La première campagne de caractérisation des ordures ménagères résiduelles (OMR) organisée dans le cadre de la filière de responsabilité élargie des producteurs (REP) d'emballages ménagers est sur le point débuter. Quelque 4 000 caractérisations vont être réalisées dans les 668 collectivités territoriales chargées de la gestion des déchets. Objectif : mesurer les quantités d'emballages non triés pour évaluer la performance collectivité par collectivité.
Le dispositif, annoncé en septembre 2023 par Christophe Béchu, doit permettre de « [passer] à une logique de performance [pour] objectiver le débat et mettre chacun face à ses responsabilités ». Et le ministre de la Transition écologique d'envisager la création de bonus et de malus.
Objectiver les performances
L'objectif des caractérisations est d'obtenir, pour chacune des collectives françaises, une connaissance des quantités triées et du reliquat d'emballages présent dans les OMR. « Ça va permettre d'objectiver la performance territoire par territoire », se félicite Romain Lebegue. Le directeur développement collecte et tri chez Citeo rappelle que les caractérisations menées par l'Ademe sont certes plus précises (les déchets sont classés en 60 catégories, contre 13 pour la caractérisation de la REP emballages), mais ne distinguent pas les performances des collectivités.
À partir des données brutes, une performance du tri pourra être évaluée. Sur le principe, il s'agit de comparer les volumes triés au gisement de chacune des collectivités. Une option possible consiste à utiliser la consommation départementale à partir des données de l'Insee. Mais l'évaluation est imprécise car il est délicat d'attribuer les ventes des centres commerciaux aux collectivités à proximité.
La solution qui se profile consiste plutôt à considérer le gisement d'une collectivité comme étant la somme des emballages triés et de ceux retrouvés dans les OMR par la campagne de caractérisation. L'idée étant que les emballages consommés par les habitants d'une collectivité se retrouvent dans l'une ou l'autre des deux poubelles.
Image à l'instant T
Les pouvoirs publics ont aussi réuni les parties prenantes, le 24 avril, pour aborder l'étape suivante : la création de bonus et de malus basés sur ces performances. En effet, le cahier des charges de la REP emballages prévoit la création cette année de « mesures incitatives à destination des collectivités territoriales (…) et des éco-organismes » pour que leurs performances soient compatibles avec les objectifs de collecte et de recyclage. Et le cahier des charges d'évoquer explicitement des pénalités financières. Ces dispositions pourraient se concrétiser dès juin, avec la publication de la révison prévue du cahier des charges de la REP emballages.
Le mécanisme proposé est « intéressant et très responsabilisant », mais les conséquences financières seront « hyper violentes », résume Nicolas Garnier, le délégué général d'Amorce. Surtout, les collectivités n'oublient pas que le dispositif sera mis en œuvre sur la base de campagnes de caractérisation qu'elles jugent imparfaites. « Je crains que ce ne soit le top départ pour donner des malus aux collectivités les moins performantes à partir d'une photo à un instant T », explique Bertrand Bohain.
Plusieurs reproches sont formulés. D'abord, limiter le nombre de caractérisations, c'est prendre le risque de mal évaluer la présence de certains emballages dans les OMR. On sait par exemple que la consommation d'eau et de sodas en bouteille est plus importante en été, en particulier dans le sud de la France. C'est aussi prendre le risque de mal évaluer le geste de tri en fonction des types de territoire d'une même commune (urbain dense, périurbain et rural). C'est enfin prendre le risque de pénaliser des collectivités qui affichent de mauvaises performances parce qu'elles viennent tout juste d'étendre leurs consignes de tri à tous les emballages en plastique.
Suivre les trajectoires de recyclage
Quelles pénalités pourraient être mises en place ? Le délégué national d'Amorce retient d'abord de la présentation des pouvoirs publics l'idée de pénaliser automatiquement les éco-organismes qui dévient de la trajectoire permettant d'atteindre l'objectif de recyclage (par exemple : 40 % de recyclage des plastiques en 2024, puis 50 % en 2025 et 54 % en 2029). Avec les résultats actuels, la facture serait alourdie de 400 millions d'euros, pour atteindre 1,6 milliard, explique le représentant d'Amorce, qui y voit « une révolution ».
À l'inverse, un bonus serait créé pour inciter les éco-organismes à financer le plus rapidement possible les dispositifs d'amélioration des performances de tri. Concrètement, un mécanisme permettrait de pondérer les dépenses précoces pour réduire celles à venir.
Des collectivités découragées ?
Du côté des collectivités, Nicolas Garnier évoque la possibilité d'un malus de 800 euros par tonne d'emballages en plastique non collectée par rapport au taux de collecte prévu par la trajectoire menant aux objectifs de recyclage. Ce malus, qui prendrait la forme d'une restitution des soutiens perçus, réduirait à peau de chagrin les soutiens versés aux collectivités les moins performantes.
« Comment investir dans la collecte sélective dans ces conditions ? » interrogent les représentants des collectivités, qui craignent que cela ne les décourage complètement. Bertrand Bohain estime même que certaines collectivités pourraient décider de jeter l'éponge pour éviter la flambée de la fiscalité locale. Il préfèrerait qu'on sanctionne les collectivités qui refusent de mettre en œuvre certains leviers d'amélioration, après leur avoir laissé l'opportunité de le faire. Avec le type de pénalités envisagé actuellement, le représentant du CNR s'interroge même sur la possibilité d'un « pourvoi » qui permettrait à une collectivité avec de mauvais résultats de confier à Citeo la gestion opérationnelle de la collecte sélective.
Quant au bonus, il serait versé sur la base de la mise en œuvre d'un plan d'action. Comme pour les éco-organismes, il s'agirait d'un bonus versé sur la base des moyens déployés, plutôt qu'en fonction des résultats obtenus. En l'occurrence, cela permettrait d'inciter les collectivités à investir, sans qu'elles aient à attendre la concrétisation des résultats et à supporter les risques.