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Le président de la République présente une planification écologique sans surprise

Les contours de la planification écologique ont enfin été dévoilés par le président de la République. Le programme s'appuie sur des thématiques déjà connues. Le détail à venir des financements permettra sans doute d'y voir plus clair.

Gouvernance  |    |  N. Gorbatko
Le président de la République présente une planification écologique sans surprise
Actu-Environnement le Mensuel N°440
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°440
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La démarche faisait partie des promesses de campagne du président-candidat Emmanuel Macron, en 2022. Confiée à la Première ministre, Élisabeth Borne, et à un Secrétaire général spécial, Antoine Peillon, la planification écologique du pays est enfin sortie officiellement des limbes, après douze mois de réunions interministérielles, quelques sessions de concertation, plus ou moins médiatisées, et plusieurs reports. Ce lundi 25 septembre, à l'issue d'un deuxième conseil sur le sujet, qui aura duré une journée entière, preuve supplémentaire de la difficulté de l'exercice, le président de la République en a donc tracé les grandes lignes, dans la forme comme dans le fond.

Pour ce qui concerne la forme, le document comprend une cinquantaine de grands leviers, dans tous les secteurs et pour tous les publics, destinés à hisser la France parmi « l'une des premières nations à sortir des énergies fossiles » tout en préservant sa biodiversité, l'innovation, ses ressources et sa résilience. Déclinés en une multitude de mesures, liées à la sobriété, à l'innovation et à des changements de comportements, ils visent notamment à aider le pays à réduire de 55 % ses émissions de gaz à effet de serre (GES) à l'horizon 2030, soit deux fois plus vite que jusqu'à présent, en éliminant 138 millions de tonnes de GES : 37 millions pour les transports, 13 millions pour l'agriculture, 34 millions pour le bâtiment, 27 millions pour l'industrie, 32 millions pour l'énergie. Un objectif « atteignable », pour Emmanuel Macron.

Création de valeur contre réduction de CO2

Ce fil rouge, « qui va devoir guider l'action de chacun des ministres présents tout au long du quinquennat », selon ses conseillers, se veut basé sur la science et  « des résultats objectifs », mais surtout le plus indolore possible. « Il ne s'agit pas d'imposer des changements brusques, mais de répondre aux préoccupations de nos concitoyens, et d'offrir un accompagnement et des solutions face à chaque transition », a ainsi expliqué Élisabeth Borne, lors de sa présentation du programme aux membres du Conseil national de la refondation, à Matignon, mardi 19 septembre.

Et pour mieux vendre ce concept « d'écologie à la Française », pour reprendre l'expression du président, rien de tel que de s'appuyer sur la perspective d'une indépendance retrouvée et d'une balance commerciale positive : dans le secteur de l'énergie, grâce à la production de biométhane via la biomasse et les déchets locaux, dans celui des transports par la production d'un million de véhicules électriques sur le territoire en 2027, la création d'usines de batteries ou de recyclage des métaux rares, dans le logement avec la production de pompes à chaleur françaises… « La souveraineté est au cœur de l'écologie et l'écologie au cœur de la souveraineté », souligne-t-on à l'Elysée. À ce titre, le président a également annoncé le projet d'inventaire des ressources minières et de gisements d'hydrogène naturel du pays, mais également la reprise du contrôle du prix de l'électricité, « dès octobre », via une loi sur l'énergie.

Quelques objectifs de la planification pour 2030

- 138 millions de tonnes de gaz à effet de serre en moins, soit entre 4 et 5 % en moins chaque année.
- 15 % de véhicules électriques d'ici à 2030.
- 1,4 million d'hectares restaurés.
- 10 % d'eau consommée en moins.

Un pari sur la bonne volonté des acteurs

La démarche s'avèrera sans doute un peu plus épineuse en termes de moyens alloués, qui seront d'ailleurs prochainement affinés dans le cadre du projet de loi de finances. En effet, le Gouvernement se propose de mettre 40 milliards d'euros sur la table, sept de plus qu'en 2022, autorisant ainsi l'augmentation de plusieurs budgets : ceux de MaPrimeRenov', du bonus écologique pour l'achat d'un véhicule propre, de la transition agricole, du biogaz, de l'hydrogène, du Fonds friches ou des transports publics. Mais rien n'assure qu'ils seront suffisants, surtout après 2024. L'institut d'étude sur l'économie et le climat I4CE en doute un peu. « La puissance publique va désormais devoir apporter des réponses (…) et construire un plan de financement de la transition, en précisant ce qui doit être fait, combien d'argent public sera mobilisé et combien d'argent privé sera nécessaire », indique son directeur, Benoît Leguet.

