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Actu-Environnement

Exploitation forestière ou maintien du puits de carbone : la France face à un casse-tête

Dans le cadre de sa stratégie nationale, la France compte bien augmenter l'exploitation de sa forêt. Une politique en contradiction avec l'Accord de Paris qui veut maintenir ou augmenter les puits de carbone. Un vrai casse-tête.

Gouvernance  |    |  F. Roussel

La France a une belle forêt. La quatrième forêt d'Europe en superficie, derrière la Suède, la Finlande et l'Espagne. Elle est exploitée mais la récolte, depuis les années 80, ne dépasse pas la moitié de la production annuelle de bois. Dans le même temps, la France importe beaucoup de bois, de papier, de meubles et présente un déficit commercial en la matière de 8 milliards d'euros. Ce paradoxe est bien connu et le Gouvernement actuel veut tenter d'y mettre fin.

Cette volonté politique s'est traduite par le contrat stratégique de filière signé en décembre 2014, par les quatre ministres chargés de la forêt, de l'économie, du logement et de l'environnement, avec les professions. Le ministère de l'Agriculture a ensuite préparé son programme national de la forêt et du bois (PNFB) en juin 2015. Objectif : sortir 12 millions de mètres cubes supplémentaires de bois de la forêt française d'ici 2025. Problème : ce plan semble être en contradiction avec les engagements pris par la France dans le cadre de l'Accord de Paris.

Calcul complexe

La forêt et le secteur des terres plus globalement (qui inclut l'agriculture) a un rôle essentiel à jouer dans la lutte contre le réchauffement climatique en tant que puits de carbone. L'Accord de Paris, signé en décembre 2015, demande d'ici la fin du siècle d'atteindre la neutralité carbone entre émissions et absorptions (Article 4.1) et de préserver ou renforcer les puits de carbone, y compris forestiers (Article 5.1). Le stock de carbone des forêts métropolitaines est estimé à 2,2 milliards de tonnes. Du fait d'une exploitation limitée, le puits forestier français a augmenté de 40% depuis 1990. Mais sortir 12 Mm3 de bois de la forêt française ne sera pas sans conséquence sur sa capacité de stockage.

A contrario, ne rien faire et laisser la forêt évoluer d'elle-même pourrait aussi mettre en péril sa capacité de stockage : "le changement climatique a déjà, et aura un impact important. La gestion, pour être durable, devra éviter que la combinaison entre augmentation des risques, insuffisance de prélèvement, et vieillissement des peuplements, ne conduise à des dépérissements qui pourraient non seulement menacer la survie de nos forêts, mais aussi réduire, voire inverser fortement et durablement le puits de carbone forestier", explique la déléguée interministérielle à la forêt et au bois (1) dans son rapport de mission publié le 13 avril.

Reste à savoir quelles pratiques sylvicoles mettre en place pour exploiter au mieux cette forêt. Les choix sylvicoles peuvent augmenter ou non la capacité de stockage. La sortie du bois pour une utilisation en matériaux conserve cette fonction de stockage tandis que les usages énergétiques du bois émettent du CO2 mais permettent une substitution à des énergies fossiles. Le calcul de l'évolution des puits de carbone est donc très complexe et les incertitudes scientifiques persistantes ne facilitent pas les réflexions.

L'Europe met le débat au cœur de son Paquet énergie climat

Malgré ces incertitudes, l'Europe compte bien intégrer pour la première fois des objectifs de réduction de gaz à effet de serre pour le secteur des terres. Baptisé UTCATF (ou Lulucf en anglais), ce secteur inclut les terres boisées, les terres déboisées, les terres cultivées, les prairies, les terres forestières gérées et les zones humides facultativement. "L'application du cadre européen sera très structurante pour la mise en œuvre, en France, des politiques et mesures sur les forêts et le bois, dans le respect de l'Accord de Paris. En effet, le puits forestier, dans notre pays, domine largement les émissions/absorptions du secteur des terres, et sera fortement orienté par les décisions communautaires", prévient Sylvie Alexandre, déléguée interministérielle.

La Commission a publié dans le cadre de son projet de Paquet énergie climat une proposition de règle de calcul. Pour les forêts, elle propose de prendre comme référence le niveau moyen du puits de carbone mesuré sur la période 1990-2009. "Une méthode avec laquelle la France n'est pas à l'aise", commente Julie Mascaud, coordinatrice du réseau forêt chez France Nature Environnement. Le gouvernement a donc préparé une contre-proposition qu'elle a présentée au Comité Europe et international du Conseil supérieur de la forêt et du bois dont FNE est membre. "La France s'apprête donc à proposer un « tour de magie climatique » : prendre en compte, non pas les chiffres de la période de référence commune à tous les pays européens, mais le niveau d'exploitation qu'elle vise dans le PNFB, pour ne pas risquer d'être prise en flagrant délit de non-respect de l'engagement international de maintenir ou augmenter les puits de carbone forestier", explique Julie Mascaud.

