Le sujet est politiquement sensible comme l'a montré fin février la polémique liée au menu sans viande dans les cantines lyonnaises. L'instauration de davantage de menus végétariens dans les services de restauration collective des collectivités locales est au menu du projet de loi climat que les députés commencent à examiner dans l'hémicycle ce lundi 29 mars.
Après l'expérimentation de la loi Égalim qui impose aux collectivités de proposer un menu végétarien par semaine dans les cantines scolaires, le projet de loi climat prévoit une nouvelle expérimentation de deux ans. Il s'agit, cette fois, de permettre aux collectivités volontaires de proposer quotidiennement un menu végétarien dans les services de restauration collective dont elles ont la charge. Une évaluation, menée six mois avant le terme de l'expérimentation, devra se prononcer sur une possible généralisation de l'expérimentation.
Alors que le ministère de l'Agriculture vient de transmettre aux parlementaires les résultats de l'évaluation de la première expérimentation issue de la loi Égalim, députés d'opposition et associations environnementales poussent à aller plus loin. La majorité prévoit de faire évoluer la rédaction actuelle du projet de loi sans pour autant satisfaire toutes les revendications.
Une des mesures les plus efficaces et des plus faciles à mettre en œuvre
La mise en place obligatoire d'une option végétarienne quotidienne dans l'ensemble de la restauration collective publique permettrait de « réduire de 1,35 million de tonnes équivalent CO2 par an les émissions de gaz à effet de serre du secteur », expliquent dans un communiqué commun l'Association végétarienne de France, Greenpeace, le Réseau Action Climat (RAC) et le WWF. « Il s'agit d'une des mesures les plus efficaces du projet de loi et des plus faciles à mettre en œuvre », vante Laure Ducos chargée de campagne agriculture chez Greenpeace France.
Mais, après l'examen du projet de loi en commission le 18 mars, les associations déplorent l'absence d'avancée notoire par rapport au texte d'origine. Or, pour les ONG, la rédaction initiale constituait déjà « un pas en arrière » en raison du caractère facultatif de la nouvelle expérimentation. « Un changement des mentalités est cependant à noter, relève Laure Ducos. La plupart des députés sont d'accord pour dire qu'il faut laisser la liberté de choisir. En revanche, les réticences restent immenses face aux menus végétariens qui seraient servis en menus uniques ».
« Une collectivité désireuse de procéder à une expérimentation, d'instituer un choix quotidien entre plusieurs menus peut d'ores et déjà le faire, a fait remarquer de son côté Delphine Batho en commission. Je ne vois pas l'utilité de l'article. Par ailleurs, pourquoi se limiter à la restauration scolaire, alors que la Convention citoyenne proposait de viser l'ensemble de la restauration collective publique ? », a ajouté la députée non-inscrite des Deux-Sèvres et ancienne ministre de l'Environnement.
« Un travail aura lieu en vue de la séance pour améliorer la rédaction de l'article », a assuré la rapporteure Célia de Lavergne. La députée LReM avait demandé à ses homologues de retirer leurs amendements dans l'attente du rapport d'évaluation de l'expérimentation de la loi Égalim que devait effectuer le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER).
Expérimentation globalement mise en œuvre
Cette évaluation a été remise aux parlementaires le 24 mars par le ministre de l'Agriculture. Selon le rapport provisoire consulté par Actu-Environnement, l'expérimentation a été « globalement mise en œuvre » alors qu'elle « n'allait pas de soi ». « Un peu plus d'un an après son introduction obligatoire, le repas végétarien hebdomadaire dans la restauration scolaire commence à entrer dans les habitudes ; l'effort d'accompagnement commence à produire ses effets ; les chefs commencent à s'impliquer ; une dynamique culinaire et gastronomique est engagée », rapportent les deux inspecteurs généraux de l'agriculture, auteurs de l'étude. Face à ce bilan globalement positif, ces derniers préconisent de « promouvoir les végétaux sans stigmatiser les produits animaux ».
Un menu végétarien quotidien pour l'État et ses établissements
De leur côté, les associations font une lecture très positive du rapport, mettant en avant plusieurs de ses conclusions : impact très faible du menu végétarien hebdomadaire sur la fréquentation des cantines, et majoritairement sans effet sur les coûts ou sur le gaspillage alimentaire. « Tous les voyants sont donc au vert pour que le Parlement vote la mise en place de davantage de repas végétariens, en menus hebdomadaires uniques et à travers une option végétarienne quotidienne », estiment les associations.
En tout cas, la question ne laisse pas les députés indifférents. Plus de 160 amendements ont été déposés sur l'article en question. La majorité ne semble pas prête à imposer une option végétarienne chaque jour dans les cantines. En revanche, elle prévoit de renforcer la rédaction actuelle.
Ainsi, un amendement (1) de la rapporteure Célia de Lavergne prévoit de pérenniser l'obligation pour les cantines scolaires de servir un repas végétarien par semaine et d'étendre cette obligation aux universités et à l'administration publique. Un deuxième amendement (2) impose à l'État, à ses établissements publics et aux entreprises publiques de proposer quotidiennement le choix d'un menu végétarien. Ceux-ci pourront toutefois attendre le 1er janvier 2024 pour mettre en œuvre cette obligation. En outre, elle ne s'appliquera que s'ils proposent habituellement un choix multiple de menus.