Fourniture de matériaux et de combustible, stockage de carbone, biodiversité… Les forêts jouent de multiples rôles qui, avec le changement climatique, peuvent engendrer des conflits d'usage.
Dans une note stratégique (1) , le service de prospective de Matignon, France Stratégie, appelle à hiérarchiser ces usages et à modifier les aides publiques en fonction de ce classement. « L'usage du bois prélevé en forêt constitue un paramètre clé des politiques d'atténuation. Le bois d'œuvre et l'usage en matériaux de ses coproduits permettent de stocker le carbone. Cet usage est préférable à l'usage en énergie, car la combustion du bois conduit à une augmentation immédiate du carbone atmosphérique. Celle-ci n'est compensée que progressivement lors de la nouvelle croissance forestière », explique la note. Une réflexion similaire est actuellement menée à l'échelle européenne, dans le cadre de la politique de soutien aux énergies renouvelables.
La forêt est fragilisée par le changement climatique
« De nombreux rapports déplorent la sous-exploitation de la forêt française - le taux de prélèvement étant nettement inférieur à la croissance annuelle - et proposent un développement ambitieux de la filière forêt-bois, notamment par une augmentation de la récolte. » Et de citer le Conseil économique, social et environnemental (Cese) ou la Cour des comptes. La filière défend aussi une plus grande mobilisation de la forêt.
Privilégier la durée de vie de l'usage du bois
« La Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) 2019-2023 ainsi que le projet de directive européenne RED 3 prévoient une utilisation du bois en cascade, c'est-à-dire que la transformation du bois en matériaux doit être privilégiée à l'utilisation du bois en énergie, cette dernière n'intervenant que pour les sous-produits qui n'ont pas d'autres usages. »
Dans les faits, les volumes commercialisés de bois-énergie sont en augmentation depuis plus de dix ans, quand ceux liés au bois matériau (construction, ameublement) diminuent. « Les aides à la filière bois-énergie (Fonds chaleur, écoprêt à taux zéro, MaPrimeRénov' et réduction du taux de TVA sur la vente de chaleur renouvelable) ont très probablement contribué à favoriser le développement du bois-énergie au détriment des matériaux bois issus du bois industrie », analyse la note. Les soutiens au bois-énergie ont fortement augmenté ces dernières années, alors que les sommes allouées à la filière du bois matériau sont bien inférieures.
France Stratégie préconise donc un changement de paradigme dans l'attribution des aides. « Il serait souhaitable de réorienter les soutiens au bois-énergie vers les filières de production de matériaux à durée de vie longue. » Les pouvoirs publics devraient s'appuyer sur des méthodologies de calcul prenant en compte la dynamique réelle d'émission et de séquestration du carbone des différentes voies de valorisation sur un temps long, les modes de gestion de la forêt et l'essence prélevée. Le tout comparé à une situation sans prélèvement.
En parallèle, pour améliorer encore le bilan carbone de la filière, le recyclage des matériaux bois à vie longue (hors bois-énergie) doit être amélioré et l'utilisation des coproduits vers des matériaux à durée de vie longue (panneaux, isolants…) privilégiée, indique France Stratégie.