Robots
Cookies

Préférences Cookies

Nous utilisons des cookies sur notre site. Certains sont essentiels, d'autres nous aident à améliorer le service rendu.
En savoir plus  ›
Actu-Environnement

Clarifications par le Conseil d'État sur l'Ae et l'évaluation environnementale des PLU et des projets éoliens

Deux décisions du Conseil d'État apportent des éléments utiles sur l'autonomie de l'autorité environnementale et l'articulation entre la procédure d'évaluation environnementale dans le cadre d'une mise en compatibilité d'un PLU et d'un projet éolien.

DROIT  |  Commentaire  |  Energie  |  
   
Clarifications par le Conseil d'État sur l'Ae et l'évaluation environnementale des PLU et des projets éoliens
Nelsie Bergès et Paul Elfassi
Avocats, BCTG Avocats
   

Par deux décisions du 5 février 2024 qui sont mentionnées aux tables du Recueil, le Conseil d'État a cassé deux arrêts rendus par la cour administrative d'appel de Nancy le 8 mars 2022 concernant un projet de parc éolien situé dans le Doubs.

Il convient en premier lieu d'effectuer un bref rappel des faits de l'espèce. Dans les deux cas, il s'agit de projets d'implantation d'éoliennes portés par les sociétés Doubs Ouest Energies 1 et 2.

Dans la première décision « Société Doubs Ouest Energies 1 », la cour administrative d'appel de Nancy (1) avait identifié deux vices de l'autorisation unique querellée concernant la présentation des capacités financières et l'absence d'autonomie fonctionnelle de l'autorité environnementale et avait sursis à statuer sur la requête dans l'attente de sa régularisation.

Dans la deuxième décision « Société Doubs Ouest Energies 2 », la cour administrative d'appel de Nancy (2) avait identifié les mêmes vices que pour le dossier Doubs Ouest Energies 1 et avait en outre annulé l'autorisation après avoir jugé que la procédure de mise en compatibilité du PLU de la commune d'implantation était illégale.

Les deux sociétés ont déposé des pourvois qui ont prospéré devant le Conseil d'État.

I. L'appréciation de l'autonomie fonctionnelle de l'autorité environnementale

L'arrêt Seaport de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) (3) a consacré l'exigence d'une « autonomie effective » - de décision autant que d'autonomie de moyens - pour l'autorité environnementale vis-à-vis de l'autorité chargée d'élaborer la décision d'autorisation d'un projet.

Le Conseil d'État a tiré les conséquences de cette décision et a précisé que l'avis de l'autorité environnementale ne peut être regardé comme ayant été émis par une autorité disposant d'une autonomie réelle dans le cas où c'est le même service qui a, à la fois, instruit la demande d'autorisation et préparé l'avis de l'autorité environnementale (4) .

En l'espèce, l'autorité environnementale qui avait été consultée était la mission régionale d'autorité environnementale (Mrae) du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), intervenant dans les conditions postérieures au décret du 28 avril 2016, mais celle-ci avait rendu son avis avec l'appui technique d'agents du service régional chargé de l'environnement (c'est-à-dire de la Dreal (5) ), comme le prévoit l'article R. 122-24 du code de l'environnement.

En application des jurisprudences précitées, la cour administrative d'appel de Nancy avait considéré que la Mrae du CGEDD présentait les qualités requises pour rendre un avis sur un projet dont l'autorisation relevait du préfet de département. Toutefois, elle a jugé que l'autonomie effective n'était pas garantie : selon elle, l'appui que la Mrae avait reçu de la part de la Dreal et notamment la présence de sa directrice régionale adjointe, s'opposait à ce qu'elle dispose d'une autonomie réelle au sens de la décision Seaport.

Le Conseil d'État a cassé une telle position en dégageant une présomption d'autonomie de la Mrae : « la Mrae doit être regardée comme intervenant de manière autonome » à l'égard du préfet compétent pour autoriser le projet dès lors qu'elle rend un avis dans les conditions postérieures au décret du 28 avril 2016, sans que la circonstance qu'elle ait bénéficié, pour rendre son avis, ainsi que le prévoit l'article R. 122-24 du code de l'environnement, de l'appui technique d'agents du service régional chargé de l'environnement placés sous l'autorité fonctionnelle du président de la Mrae soit, par elle-même, de nature à affecter cette autonomie, et a retenu une erreur de droit de la cour, qui a jugé « que l'avis de l'autorité environnementale était irrégulier au seul motif que la directrice régionale adjointe référente du service développement durable et aménagement de la Dreal Bourgogne-Franche-Comté faisait partie des agents mis à la disposition de la Mrae sans qu'il soit établi qu'elle n'avait pas participé à la préparation de cet avis. »

Cette solution est bienvenue et confirme donc que, dès lors que les agents de la Dreal qui apportent l'appui technique à la Mrae sont placés sous l'autorité fonctionnelle du président de la mission, cela suffit à garantir leur autonomie et celle de la Mrae.

