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La loi ENR du 10 mars 2023 : vers une sécurisation de la construction et de l'exploitation des projets d'ENR ?

La loi ENR instaure un fonds de garantie, permettant de sécuriser les projets au stade de leur construction. Si ses contours sont encore flous, la philosophie souhaitée par le législateur est bien celle d'un socle de garantie minimale pour tous.

DROIT  |  Commentaire  |  Energie  |  
Droit de l'Environnement N°322
Cet article a été publié dans Droit de l'Environnement N°322
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La loi ENR du 10 mars 2023 : vers une sécurisation de la construction et de l'exploitation des projets d'ENR ?
Alexia Eskinazi et Margaux Lalanne-Magne
Respectivement avocate associée et avocate, LPA-CGR avocats
   

Focus sur les vertus de la mise en œuvre des dispositions des articles 19 et 24 de la loi

Très critiquée sur l'objectif initialement porté dit d'« accélération » de la production d'énergies renouvelables, la loi du 10 mars 2023 renferme pourtant deux dispositions qui tirent leur épingle du jeu et redonnent à cette loi son dessein affiché.

Chacun dans sa mise en œuvre, les articles 19 et 24 de la loi permettent, dans leur philosophie, de sécuriser un projet tant au stade de sa construction qu'au stade de son exploitation, rassurant ainsi les exploitants et les prêteurs. Au stade de la construction, c'est l'instauration d'un fonds de garantie – grande nouveauté portée par la loi du 10 mars 2023 – qui assure cet impératif de sécurité.

Mais alors, qu'est-ce que ce fonds de garantie ? Qu'est-ce qu'il indemnise ? Et en définitive, qu'apporte-t-il de si nouveau ?

À la première question, la réponse du législateur invite à la solidarité de la filière, puisqu'il s'agit de mutualiser le risque lié au contentieux susceptible de paralyser la construction sereine d'un actif. La loi invite la filière à ne plus raisonner à l'aune de chaque projet, mais bien à l'échelle de l'ensemble de ses acteurs, puisque c'est un fonds destiné à être alimenté par les cotisations des développeurs retenus à la suite d'un appel d'offres, ou bénéficiant d'un contrat de complément de rémunération conclu avec EDF.

Son adhésion reste facultative et son coût encore inconnu, mais chaque développeur éligible devra adhérer avant le début des travaux et après l'obtention de l'autorisation environnementale ou du permis de construire pour prétendre, le cas échéant, à solliciter une indemnisation.

Le but affiché est de compenser, pour partie seulement, les pertes financières consécutives à l'annulation d'une autorisation environnementale ou d'un permis de construire. L'assiette de l'indemnisation ne s'apprécie donc qu'à l'issue du contentieux et ne se chiffre qu'à la lumière de la perte subie et non du gain manqué.

La perte subie indemnisable est, par l'effet de la loi, réduite à peau de chagrin puisque les dispositions de l'article 24 précisent que seuls les coûts d'approvisionnement, de construction et les éventuels frais annexes (notamment financiers), seront indemnisés. En d'autres termes, une partie seulement d'un dommage matériel consécutif à l'annulation contentieuse de l'autorisation environnementale ou du permis de construire est prise en charge par ce fonds de garantie. Il s'agit donc là d'une indemnisation minimale prise en charge par une assurance minimale, mais bénéficiant à l'ensemble de la filière. Et c'est bien cette nouveauté qui est incarnée.

Moins élitiste que la garantie assurance recours, gageons que l'effet d'une adhésion massive par la filière entraîne un coût revu à la baisse du montant des cotisations, en raison d'une souscription en masse si la philosophie de la loi est respectée.

Si les contours de ce fonds de garantie sont encore flous et seront fixés par un décret en Conseil d'État très attendu, la philosophie souhaitée par le législateur est bien celle d'un socle de garantie minimale pour tous, offrant une sécurité aux développeurs et aux prêteurs. Cet impératif de sécurité se retrouve au stade de l'exploitation, avec l'émergence de la raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM) érigée, aux termes de l'article 24 de la loi, en présomption, et qui infiltre désormais le contentieux judiciaire.

Le bénéfice de ces dispositions ne peut s'apprécier qu'après un rappel de la jurisprudence judiciaire avant 2020, lorsque la notion d'intérêt général était encore étrangère au juge judiciaire. Ce n'est qu'à la faveur d'un contentieux porté devant la troisième chambre civile de la Cour de cassation sur le fondement des troubles anormaux de voisinage qu'apparaît pour la première fois le 17 septembre 2020 (1) , la notion « d'intérêt public ». C'est à cette date que, pour la première fois, le juge judiciaire procède à une balance d'intérêts entre « intérêts privés » des requérants alléguant l'existence d'un trouble dit « anormal » et sollicitant sur ce fondement une indemnisation, et « intérêt public poursuivi pour le développement de l'énergie éolienne ».

En 2021, la cour d'appel de Toulouse résiste en refusant (2) , alors qu'elle y était pourtant invitée, de procéder à cette balance d'intérêts.

C'est ainsi que née le désormais célèbre « syndrome éolien », marquant le point de départ d'une multiplication des contentieux fondés sur la notion de trouble anormal de voisinage déjà bien fournis.

Deux ans plus tard, et grâce aux dispositions de l'article 19 de la loi, le législateur offre un outil supplémentaire devant le juge judiciaire en matière de contentieux de « trouble anormal de voisinage », pour faire échec aux demandes indemnitaires et/ou de démantèlement.


Désormais, l'existence de cette RIIPM contraint le juge judicaire, s'il y est invité, à opérer une balance d'intérêts entre le trouble allégué, à supposer caractérisé d' « anormal », et la RIIPM, désormais érigée en présomption.

Cela signifie donc que le juge devra avoir apprécié in concreto le trouble allégué et son caractère anormal, c'est-à-dire sa réalité, sa nature, sa gravité, et ce, à la lumière de « l'intérêt public poursuivi par le développement de l'énergie éolienne » désormais réputé répondre à une RIIPM.

1. Cass. 3e civ., 17 sept. 2020, n° 19-16.9372. CA Toulouse, 8 juill. 2021, n° 20/01384

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