Afin de faciliter les investissements, le Gouvernement envisage de solliciter plus amplement les structures financières comme la Caisse des dépôts et consignation, mais aussi de faire bouger les lignes européennes en matière de « pacte de stabilité ». Il compte aussi sur tous les acteurs pour réunir, dans « une juste répartition de l'effort », les 60 ou 100 milliards d'euros considérés comme nécessaires à l'atteinte des objectifs. Les entreprises devront en assumer la moitié, l'État et les collectivités un quart, les ménages un autre quart. Là encore, rien ne garantit que tous joueront le jeu.

Le logement toujours

Parmi les axes prioritaires, on trouve sans surprise la rénovation des logements et des bâtiments de l'État : 1,6 milliard d'euros supplémentaires viendront ainsi soutenir la montée en charge des rénovations performantes, 200 000 dès 2024, par le biais de MaPrimeRénov' pour les ménages modestes et moyens. Parallèlement, 0,6 milliard d'euros seront fléchés vers la rénovation des bâtiments de l'État. Dans ce but, un plan de formation est envisagé pour quelque 200 000 personnes. Les chaudières au gaz ne seront pas interdites, mais le président mise sur la fabrication et la vente d'un million de pompes à chaleur sur le territoire en 2027, accompagnées de formations pour 30 000 installateurs.

Un plan qui laisse sur sa faim l'entreprise de l'économie sociale et solidaire Dorémi, spécialiste du domaine. « Le Gouvernement semble vouloir définir les rénovations d'ampleur comme des rénovations générant deux sauts de classe énergétique, sans aucune référence aux rénovations performantes, pourtant définies dans le code de la construction par le même Gouvernement en août 2021. Pourquoi le Gouvernement continue-t-il de traiter partiellement la question de la rénovation énergétique ? » réagit-elle.

Le transport encore

Les transports propres seront également privilégiés. Des moyens supplémentaires seront ainsi octroyés au réseau ferroviaire, notamment pour les RER métropolitains : 13 projets ont déjà été retenus, qui bénéficieront d'une enveloppe de 700 millions d'euros. Voitures, poids lourds, vélos : dans le même temps, la décarbonation des flottes de véhicules se poursuivra. Afin de favoriser le marché français, le président a rappelé l'ouverture prévue de quatre grandes usines de batteries et une production de véhicules électriques estimée à un million d'unités en 2027. Pour inciter les ménages à basculer vers ce mode de propulsion, le bonus écologique devrait être augmenté et le leasing « à cent euros » tant attendu devrait voir le jour en octobre.

Des mesures – en faveur des véhicules électriques ou des pompes à chaleur –, révélatrices de l'obsession technologique du président de la République, selon Greenpeace. « Si ces deux outils sont indispensables pour réduire les émissions de gaz à effet de serre françaises, les utiliser massivement sans les associer à des politiques de sobriété et d'efficacité énergétiques ne permettra pas d'atteindre nos objectifs climatiques et aura des conséquences négatives sur le pouvoir d'achat des plus précaires », pointe l'association.

Agriculture et forêts en danger

Sur le volet agricole, le plan prévoit un milliard d'euros supplémentaires en soutien à la transition, à la baisse de l'usage des pesticides, à la recherche en matière de solutions alternatives. Une aide sera aussi apportée au renouvellement des générations. Le secteur sera en outre fortement sollicité pour aider le pays  « à sortir du pétrole, du gaz et du charbon en produisant en France le bois, les carburants du futur. »  La préservation des forêts, qui suscitent une forte inquiétude, bénéficiera de 500 millions d'euros et celle de la biodiversité de plus d'un milliard d'euros supplémentaires en 2024.

Enfin, l'industrie se place toujours au cœur des préoccupations élyséennes. Les plans de décarbonation des cinquante plus grands sites sont validés et seront signés fin octobre ou début novembre. Une transition qui se fera notamment grâce à l'utilisation d'hydrogène bas carbone, un vecteur énergétique toujours largement épaulé. Les technologies de capture et de stockage de carbone seront également accompagnées, financièrement et en termes de recherche, avec l'objectif d'ouvrir au moins un site en France.

Les énergies fossiles peu évoquées

Le sujet de l'énergie, adossé au triptyque sobriété-renouvelables-nucléaire, est sans doute celui qui fait le plus débat. Interviewé sur TF1 et France 2, dimanche 24 septembre, Emmanuel Macron a certes annoncé l'abandon du charbon en 2027, au lieu de 2022, par la conversion à la biomasse des deux dernières centrales du pays, à Cordemais et Saint-Avold, mais sans évoquer très concrètement la sortie du gaz et du pétrole. Pour Greenpeace qui pointe un faible rendement énergétique et des difficultés d'approvisionnement, cette conversion à la biomasse représente de plus un non-sens écologique. « Va-t-on prélever encore plus de bois dans les forêts françaises qui sont en mauvaise santé du fait des changements climatiques et déjà soumises à la pression d'usages concurrents ? Va-t-on importer ce bois et engendrer de la déforestation importée à l'autre bout du monde ? », interroge l'ONG.

