Le MDP permet à un pays du Nord de financer un projet industriel dans un pays du Sud destiné à éviter l'émission de CO2 en échange de crédits carbone. 2.236 projets MDP ont été mis en œuvre depuis 2005, permettant d'éviter l'émission de 420 millions de tonnes équivalent CO2 (teqCO2).
19 projets en cause
Or, 19 de ces projets n'ont eu pour but que de détruire du HFC23, gaz 11.700 fois plus nocif pour le climat que le CO2. La destruction de ce gaz ne coûte que quelques euros par tonne. Chaque tonne de HFC23 détruite permettant d'éviter plus de 11.700 tonnes d'équivalent CO2, et donc de générer des crédits Kyoto valorisables sur les marchés du carbone, ces projets industriels sont une véritable aubaine.
A eux seuls, ces 19 projets représentent quelque 200 millions de teqCO2, soit la moitié des émissions évitées par le MDP… Sur les dix projets les plus importants qui ont abouti l'an dernier - ils représentent en tout 66,5% des émissions évitées, pour une valeur de 510 millions d'euros - sept étaient des projets de destruction de gaz HFC23, selon un rapport de l'ONG britannique Sandbag publié mercredi 14 juillet.
Cette aubaine est accrue par la méthode de calcul trop généreuse fixée par le secrétariat de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) pour rémunérer la destruction de HFC23. Selon le secrétariat, 30 kilogrammes de HFC23 sont émis par tonne de HCFC22 produite - soit un ratio de 3% entre les deux gaz. Or, la technologie existante permet d'aboutir à un ratio de 1% - et donc une division par trois du HFC produit, et donc des crédits Kyoto générés. ''Les usines ont joué avec le système, déréglant volontairement leurs appareils'', concluent les trois ONG dans un communiqué commun du 2 juillet.
Elles proposent que soit pris en compte ce nouveau ratio. Leur requête a de bonnes chances d'aboutir : elle a été le principal sujet de discussion du comité des méthodologies du MDP, dépendant de la CCNUCC, qui s'est réuni du 21 au 25 juin dernier. Le bureau exécutif du MDP, qui doit se réunir du 26 au 30 juillet, doit encore se prononcer sur la question mais semble favorable à cette requête.
Secrétaire de l'ONG genevoise Noé21, Chaïm Nissim n'est pas peu fier du coup d'éclat des trois associations. ''Si notre proposition avait été mise en œuvre dès 2005, nous aurions détourné deux tiers de crédits bidon, qui auraient pu être issus de vrais projets de développement propre. C'est assez majeur de constater que trois petites ONG puissent parvenir à ce résultat''.
Il aura fallu trois ans pour parvenir à faire passer cette proposition au comité de méthodologie du secrétariat de la CCNUCC. ''Le comité nous a baladés pendant tout ce temps, nous disant qu'une ONG n'avait pas le droit de déposer une requête. Nous avons donc dû passer par les agences de certification, qui valident les projets MDP, pour pouvoir présenter notre requête''.
Terrain moral
L'affaire est nuancée par Benoît Leguet, directeur de la recherche à CDC Climat. ''En affirmant mettre fin à un système de crédits pourris qui auraient pu être alloués à des projets de développement des énergies renouvelables dans les pays du Sud, ces trois ONG se placent sur un terrain moral'', affirme-t-il. Le but du protocole de Kyoto étant de réduire les émissions de gaz à effet de serre à moindre coût ''il est donc logique que les projets de destruction de HFC23 soient les premiers à avoir été mis en place, car ils remplissent ces deux critères. Je rappelle aussi que les projets MDP mis en place relèvent de la prérogative des pays hôtes - si la Chine [premier pays hôte des MPD] veut accueillir des projets HFC23 plutôt que des projets d'ENR, cela relève de sa responsabilité''.
Benoît Leguet estime que la prise en compte de la nouvelle méthodologie ne sera pas très rapide, un certain nombre d'allers-retours pouvant encore avoir lieu entre le comité de méthodologies de la CCNUCC et son bureau exécutif.
''Préoccupée par la politisation du débat public actuel et sur la pression qu'une telle politisation met sur le régulateur'', l'Association internationale de l'échange des droits d'émissions (IETA), organisation patronale regroupant tous les acteurs du secteur, est vent debout contre toute éventuelle modification. Plutôt logique, puisque les projets HFC23 ont été les principaux pourvoyeurs de crédits Kyoto issus du MDP en cinq ans…