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Un million de pompes à chaleur : les défis pour relancer le marché et bâtir une filière française

Produire un million de pompes à chaleur par an en 2027 en France : l'objectif est difficilement réalisable, selon les acteurs de la filière. Pour s'organiser, ils attendent un soutien des pouvoirs publics, face à un marché en recul en 2023.

Bâtiment  |    |  R. Boughriet
Un million de pompes à chaleur : les défis pour relancer le marché et bâtir une filière française

En septembre 2023, le président Emmanuel Macron avait affiché sa volonté de tripler le nombre de pompes à chaleur (PAC) produites sur le sol français d'ici à 2027, à un million d'unités par an, dans le cadre de la planification écologique du Gouvernement pour réduire les émissions de carbone du pays. Si l'engagement paraissait déjà ambitieux à l'époque, il est devenu aujourd'hui difficile à tenir. Car le marché, pourtant en très forte croissance en 2021 et en 2022 (avec quasiment 350 000 PAC hydrauliques installées), est en recul au second semestre 2023 et début 2024, selon les derniers chiffres du secteur dévoilés à l'occasion de la Journée de la PAC, le 14 mars à Paris, par l'Association française des pompes à chaleur (Afpac).

La filière mise sur MaPrimeRénov' pour relancer un marché « déprimé »

Les ventes des PAC air-eau ont en effet baissé de 14 %  en 2023, par rapport à 2022. Ce recul s'est particulièrement accéléré de « septembre à décembre 2023, avec 28,6 % de perte de parts de marché sur cette période, indique Stanislas Lacroix, président du  syndicat professionnel du génie climatique français Uniclima. La dégringolade continue », alerte-t-il, avec - 38 % des ventes des PAC air-eau en janvier 2024 par rapport janvier 2023 et - 43 % en février 2024. Les PAC air-air sont aussi en recul, avec – 17 % sur le dernier trimestre 2023, – 3 % en janvier 2024 et – 12 % sur le mois de février. « Le marché est compliqué et déprimé, et l'industriel est à la croisée des chemins pour travailler pour aujourd'hui, puisqu'on a ce besoin de répondre en termes de volumétrie, mais travailler surtout pour demain, pour atteindre le million de PAC à l'horizon 2030 », a souligné Stanislas Lacroix.

Alors comment expliquer cette tendance baissière ? La faute à l'effondrement des constructions neuves, avec une chute du nombre de permis de construire accordés en 2023, mais aussi au ralentissement général du secteur de la rénovation, pointent les professionnels des PAC et du bâtiment. Ils dénoncent les injonctions contradictoires de l'État, notamment sur les changements dans les règles concernant les aides disponibles par l'intermédiaire de MaPrimeRénov'. Pour se relancer, « la filière des pompes à chaleur a besoin de stabilité : les industriels pour investir, mais aussi les installateurs. Les particuliers ont aussi besoin de cette stabilité pour s'y retrouver dans les aides à la rénovation », estime François Deroche, le président de l'Afpac.

“ Pour qu'on puisse trouver un million de PAC à l'horizon 2030 maximum, cela nécessitera cinq milliards d'euros d'investissements pour la France ” Stanislas Lacroix, Uniclima
Les annonces du Gouvernement, le 8 mars 2024, qui réintroduisent des monogestes dans le périmètre des travaux éligibles à MaPrimeRénov' jusqu'au 31 décembre 2024 sont « des bonnes nouvelles pour l'Afpac. Maintenant, on attend la parution des arrêtés et des textes officiels pour permettre de remettre en route le marché », salue Christophe Thébault, vice-président de l'Afpac. « Quand on a des mécanismes d'aides qui sont efficaces dans la durée, cela a un impact sur le marché des PAC et la décarbonation des bâtiments », affirme-t-il.

D'après Mathilde Pierre, de la direction générale de l'Énergie et du Climat (DGEC), les textes sur la nouvelle mouture de l'aide pourraient être publiés d'ici à un mois. Mais quid des arbitrages qui seront rendus pour MaPrimeRénov' en 2025 ? L'incertitude perdure.

Cinq milliards d'euros d'investissements nécessaires

Par ailleurs, la France est aujourd'hui le premier marché européen de la PAC domestique, et a une capacité de production totale d'un peu plus de 250 000 unités. Elle fait aussi face à la rude concurrence des pays asiatiques qui disposent « de produits de très grande qualité », ajoute Stanislas Lacroix, mais aussi à la concurrence des pays d'Europe centrale « qui attirent  massivement aujourd'hui des sites industriels, que ce soit en Pologne, en Slovaquie ou en République tchèque ».