II. L'appréciation de la suffisance des capacités financières

Dans ces affaires, les dossiers de demande d'autorisation avaient été déposés avant la réforme de l'autorisation environnementale. Dans un tel cas, la jurisprudence exige que l'exploitant apporte des indications suffisamment « précises et étayées » sur ses capacités financières (6) .

La cour avait porté une appréciation sévère en considérant que les éléments du dossier et notamment la lettre d'engagement de la société mère ne permettaient pas de justifier de ce que la société de projet pourrait disposer, en toute hypothèse et en cas de non-obtention d'un prêt bancaire, d'un financement suffisant et que ces insuffisances avaient nui à l'information complète du public.

Le Conseil d'État a cassé une telle solution pour dénaturation en considérant au contraire que le dossier qui « indiquait que le montant total du projet porté par la société Doubs Ouest Energies 1 serait compris entre 13,5 millions et 24,3 millions d'euros selon la puissance des aérogénérateurs finalement implantés, que le plan de financement reposerait sur des fonds propres pour 20 % et sur un recours à des prêts bancaires pour 80 %, et que ce dossier comportait également un engagement de la société Envision Energy International, société mère de la société Doubs Ouest Energies 1, non seulement d'apporter 20 % du montant des investissements à réaliser, mais aussi, en cas de difficultés à obtenir un financement bancaire, de financer intégralement le projet à hauteur de 22,5 millions d'euros » étaient suffisantes pour permettre l'information du public.

Le rapporteur public, M. Nicolas Agnoux, ayant opportunément souligné que le principe de participation du public implique que ce dernier soit informé « dans les grandes lignes » des modalités de financement et de l'identité des financeurs mais non de leur détail.

III. Quelle articulation entre l'évaluation environnementale préalable de la mise en compatibilité du PLU et du projet éolien ?

Le troisième apport de ces décisions du 4 février 2024 est la clarification de l'articulation entre le PLU dont il est excipé l'illégalité et l'autorisation de réaliser le projet éolien.

La cour administrative d'appel de Nancy avait accueilli le moyen tiré de ce que la procédure de mise en compatibilité du PLU par une déclaration de projet relative au projet éolien était irrégulière. Elle avait ensuite annulé l'autorisation unique concernant le projet éolien au motif qu'il méconnaissait les dispositions d'urbanisme remises en vigueur.

Là encore, le Conseil d'État a censuré la solution de la cour. Il rappelle, d'une part, sa jurisprudence antérieure « SCI du petit bois » (7) selon laquelle « l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un document local d'urbanisme n'entraîne pas l'illégalité des autorisations d'urbanisme délivrées lorsque cette annulation ou déclaration d'illégalité repose sur un motif étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet en cause. » Un vice de légalité externe est étranger à ces règles, sauf s'il a été de nature à exercer une influence directe sur des règles d'urbanisme applicables au projet. D'autre part, il relève que le projet éolien en cause a fait l'objet d'une évaluation environnementale qui avait le même objet que celle qui aurait dû être réalisée au titre de la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme, de sorte que la condition tenant à l'information du public est remplie. En outre, la circonstance que la procédure de mise en compatibilité portait sur une surface plus étendue que le projet et n'avait donc pas donné lieu à évaluation environnementale constitue un vice de légalité externe étranger aux règles d'urbanisme encadrant le projet, donc sans incidence sur la légalité de l'autorisation en cause.

En l'espèce, un vice de légalité externe entachant le PLU ne pouvait donc entraîner par voie d'exception l'annulation de l'autorisation concernant le projet éolien. Les deux affaires ont donc été renvoyées devant la cour administrative d'appel de Nancy.

1. CAA Nancy, 8 mars 2022, n° 19NC028252. CAA Nancy, 8 mars 2022, n° 19NC008683. CJUE, 20 oct. 2011, n° C-474/10, Seaport4. CE, févr. 2020, n° 425451 : Lebon T., Des évêques aux cordeliers ; CE, 25 janv. 2023, n° 448911 : Lebon T., Haut Vannier5. Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement6. CE, 11 mars 2020, n° 423164 : Lebon T., Sté Eqiom7. CE, avis, 2 oct. 2020, n° 436934 : Lebon, SCI du Petit Bois

RéactionsAucune réaction à cet article

Réagissez ou posez une question

Les réactions aux articles sont réservées aux lecteurs :
- titulaires d'un abonnement (Abonnez-vous)
- inscrits à la newsletter (Inscrivez-vous)
1500 caractères maximum
Je veux retrouver mon mot de passe
Tous les champs sont obligatoires

Partager