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Sobriété hydrique : les pistes de l'Assemblée pour les grands consommateurs économiques

MAJ le 03/07/2023

La mission d'information de l'Assemblée sur la gestion de l'eau pour les activités économiques a examiné les secteurs les plus consommateurs et proposé des pistes pour leur sobriété. Sans réussir à s'accorder sur tous les sujets.

Eau  |    |  D. Laperche
Sobriété hydrique : les pistes de l'Assemblée pour les grands consommateurs économiques

« Au regard du territoire sur lequel je suis élu, de la Nièvre (1) , historiquement qualifié de département vert, aux eaux vives et qui aujourd'hui subit ce défi à relever collectivement, j'adresse un appel pressant à chacun d'entre nous pour que des solutions claires et ambitieuses soient mises en œuvre en faveur de la gestion de l'eau », a interpellé Patrice Perrot, député Renaissance, mercredi 29 juin, lors de la présentation des conclusions de la mission d'information sur la gestion de l'eau pour les activités économiques (2) . Ce dernier en est le corapporteur avec René Pilato, député La France insoumise de la Charente.

Malgré l'urgence de la situation, le chemin s'annonce tortueux. L'organisation d'un partage apaisé de l'eau, respectueux des milieux, apparaît en effet comme une gageure. Le rapport (3) lui-même, avec les nombreuses propositions propres à chaque corapporteur pour un même sujet, reflète les profondes divisions que suscite ce sujet. Des points de blocage subsistent aussi et restent à dépasser entre le ministère de la Transition écologique et celui de l'Agriculture sur les questions de la gestion quantitative de l'eau. « Malgré les démarches mises en œuvre, il apparaît que ce dialogue est encore insuffisant, ce qui freine l'élaboration d'une stratégie publique cohérente et claire en la matière », estiment les corapporteurs.

En revanche, le constat (4) est assez clair et partagé. Et le retour d'expérience de la sécheresse de l'été 2022 montre la nécessaire anticipation de ces questions pour éviter des situations de blocage. (5)

Selon la dernière actualisation (6) du Service des données et études statistiques (Sdes) du ministère de la Transition écologique, le volume annuel moyen d'eau consommé est estimé à 4,1 milliards de mètres cubes en France métropolitaine pour 30,4 milliards prélevés.

L'agriculture représente 58 % de la consommation totale

Et parmi les secteurs économiques les plus concernés par les tensions sur l'eau figure l'agriculture. Le secteur représente la première activité consommatrice d'eau (58 % de la consommation totale et 9 % des prélèvements). L'eau n'est en effet pas restituée localement au milieu : elle est absorbée par les végétaux ou évapotranspirée. « Les prélèvements pour l'agriculture, destinés pour plus de 90 % à l'irrigation, concernent surtout la moitié sud du pays, et, dans une moindre mesure, le Centre-Ouest », a précisé le Sdes.

“ L'eau devient un sujet de préoccupation croissante du monde industriel (…) [et] certains projets suscitent des conflits d'usages forts ” Les corapporteurs
L'origine de la ressource dépend du territoire : majoritairement issue de l'eau de surface dans le Sud (plus de 85 %), elle provient des eaux souterraines (plus de 85 %) dans les bassins du Centre et de l'Ouest. Selon le rapport, les principales cultures irriguées sont le maïs (41 %), les céréales (18 %), le maïs fourrager (7 %), les vergers et petits fruits (6 %), les vignes (2 %) et les cultures de type betteraves, tournesol, soja, protéagineux et pommes de terre (2 à 4 %).

Les deux corapporteurs ont rappelé que l'irrigation, initialement mise en œuvre en zone méditerranéenne, s'est étendue aux autres régions entre les années 1970 et 2000, notamment grâce aux aides européennes de la Politique agricole commune. La progression de cette pratique serait particulièrement marquée dans certaines régions comme les Hauts-de-France, où l'irrigation a connu en dix ans une hausse de 77,7 %. « La situation de pénurie d'eau en France, c'est d'abord un problème de modèle agricole et, là-dessus, le changement climatique pousse une situation dégradée à une situation de crise », a réagi lors de la présentation du rapport, Delphine Batho, député du groupe Écologiste.

