Un arrêté, publié le 19 décembre, fixe les conditions à respecter pour que les déchets de papier et carton triés et cédés à un tiers en capacité de les recycler soient considérés comme des « papiers cartons récupérés et triés de recyclage », et non plus comme des déchets. Le gisement concerné, en baisse régulière, atteint presque 6,3 millions de tonnes (Mt), avec 1,5 Mt de papiers collectés en 2020 et 4,8 Mt de cartons, selon les derniers chiffres de la Fédération des entreprises du recyclage (Federec). Le taux de recyclage affiché est de l'ordre de 80 % des volumes mis sur le marché.
Le sujet est l'objet de débats depuis des années et oppose les gestionnaires de déchets (favorables à la mesure) et les industriels du papier et carton (défavorables). La consultation publique, réalisée en avril et mai derniers, a donné lieu à des commentaires étayés qui ont conduit les pouvoirs publics à modifier plusieurs points de leur projet. La présence de déchets alimentaires dans les lots et la procédure d'autocontrôle figurent parmi les points les plus débattus.
La Confédération française de l'industrie des papiers, cartons et celluloses (Copacel) « regrette » l'entrée en vigueur d'une mesure « défavorable au recyclage de proximité ». Elle explique que le dispositif « facilite l'exportation des "vieux papiers et cartons" », ce qui « n'a aucune utilité » pour atteindre les « excellents résultats » actuels. À l'opposé, Federec « se réjouit » de la publication du dispositif. La fédération explique que la mesure « permettra (…) de fluidifier et faciliter les échanges intra-européens, dans un cadre particulier où la France reste très excédentaire de 1 375 400 tonnes (22 %) et dépend encore largement de ses voisins européens pour absorber certains flux ».
Six catégories de déchets acceptées
Pour cesser d'être considérés comme des déchets, les lots de papiers et cartons triés doivent satisfaire à cinq critères.
Le premier concerne la nature des déchets entrants. Les lots doivent être élaborés à partir de six catégories de déchets : les refus séparés mécaniquement provenant du broyage de déchets de papier et de carton (catégorie 03 03 07, selon la nomenclature règlementaire) ; les déchets provenant du tri de papier et de carton destinés au recyclage (catégorie 03 03 09) ; les déchets non spécifiés par ailleurs (03 03 99) ; les emballages en papier-carton (15 01 01) ; et les papiers et cartons (19 12 11 et 20 01 01). Ces déchets « ne contiennent en principe pas de matériaux représentant un danger pour la santé, la sécurité et l'environnement », précise l'arrêté.
Ce premier critère a fait l'objet d'une précision. Le texte publié indique que la catégorie « emballages en papier-carton » inclut aussi les déchets d'emballages municipaux collectés séparément. Cette formulation est plus proche de la codification des déchets, ont fait valoir la Fédération nationale des activités de la dépollution et de l'environnement (Fnade) et Federec.
Ensuite, les déchets doivent être traités par un processus de tri à sec qui peut être mécanique, optique ou manuel. Après ce tri, les indésirables ne doivent pas représenter plus de 1,5 % des lots de papiers et cartons.
Débat sur la présence de déchets alimentaires
Le troisième critère concerne la qualité des papiers cartons récupérés et triés. Quatre conditions sont fixées : un taux d'humidité inférieur à 25 % (en masse) ; être conforme à une des près de 100 sortes papetières reconnues par la norme NF EN 643 ; ne pas contenir de matériaux dangereux pour la santé, la sécurité et l'environnement (sont listés les déchets médicaux, les produits d'hygiène personnelle contaminés, les déchets dangereux, les déchets organiques, le goudron et les poudres toxiques) ; et ne pas contenir plus de 0,01 % en masse de produits alimentaires.
À l'inverse, la Copacel et un papetier ont expliqué que ce seuil, qui « correspond en pratique » à 10 kg (et non 100 g) de résidus alimentaires par tonne triée, est « excessivement élevé ». En outre, la fixation d'un tel seuil est en contradiction avec la norme qui prohibe la présence de déchets alimentaires « pour des raisons sanitaires impératives ».
Le quatrième critère impose la signature d'un contrat de cession avec une installation de fabrication de pâte à papier, de papier ou de carton. Les lots doivent aussi être effectivement expédiés vers cette installation, afin qu'ils soient consommés comme matière première et recyclés.
La procédure d'autocontrôle a été précisée
Le dernier point concerne la conformité et la traçabilité des lots. Ceux-ci font l'objet d'une attestation de conformité et sont identifiés par un numéro unique et par la référence de l'installation de tri. L'exploitant de l'installation de tri doit mettre en place le dispositif de gestion de la qualité prévu par la réglementation relative à la procédure de sortie du statut de déchet.
Enfin, la conformité des lots est vérifiée par des autocontrôles. Ce point a fait l'objet de discussions, conduisant les pouvoirs publics à ajouter, dans le texte publié, que le prélèvement destiné à vérifier l'absence d'indésirables dans les lots « est réalisé au minimum à une fréquence mensuelle ». La Fnade et Federec auraient souhaité que la fréquence des autocontrôles soit simplement « convenue avec le client », ce que prévoit le texte, mais sans fréquence minimale imposée.
L'ACN aurait souhaité que le destinataire final complète la procédure par un autre contrôle à la réception des lots. Revipac, qui rassemble les représentants des papetiers et des fabricants de carton et assure la reprise d'une partie des déchets de papier et de carton, a aussi estimé que l'autocontrôle « [ne peut] imposer au destinataire, avant qu'il n'ait contrôlé le lot, de l'accepter en l'état ». Ces propositions de vue n'ont pas été retenues.
En revanche, à la demande de Citeo, l'éco-organisme chargé de la responsabilité élargie du producteur (REP) pour les emballages ménagers et les papiers graphiques, les pouvoirs publics ont ajouté des éléments issus du référentiel de contrôle actuellement en vigueur dans ses filières REP : conditions de prélèvement (sur le stock en vrac, sur la ligne de tri ou en ouvrant une balle) ; masse minimale de l'échantillon fixée à 40 kg.