En matière de climat, la France a beau continuer d'aller dans la bonne direction, elle ne parvient toujours pas à respecter ses objectifs, indiquent les coordinateurs de l'observatoire climat-énergie (1) porté par le Réseau Action Climat (RAC). En se penchant secteur par secteur, ces derniers constatent que les seuls bons points climatiques de la France sont le résultat d'effets conjoncturels, plutôt que de politiques publiques proactives.
Une baisse dépendant du contexte plutôt que de la politique publique
Les experts du RAC ont présenté, le 14 septembre, les chiffres de l'année 2022 en comparaison des budgets carbone fixés par l'actuelle Stratégie nationale bas carbone (SNBC2). Si le seuil des émissions brutes de gaz à effet de serre n'a pas été dépassé, avec un écart de 4 millions de tonnes d'équivalent dioxyde de carbone (MtCO2e), cela résulte surtout d'une baisse importante dans le secteur du bâtiment (-11 MtCO2e) et du respect exact de l'objectif pour le secteur de l'industrie. « La douceur de l'hiver ainsi que la guerre en Ukraine, et avec elle la hausse monumentale des prix de l'énergie et des matériaux, ont conduit une forte baisse de la consommation énergétique des ménages et des petits industriels. Pour ces derniers, cette baisse s'est même parfois traduite par des arrêts temporaires d'activité », explique Anne Bringault, directrice des programmes du RAC. De son point de vue, l'efficacité énergétique dans le bâtiment ne pèse pas encore suffisamment pour jouer dans la balance : « Avec seulement 66 000 rénovations performantes en 2022, certes en hausse par rapport au 57 000 de l'année précédente, nous restons loin des engagements à 500 000 ou 700 000 par an pour les prochaines années. »
Des objectifs plus stricts
Le travail du RAC prend en compte un ajustement des plafonds de la SNBC2 (principalement de quelques millions de tonnes de CO2 à la baisse). Celui-ci a été réalisé en juillet 2022 par le Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (Citepa) et introduit courant 2023 par le Haut Conseil pour le climat (HCC) et la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) du ministère de la Transition énergétique. Cette révision est issue de la réactualisation des données du Citepa, découlant directement des mises à jour du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec). Les budgets carbone fixés par la SNBC2 s'appuyaient jusqu'ici sur des calculs datant de 2018. À la suite de cette révision, le plafond annuel d'émissions brutes de gaz à effet de serre considéré pour 2022 est par exemple passé de 410 à 408 MtCO2e/an.
L'énergie en mauvaise passe
S'agissant des objectifs énergétiques, fixés par la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE2), la France « n'est pas dans les clous de la transition énergétique » pour le RAC. En commençant par la consommation d'énergie finale : malgré un retour à la baisse, elle reste supérieure d'un térawattheure (TWh) à l'objectif. En cause, une hausse dans la consommation d'énergies fossiles avec, notamment, le redémarrage des deux dernières centrales à charbon, en remplacement d'un parc nucléaire défaillant. Environ 28 TWh d'énergies fossiles de plus que prévus se sont ainsi invités dans le mix énergétique. Et en conséquence, la situation n'a fait qu'accentuer le retard national sur les énergies renouvelables. Avec une part de seulement 20,7 %, la France rate encore sa cible, placée à 24,3 % en 2022. « Nos objectifs sont ambitieux, mais ils ne se traduisent pas encore en accélération réelle », pointe Anne Bringault, qui a participé au récent travail de concertation autour de la future PPE.
En somme, d'après Émeline Notari, responsable politique au RAC, « le contexte politique semble coincer la planification écologique. La tenue, en temps et en heure, du projet de loi de finances pour 2024 demeure notre seule certitude. La mise en œuvre de mesures fortes, comme la loi de programmation énergie-climat, est continuellement reportée. Cette mise en attente reste un très mauvais signal. »