Le 1er décembre, les ministres de l'Industrie des 27 États membres de l'Union européenne ont adopté leur position commune sur la proposition de directive sur le devoir de vigilance des multinationales (1) . Pour rappel, en février 2022, la Commission a publié sa proposition de directive qui vise à obliger les grandes entreprises à veiller à ce que leurs activités respectent les droits humains et environnementaux dans leur chaîne de valeur. Le texte de la Commission s'appliquerait aux grandes entreprises comptant plus de 500 salariés et réalisant un chiffre d'affaires (CA) annuel supérieur à 150 millions d'euros. Deux ans après l'entrée en vigueur du texte, dans certains secteurs à risques (industrie textile, agriculture, extractions de minerais), ce seuil serait abaissé aux entreprises qui emploieraient plus de 250 personnes et réaliseraient un chiffre d'affaires annuel de plus 40 millions d'euros. La Commission avait ciblé environ 13 000 entreprises européennes et 4 000 autres de pays tiers opérant dans l'UE pouvant être soumises au devoir de vigilance.
Réduction du champ des entreprises concernées
Mais le texte, adopté par les ministres européens, modifie les critères des entreprises concernées et réduit le champ d'application du texte de la Commission. En effet, les règles s'appliqueraient d'abord aux très grandes entreprises, celles de plus de 1 000 employés et au chiffre d'affaires mondial net de 300 millions d'euros. La directive concernerait aussi les entreprises non européennes ayant un chiffre d'affaires net de 300 millions d'euros généré dans l'UE, trois ans à compter de son entrée en vigueur. Les ministres concentrent le champ d'application « sur la "chaîne d'activités" d'une entreprise, qui couvre les partenaires commerciaux en amont et, de manière limitée, également en aval », indique le Conseil dans un communiqué. Or, selon le média Euractiv, le terme « chaîne de valeur » a été écarté au profit du terme « chaîne d'activités », plus restrictif « car il englobe principalement la chaîne d'approvisionnement des entreprises et seulement une portion très restreinte de la partie en aval de la chaîne de valeur ».
L'inclusion du secteur financier selon le bon vouloir des États membres
Les ministres européens excluent, en outre, certaines activités financières du devoir de vigilance, comme les activités d'investissements, fustigent les associations, en dénonçant la responsabilité du gouvernement français dans ce vote. « Sous la pression de la France, les obligations pour les banques sont extrêmement limitées et, dans tous les cas, seulement facultatives pour les États membres », critique l'ONG Reclaim Finance. De son côté, le ministère français de l'Économie défend, dans un communiqué, la position de la France, pionnière sur le devoir de vigilance avec sa loi de 2017. Il affirme que le gouvernement « n'a en aucun cas demandé d'exempter les banques de l'application des obligations du devoir de vigilance. La France souhaite que le projet de texte européen inclue le secteur bancaire, comme le prévoit déjà la loi française », assure Bercy.
Par ailleurs, les ministres européens ont supprimé du texte les obligations qui étaient fixées pour les administrateurs des entreprises concernées par le devoir de vigilance. L'une des dispositions de la proposition de la Commission s'attaquait à la rémunération variable des administrateurs, liée à une obligation de plans de transition climatique pour les grandes entreprises.
Le Conseil européen portera cette position dans les négociations avec la Commission européenne et le Parlement européen en 2023. « Maintenant, c'est au Parlement européen de reprendre ces sujets laissés de côté par les ministres européens et de s'assurer que les entreprises, y compris les banques et les investisseurs, soient tenues pour responsables de l'impact de leurs activités », conclut Léa Guérin, d'Oxfam France.