Uniclima table également sur 350 000 unités de PAC produites en France à l'horizon 2027. Pour soutenir l'objectif du million de PAC par an - qui serait finalement atteignable en 2030 selon les professionnels -, le Gouvernement a déjà pris des mesures en fournissant des subventions aux particuliers qui installent des pompes à chaleur, via MaPrimeRénov' et les certificats d'économies d'énergie (CEE), mais aussi des aides destinées aux entreprises de la filière.

« Pour qu'on puisse trouver un million de PAC à l'horizon 2030 maximum, cela nécessitera cinq milliards d'euros d'investissements pour la France », estime M. Lacroix. Soit près de 200 millions d'euros d'investissements à réaliser, et près 200 ingénieurs R&D à recruter pour être capable d'accompagner le déploiement de nouvelles technologies de PAC. « On parle d'intégrer de nouveaux fluides, de travailler sur des éléments de sécurité des appareils, de performance, d'acoustique. » Auxquels s'ajoutent 500 millions d'euros à investir pour accélérer les produits mis sur le marché haut de gamme, et « 600 ingénieurs et de techniciens qui sont à trouver », chiffre-t-il.

Il s'agit aussi de développer la capacité de montage et d'assemblage des acteurs de la filière française, ce « qui est le plus critique puisqu'on est en retard ». C'est globalement 3,2 milliards d''euros qu'il faudrait investir pour construire ou reconvertir des usines existantes. « L'industriel devra prendre une grand part de ces coûts d'investissement. On ne pourra pas faire sans l'accompagnement des pouvoirs publics, compte tenu de ces enjeux massifs », souligne M. Lacroix.

Des aides issues de la loi Industrie verte

Pour soutenir la filière PAC, le Gouvernement a mis en place le crédit d'impôt industrie verte appelé C3IV, qui a été adopté dans le cadre de la loi du 23 octobre 2023 relative à l'Industrie verte. À la suite de la publication du décret au Journal officiel le 13 mars 2024, le dispositif est officiellement entré en vigueur le 14 mars. L'arrêté du 11 mars 2024 précise aussi la liste définitive des activités éligibles à ce crédit d'impôt.« Ce fameux C3IV permet très concrètement de gagner une usine de pompes à chaleur. Jusqu'à 25 % du Capex (total des investissements) d'une grande entreprise est prise en charge par l'État sous forme de ce crédit d'impôt et en ayant en plus un plafond d'aide de 200 millions d'euros. Ce dispositif est ouvert pour la fabrication des PAC et l'assemblage, ainsi que la fabrication des composants », explique Adrien Thirion, de la direction générale des Entreprises (DGE) au ministère de l'Économie.

Le Gouvernement prévoit aussi des mesures d'accès au foncier dans la loi Industrie verte, pour faciliter et accélérer les implantations industrielles, notamment des usines de PAC. « Il pourrait y avoir des simplifications, notamment de révision de documents d'urbanisme », ajoute M. Thirion.

En outre, un appel à projets de l'État finance la R&D pour les PAC « visant en particulier à soutenir les nouvelles technologies pour le logement collectif ou à s'adapter au futur règlement européen F-Gas », qui restreint certains gaz frigorigènes très polluants, rappelle-t-il. Une enveloppe de 30 millions d'euros est ainsi prévue pour encourager l'innovation via le plan d'investissement France 2030.

Besoins de monter en compétence

Les ministres de l'Économie et de la Transition écologique devraient détailler les annonces du plan d'un million de PAC dans « les prochaines semaines », annonce également Hugo Sancho, chargé de mission Performance énergétique des bâtiments à la DGEC. L'objectif affiché par Emmanuel Macron est aussi de former 30 000 installateurs d'ici à la fin du quinquennat. « On parle de 20 000 installateurs en plus, et de 10 000 techniciens en maintenance qui sont aussi à trouver. La montée en compétence va donc être cruciale », souligne Stanislas Lacroix.

« Il y a une vraie nécessité de développer la filière de l'installation et de la maintenance, mais aussi les compétences dans le logement collectif, le tertiaire, où on installe moins de PAC », reconnait M. Sancho, qui observe « une transition des installateurs - mainteneurs de chaudières au gaz vers les PAC et les appareils de chaleur renouvelable ».

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