Privilégier une vision à long terme

La déléguée interministérielle à la forêt et au bois défend cette solution française. "Il faut prévoir un niveau de référence conforme aux stratégies bas carbone des Etats membres, soit en France au prélèvement prévu par le PNFB". La déléguée promeut une vision à long terme de l'évolution du puits carbone : "Il importe de bien prendre en compte les conséquences à long terme des politiques décidées, et de faire une nette distinction entre les scénarios modélisés de long terme, et les règles de comptabilisation, négociées par périodes courtes".

Elle rappelle qu'un premier exercice de simulation, lors de la préparation du PNFB, avait étudié l'effet d'une montée en puissance du taux de récolte de bois jusqu'à 100% de la production. Il montrait un bilan carbone positif à 2040 en cas de réchauffement intense (+4°C), mais seulement à 2100 en cas réchauffement modéré (+2°C), même si sur les premières années la capacité du puits carbone avait diminué.

Des négociations difficiles

L'Autriche et la Finlande sont sur une approche similaire à celle de la France. L'Allemagne a quant à elle une position intermédiaire. Elle propose de prendre en compte les politiques publiques prévues par les Etats membres mais d'attribuer un malus ou un bonus en fonction de l'utilisation du bois (matériaux de construction ou bois-énergie).

"La France se trompe de combat. Il existe de nombreuses mesures envisageables pour contrebalancer les effets de l'exploitation forestière sur le climat : en s'engageant pour des forêts plus diversifiées, plus denses, en interdisant la mise à nu des sols et en valorisant l'utilisation de long terme des produits bois et l'économie circulaire, la France peut satisfaire ses engagements à tous les niveaux. Ce serait une faute de faire croire que l'intensification de l'exploitation des forêts est sans effet sur le climat", commente Julie Marsaud.

Une prochaine réunion européenne est prévue le 2 mai prochain. La France doit arrêter sa position pour le 15 avril.

1. Lire le rapport de la déléguée interministérielle à la forêt et au bois
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-28825-rapport-deleguee-foret-bois.pdf

Réactions3 réactions à cet article

Bonjour,
Quel est le casse tête dont vous parlez? la foret est un Climax c'est à dire que son écosystème qui est au bout de sont évolution. Le bilan carbone d'une foret mature est nul, seules les forêts en pleine croissance stockent du carbone.
Si on utilise le bois d'une foret mature pour le bruler et mettre le carbone dans l'atmosphère le bilan est alors négatif sinon il est positif car d'autres arbres pousseront à la place stockeront du carbone.
Le principale problème de l'exploitation de la foret est plutôt la biodiversité car les coupes rasent et l'exploitation intensive ne permettent pas au écosystèmes de se reconstitués.
Cordialement

Gildas B | 20 avril 2017 à 11h10 Signaler un contenu inapproprié

Bonjour,
Aujourd'hui les agriculteurs français touchent des subventions pour entretenir des friches, qui se multiplient sur le territoire car elles sont souvent plus rentables que des cultures; il faudrait au contraire les reboiser; donnons ces subventions pour replanter des forêts qui sont plus performantes que l'herbe pour stocker les CO2, et qui pourraient alimenter la filière bois.

gaia94 | 20 avril 2017 à 23h33 Signaler un contenu inapproprié

Bonjour
Gaia a raison; mais c'est seulement le rétablissement de ce qui était en place il y a 30 ans !
A cette époque existait les "Eaux et Forêts" avec des hommes de terrain compétents, qui étaient chargés de contrôler la déforestation (marquage raisonné des coupes de bois pour les communes mais aussi pour les particuliers) mais surtout de proposer le reboisement, via des subventions directement en fourniture de plants (notamment épicéas en Haute Savoie).
Et c'est bien ce qui a conduit à la magnifique forêt Française d'aujourd'hui qui produit plus que son exploitation !
Je possède un certain nombre de parcelles de terre en montagne que j'ai boisées en épicéas lorsque l'agriculture ancestrale de montagne dans des terrains aussi pentus ne permettait plus de les exploiter en tant que terres agricoles.
Sans compter les bienfaits de ces boisements en termes de captage CO2, il y va aussi du maintien en place des terres en pentes qui sans cela donnent lieu aux éboulis et autres coulées de boues...et se font le refuge d'une faune sauvage plus abondante.

Denis V. | 29 mai 2017 à 10h32 Signaler un contenu inapproprié

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