Les retenues d'eau, un sujet qui divise

Parmi les propositions partagées par les deux corapporteurs : que la gestion de l'eau soit pensée comme un levier de transformation de l'agriculture française. Ils remettent en lumière quelques pistes déjà proposées dans de précédents rapports ou dans des stratégies gouvernementales comme faciliter l'adaptation et la transition agroécologique, encourager le développement des cultures moins gourmandes en eau, construire une stratégie pour adapter la géographie des cultures agricoles aux tensions sur la ressource en eau, renforcer le déploiement des organismes uniques de gestion collective et améliorer les techniques d'irrigation. Ils soutiennent la notion d'irrigation de résilience. « S'orienter vers une irrigation de résilience, c'est chercher à éviter les pertes économiques les années sèches plutôt qu'à atteindre chaque année des valeurs maximales », détaille leur rapport.

Les deux députés abordent également la question controversée du stockage de l'eau. En portant certaines pistes, à l'instar d'un plus grand soutien des barrages hydroélectriques lors des étiages, une remobilisation de plans d'eau privés de petites tailles ou encore la modernisation du réseau VNF. « Les retards de maintenance et de modernisation entraînent une dégradation des ouvrages et leur sous-utilisation, expliquent les corapporteurs. Selon le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), leur rénovation et leur entretien sont donc prioritaires afin de sécuriser les volumes d'eau conventionnés pour les usages agricoles, puis de dégager des capacités supplémentaires. »

En revanche, les deux rapporteurs restent divisés sur le sujet des réserves de substitution : schématiquement cette option fait partie des solutions d'avenir pour Patrice Perrot, alors que, pour René Pilato, elle risque de conduire à terme à des sécheresses plus prononcées sans changement de comportements. Ils s'accordent toutefois sur le fait que, dans la hiérarchie des usages de l'eau, l'agriculture devrait disposer d'une place particulière, mais avec une conditionnalité sur les façons de l'utiliser.

La production d'énergie nucléaire, premier poste de prélèvement

Le second secteur très dépendant de l'eau est celui de la production d'énergie nucléaire. C'est le premier poste de prélèvements de la ressource (50 % des prélèvements totaux et 12 % de la consommation). Toutefois, selon le système de refroidissement choisi, les consommations diffèrent : en circuit ouvert (7) , l'eau après utilisation est rejetée dans le fleuve avec un réchauffement. À l'inverse en circuit fermé, (8) l'eau prélevée est refroidie dans une tour aéroréfrigérante avant d'être en partie restituée (60 %), le reste étant évaporé.

Pour ce qui concerne l'échauffement de l'eau, les installations nucléaires sont soumises à des règles. Des limites qu'EDF souhaiterait voir assouplies dans un contexte de changement climatique. « Comme le souligne le rapport "Futurs énergétiques 2050" (9) de RTE, l'indisponibilité climatique des centrales est amenée à s'intensifier, mais celle-ci demeure limitée (10) à l'échelle du parc (…). Les pertes de production demeurent inférieures à 1 % de la production annuelle, rappellent les rapporteurs. Si ces indisponibilités peuvent paraître faibles, elles peuvent être ponctuellement critiques (par exemple, en représentant 10 % de la capacité installée en juillet 2019) et de nature à accroître les risques de tensions sur le réseau électrique (notamment, en automne). »

Parmi les propositions d'évolution qui suscitent l'adhésion des deux corapporteurs : une augmentation des réservoirs de stockage des effluents sur les sites thermosensibles et une accélération de la recherche de systèmes de refroidissement sobres en eau et en réactifs chimiques.

Si l'hydroélectricité ne consomme pas d'eau, elle demande toutefois un volume d'eau suffisant pour transformer l'énergie gravitaire des lacs ou cours d'eau en électricité et ainsi assurer sa production. Mais aussi d'assurer un soutien d'étiage pour d'autres usages de l'eau. Les rapporteurs proposent de développer de nouvelles stations de transfert d'énergie par pompage (Step) pour concilier les enjeux de sécurisation des usages et d'approvisionnement énergétique.

