En novembre 2023, un consortium de chercheurs bordelais porté par le GPR-PPM (Post-Petroleum Materials, Université de Bordeaux) annonce avoir découvert le moyen de recycler la liqueur noire, la liqueur de cuisson résultant de la fabrication du papier Kraft. Environ 65 millions de tonnes seraient produits par an dans le monde. Cet abondant rejet de l'industrie papetière pourrait maintenant être valorisé en carbone partiellement graphité utilisable notamment dans les batteries et autres supercondensateurs, en se substituant de manière totale ou partielle au noir de carbone et au graphite. La construction d'un démonstrateur industriel n'est pas encore à l'ordre du jour. Mais l'équipe communique sur des résultats identiques en termes de capacité restituée gravimétrique que les solutions classiques présentes sur le marché. Elle annonce, en outre, être sur le point de signer avec un grand groupe papetier pour se fournir en matières premières, et avoir été approchée par un fonds d'investissement.
Réduire l'impact environnemental du carbone utilisé dans les batteries
« Le recyclage des batteries se concentre sur le cobalt, le nickel et le manganèse. Car à l'heure actuelle, des filières existent pour ces éléments uniquement, indique Guilhem Grimaud, responsable innovation chez MTB Group, spécialisé dans le prétraitement des batteries avant recyclage. Si bien qu'en hydrométallurgie, la première des deux méthodes de recyclage des batteries après prétraitement, graphite et noir de carbone finissent le plus souvent enfouis, alors qu'en pyrométallurgie, seconde voie de traitement, ils sont brûlés. Si elle ne résout pas tous les problèmes de recyclabilité des batteries en fin de vie, la découverte de Rénal Backov et son équipe permettrait néanmoins d'allonger le cycle de vie du carbone de la liqueur noire, aujourd'hui utilisée par l'industrie papetière en cogénération, et par conséquent de retarder et donc de limiter les rejets de CO2.
Réagencer les atomes de carbone
En effet, la liqueur noire est une solution alcaline d'hémicellulose et de lignine, que le consortium se propose d'abord de polymériser en formant de longues chaînes de carbone. « La polymérisation se fait grâce à un traitement à haute température sous atmosphère réductrice, c'est-à-dire en remplaçant l'oxygène par de l'argon ou de l'azote. Ce procédé nous permet in fine d'avoir un carbone partiellement graphité », indique Rénal Backov. Si la polymérisation du carbone est un procédé connu depuis longtemps, « graphiter le matériau constitue l'innovation », selon lui. Guilhem Grimaud complète en indiquant que « cette découverte s'inscrit dans une démarche continue de valorisation de matière ».
En juillet 2022, Northvolt, fabricant suédois de batteries, avait annoncé l'utilisation de lignine pour fabriquer les anodes de ses produits. Preuve s'il en est que les matériaux naturels partiellement carbonés ont le vent en poupe pour tenter de trouver des solutions alternatives à l'utilisation de matériaux critiques.