"Dès que l'on économise un kilowatt heure d'énergie, on économise du fioul". Denis Palluel, président de l'association Les îles du Ponant (AIP), résume ainsi le défi que doivent relever les îles bretonnes et particulièrement Sein, Molène et Ouessant, non interconnectées au réseau électrique national. Sur ces bouts de terre à la pointe du Finistère, la production d'énergie dépend quasiment à 100% du fioul. Depuis 2015 et l'impulsion donnée par la loi sur la transition énergétique (1) , ces îles se sont donc lancées dans leur propre transition, avec pour objectif de se rapprocher de l'autonomie en 2030 (2) . Au programme : économies d'énergie, déploiement des renouvelables et pilotage intelligent des consommations et de la production. L'heure était au bilan, le 7 septembre à Ouessant, avec les îles voisines (3) , elles aussi lancées dans la transition énergétique.
Gagner des mégawatts heure sur tous les postes
Des remous à Sein
Sur l'île de Sein, la transition énergétique divise. Des habitants, réunis au sein de la société locale d'énergie Ile de Sein énergies (IDSE), portent un projet alternatif 100% renouvelables. Ils dénoncent notamment le monopole d'EDF SEI sur leur île et le prisme du vecteur électrique dans le mix énergétique. Plusieurs recours ont été déposés récemment, dont un à l'échelon européen.
La puissance appelée peut varier de 1 à 10
En parallèle, des investissements ont été réalisés pour verdir les mix énergétiques. Si Molène et Ouessant ne comptent pour l'heure qu'une centrale photovoltaïque chacune pour alimenter le réseau, Sein a déployé quelque 900 m2 de panneaux sur des bâtiments, produisant un peu plus de 100 MWh par an. Sur cette île, "il est déjà possible d'éteindre la centrale thermique plusieurs heures par jour quand les conditions sont réunies : une consommation basse et une production photovoltaïque élevée", l'après-midi notamment, souligne Etienne Radvanyi, d'EDF SEI. L'ajout d'un système de stockage et de pilotage permet en effet d'optimiser la production solaire. Un projet d'éolienne de 250 kW devrait permettre à l'île d'atteindre le premier jalon fixé dans la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) : 50% d'énergies renouvelables en 2023. Reste le plus difficile à accomplir : obtenir toutes les autorisations pour implanter cette éolienne, avec les contraintes liées à la loi littoral et la limite des 500 mètres autour des habitations…
Des chauffe-eau et des lessives calés sur les marées
A Ouessant, l'immersion prochaine d'une hydrolienne Sabella, déjà testée entre 2015 et 2016, sera justement l'occasion d'expérimenter le pilotage des consommations. Le compteur Linky permettra de déclencher les chauffe-eau pendant les périodes de marées, lorsque l'hydrolienne produira au maximum. Des habitants volontaires expérimenteront aussi les heures pleines / heures creuses variables, en fonction des marées. "Il suffira que je programme mes lessives en fonction du calendrier des heures creuses", explique Delphine Picault, l'une des volontaires. Sa motivation ? "Consommer l'électricité lorsqu'elle est produite par la nature".
A l'horizon 2021, une ferme commerciale de deux hydroliennes devrait être déployée dans le cadre du projet Phares. Avec l'installation d'une éolienne, les capacités de stockage déjà développées et de nouvelles installations photovoltaïques, ce projet devrait permettre de couvrir 65% des besoins de cette île de 900 habitants.