Quant à l'adaptation au changement climatique, la question n'a été abordée que de loin. « Les besoins de financements publics n'ont pas encore été évalués dans le cadre de la planification écologique mais, sans attendre le futur Plan national d'adaptation au changement climatique et le budget 2025, plusieurs enveloppes budgétaires permettraient de mieux anticiper l'évolution du climat », observe I4CE.

Quoiqu'il en soit, le plan « est décidé, il est arrêté, il est sur la table, il est crédible et maintenant il doit être mis en œuvre », commente-t-on à l'Elysée, même si des ajustements restent possibles. À courte échéance, il sera complété de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC 3), de la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), de la Stratégie nationale de la biodiversité et de la loi de programmation climat-énergie, puis, en décembre, de la nouvelle Stratégie nationale d'adaptation au changement climatique. En parallèle, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, se verra confier la tâche de lancer, en octobre, des COP territoriales dans chacune des collectivités. Ces dernières pourront s'appuyer sur un Fonds vert réhaussé de 500 millions d'euros par rapport à 2023, notamment pour la rénovation des écoles.

Réactions4 réactions à cet article

Nos "grands" dirigeants n'ont jamais qu'une sainte trinité en guise de boussole : croissance économique, PIB, balance commerciale. Comme si la planète n'avait aucune limite, comme les alertes documentées des environnementalistes, des scientifiques compétents n'existaient pas, comme si les aspirations des citoyens à un futur vivable n'avaient aucune espèce d'importance.
Mais le chiffrage par les assurances et les sur-assureurs de la réalité des effets financiers (externalités négatives) du dérèglement climatique, de la perte massive de biodiversité sauvage et de la généralisation des pollutions, désormais de mieux en mieux établi et, là pour le compte, en croissance vertigineuse, est un langage qui finira peut-être par être entendu par ces allergiques pathologiques à l'écologie.
En attendant, ces "élites" là nous font perdre un temps considérable dans l'indispensable mise en œuvre de la transition écologique et nous font ainsi perdre de précieuses chances de limiter les dégâts. Elles seraient d'ailleurs bien avisées de remettre la main sur le rapport STERN, toujours (hélas) d'actualité.

Pégase | 26 septembre 2023 à 09h00 Signaler un contenu inapproprié

Je ne trouve pas ce gouvernement malhonnête, mais modestement réaliste. La mémoire est courte. On a dit aux français tant de choses!
Vive le nucléaire, en avant et chauffage électrique partout.
Vive le diesel, c'est l'avenir.
Vive le gaz, propre et naturel.
Le charbon, le pétrole voilà l'avenir.
J'en passe et des meilleures. Maintenant, la mode c'est l'opposition violente de petits groupes qui font penser à "l'aile avancée du prolétariat" du temps du communisme, qui est lui-même enterré, devenu des dictatures.
On peut donc comprendre une certaine prudence des dirigeants qui appliquent des décisions légales! Mon plombier, devant ma vieille chaudière au propane qui marche toujours, me disait les soucis et le prix de la "pompe à chaleur", qui pompe aussi le porte-monnaie. Le gouvernement me laisse gentiment conserver ma chaudière, merci. Ma vieille voiture vignette 3, qui fait tranquille ses 3000 km par an, est interdite de séjour, pourtant son contrôle technique est OK. Alors la transition écologique, il est clair qu'on ne peut la faire d'un coup. Sauf catastrophe majeure, et dans ce cas elle se fera toute seule.

28plouki | 26 septembre 2023 à 10h27 Signaler un contenu inapproprié

Des lois, ses stratégies et des plans face à l'urgence climatique, la perte sans fin de la biodiversité et l'extension désastreuse des pollutions et rien de concret de la part de l'Etat. Celui-ci compte sur les "bonnes volontés" des citoyens, collectivités et des grands groupes commerciaux et industriels. Beaucoup de citoyens et de collectivités font leur à leur mesure pour garder ce monde vivable. Mais les grands groupes commerciaux et industriels continuent à songer aux profits et font du greenwashing. Quand l'Etat se décidera-t-il à contrôler vraiment les agissements de ces firmes capitalistes, qui nous mènent à notre perte ? Quand nos élites seront vraiment comptables de leurs décisions politiques devant les citoyens, ces élites qui ne tiennent aucun compte des rapports scientifiques et n'écoutent que la loi du marché ?

mangouste | 26 septembre 2023 à 18h35 Signaler un contenu inapproprié

Quand tout sombrera les "élites" sombreront également , maigre consolation mais vraie justice. Et c'est pour demain.

gaïa94 | 27 septembre 2023 à 18h32 Signaler un contenu inapproprié

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