Le secteur industriel consomme 4 % de la consommation totale

Le secteur industriel prélève quant à lui un peu moins de 8 % d'eau dans les milieux naturels et représente 4 % de la consommation totale. Les deux tiers environ des prélèvements réalisés par les industriels proviennent des eaux de surface. « En 2020, les prélèvements industriels sont inférieurs de 42 % à ceux enregistrés en 1994, soulignent les rapporteurs. Si la situation reste bien moins tendue que celle vécue par le monde agricole (besoins moindres, enjeu saisonnier moins prégnant, etc.), l'eau devient un sujet de préoccupation croissante du monde industriel (…) [et] certains projets suscitent des conflits d'usages forts. »

Parmi les mesures proposées par les rapporteurs figurent une généralisation des plans d'utilisation rationnelle de l'eau (Pure) déployés dans plusieurs sites industriels du Puy-de-Dôme, dont la Société des eaux de Volvic (SEV). « Il est essentiel que ces plans ne reposent pas uniquement sur du déclaratif et fassent l'objet de contrôles réguliers et fréquents », conditionnent toutefois les rapporteurs. Ils souhaitent également que soit généralisée la mobilisation des chambres de commerce et d'industrie pour accompagner les acteurs dans le diagnostic de leur consommation.

Golfs, tourisme hivernal en montagne, courses hippiques et activités équestres, mais également canoé-kayak, tourisme fluvial… la mission a également questionné l'adaptation du secteur du tourisme et s'est penché sur l'exemple de la Corse. Trois millions de visiteurs visitent l'île chaque année. « Cette poussée démographique soudaine de population coïncide avec une période de faibles précipitations, ce qui entraîne une diminution des ressources en eau disponibles, tant en surface que souterraines », indiquent les rapporteurs. Pour ces derniers, la création d'un office de l'eau spécifique à la Corse permettrait de mieux prendre en compte les particularités du territoire.

1. La Nièvre fait l'objet d'arrêté de restriction à un niveau en alerte renforcé, selon le site propluvia du 29/06/2023 2. Se renseignement sur la mission d'information<br /><br />
https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/organes/commissions-permanentes/affaires-economiques/missions-de-la-commission/mi-gestion-eau
3. Télécharger le rapport sur la gestion de l'eau pour les activités économiques
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-42101-rapport-information-gestion-eau-activites-economique-assemblee-secheresse.pdf
4.  Accélération de la fonte des glaciers, tendance à la réduction de l'humidité des sols superficiels, augmentation de la fréquence des épisodes climatiques extrême, avec une modification du régime des précipitations et des projections qui indique que la sécheresse sévère de l'été 2022 pourrait devenir la norme après 2050. Et dans le futur, les températures devraient encore grimpées. Le Conseil national de la transition écologique considère désormais que la France métropolitaine doit se préparer à une hausse des températures moyennes de 4 °C à la fin du siècle.

Les problèmes de qualité (39349) vont également peser sur la disponibilité de la ressource  : 56 % des masses d'eau de surface et 33 % des masses d'eau souterraines ne sont toujours pas en bon état malgré les objectifs fixés par la Directive cadre sur l'eau.
5.  « Plus d'un millier de communes ont dû mettre en œuvre des mesures de gestion exceptionnelles pour garantir l'approvisionnement de leurs habitants, illustrent les co-rapporteurs. 343 d'entre elles ont dû transporter de l'eau par camion et 196 distribuer des bouteilles d'eau, à défaut de pouvoir fournir de l'eau au robinet – 2 communes ayant même dû recourir au dessalement d'eau de mer et, plus grave, 7 communes ayant été contraintes à une interruption totale du service pendant plusieurs jours, sans solution à proposer. » Avec des conséquences également sur les milieux et plus généralement la biodiversité. 6. Télécharger Les prélèvements d'eau douce : principaux usages en 2020 et évolution depuis 25 ans en France
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-42101-prelevements-eau-douce-principaux-usages-2020-france-ministere-transition-ecologique-sdes.pdf
7. Les centrales sont donc soit situées en bord de mer (14 réacteurs) ou à proximité́ d'un grand fleuve (12 réacteurs) 8. Trente réacteurs implantés en bord de fleuve sont équipés9. Télécharger Futurs énergétiques 2050 » de RTE
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-42101-futurs-energetiques-2050-RTE.pdf
10. 90 % des indisponibilités sont concentrées sur six sites : Chooz, Saint-Alban, Tricastin, Bugey, Blayais et Golfech

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