nouveaux diplômés chaque année choisissent effectivement cette voie plutôt qu'une carrière dans la recherche, par exemple », confie un formateur breton concerné, lors d'un débat entre parties prenantes après la conférence.
D'autant que même les professionnels en activité, parmi les interrogés, se disent en manque de formation continue sur une variété de sujets : de plus amples connaissances naturalistes et des repères sur les dernières évolutions réglementaires à propos des espèces protégées ou invasives. « Nous sommes aujourd'hui confrontés à de plus en plus d'obligations de résultats et, par conséquent, à la nécessité de recruter depuis n'importe quelle région pour combler les besoins », témoigne le dirigeant d'une petite société alsacienne de travaux publics.