Les objectifs fixés par l'Union européenne seront-ils suffisants pour atteindre la neutralité carbone ? Selon une cohorte de vingt-cinq associations et groupes de réflexion européens, la réponse est non. Ce lundi 5 juin, ces laboratoires d'idées, menés par l'association française Négawatt, ont publié les résultats de leur modélisation (1) pour une « vision sobre et collaborative pour l'Europe » (ou « Clever »). Celle-ci s'appuie sur un triptyque composé de sobriété, d'efficacité et d'énergies renouvelables décliné depuis les besoins des consommateurs jusqu'à l'approvisionnement ou la production nécessaire à leur satisfaction.
Respecter l'Accord de Paris
D'après l'analyse de Négawatt et consorts, si la feuille de route déroulée par le paquet Fit-for-55, puis renforcée par le plan RePowerEU, reste particulièrement ambitieuse, elle s'avère encore insuffisante pour garantir la neutralité carbone du continent en 2050. Les experts se sont appuyés pour cela sur les calculs attachés au scénario « C1a » du dernier rapport du Groupement international d'experts sur le climat (Giec), qui vise un réchauffement climatique limité à + 1,5 °C en 2100 en atteignant la neutralité carbone en 2050. Les projections du réseau Clever estime que, pour y parvenir, l'Europe ne doit pas dépasser un budget maximum d'émissions de gaz à effet de serre de 26 à 28 gigatonnes d'équivalent CO2 (GtCO2e) sur toute la période entre 2020 et 2050.
Sobriété énergétique en amont
Cette nécessité d'un élan de sobriété passe justement en premier lieu par la consommation d'énergie finale, encore très dépendante des énergies fossiles. Pour viser la neutralité, l'Europe doit baisser sa consommation globale de 11 000 térawattheures (TWh) en 2019 à 5 000 TWh en 2050, autrement dit de 55 % selon le rapport Clever. Cette réduction ne doit pas s'appliquer identiquement à chaque pays, mais doit s'adapter au mode de vie : en France, par exemple, cette baisse approcherait les 64 %, tandis qu'en Roumanie, une réduction de 35 % suffirait.
Une vision à mettre en œuvre sans tarder
Cependant, pour faire de cette vision une réalité, l'Union européenne doit encore débloquer de nombreux dossiers. Des négociations concernant les révisions des directives relatives aux énergies renouvelables (RED) et à la performance énergétique des bâtiments (EPBD), la proposition de règlement sur l'écoconception des produits (ESPR) et la mise en œuvre du plan industriel du Pacte vert sont toujours en cours et retardent ainsi la transposition de cette ambition à l'échelle des États membres. D'autant que les prochaines élections européennes, prévues en juin 2024, apparaissent doucement à l'horizon. La même année, qu'elle soit encore menée ou non par Ursula von der Leyen, la Commission européenne aura également à établir un nouvel objectif climatique pour 2040.