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Urbanisme et environnement : retour sur l'année 2022-2023

L'année 2022-2023 a été marquée par une activité législative, réglementaire et jurisprudentielle importante, enrichissant le droit de l'urbanisme sur l'artificialisation des sols, l'eau, l'énergie et les constructions durables.

DROIT  |  Synthèse  |  Aménagement  |  
Droit de l'Environnement N°326
Cet article a été publié dans Droit de l'Environnement N°326
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Urbanisme et environnement : retour sur l'année 2022-2023
Jean-Nicolas Clément et Lucie Pernet
Avocats à la Cour, cabinet GIDE-LOYRETTE-NOUEL
   

I. Activité législative et réglementaire

1. Artificialisation des sols

Dans le cadre de son objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols en 2050, la loi « Climat et Résilience » a instauré un principe général d'interdiction des projets commerciaux soumis à autorisation d'exploitation commerciale qui artificialiseraient des sols, à l'exception de ceux d'une surface de vente inférieure à 10 000 m², et présentant un intérêt pour leur territoire d'établissement (1) . Des dérogations à ce principe sont tout de même prévues. Un premier décret du 13 octobre 2022 a ainsi défini les projets générant une artificialisation des sols comme ceux « dont la réalisation engendre, sur la ou les parcelles cadastrales sur lesquelles il prend place, une augmentation des superficies des terrains artificialisés (…), par rapport à l'état de ces mêmes parcelles à la date du 23 aout 2021 », c'est-à-dire les projets entraînant une « altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d'un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage ». Il précise également les modalités de compensation prises en compte dans l'examen des dérogations au principe.

La loi « Climat et Résilience » a également institué des zones de renaturation préférentielle, dans lesquelles seront conduites des opérations de transformation (2) des sols artificialisés en sols non-artificialisés et au sein desquelles, par priorité, seront mises en œuvre les mesures de compensation (3) . Un décret en date du 27 décembre 2022 vient prévoir que ces zones de renaturation préférentielle peuvent être localisées dans les documents graphiques du document d'orientation et d'objectifs (DOO) du schéma de cohérence territoriale (Scot) et dans les orientations d'aménagement et de programmation (OAP) des plans locaux d'urbanisme (PLU), lesquels peuvent également préciser les modalités de mise en œuvre des projets de désartificialisation et de renaturation dans ces zones. Il précise en outre que ce n'est qu'en cas d'impossibilité de mettre en œuvre les mesures de compensation sur le site endommagé qu'elles sont alors réalisées prioritairement dans les zones de renaturation préférentielle, dans le respect du principe de proximité comme des orientations de renaturation de ces zones, et que leurs conditions de mise en œuvre sont techniquement et économiquement acceptables.

Le contenu de l'étude d'impact est également modifié de manière qu'y soient jointes les conclusions de l'étude de faisabilité sur le potentiel de développement en énergies renouvelables de la zone et de l'étude d'optimisation de la densité des constructions dans la zone concernée, ainsi que la description de la façon dont il en est tenu compte.

2. Énergie

  • Régime juridique du contentieux des autorisations relatives aux projets d'énergie renouvelable

Le décret du 29 octobre 2022, entré en vigueur au 1er novembre 2022 et s'appliquant jusqu'au 31 décembre 2026, vise à accélérer le contentieux relatif à certaines autorisations et déclarations portant sur certains projets relatifs aux énergies renouvelables. Le code de justice administrative s'enrichit donc d'un nouvel article R. 311-6 qui commence par lister les installations concernées :

-   certaines installations de méthanisation de déchets non dangereux ou de matière végétale brute ;

-   les ouvrages de production d'électricité à partir de l'énergie solaire photovoltaïque d'une puissance égale ou supérieure à 5 mégawatts (MW) ;

-   les gites géothermiques mentionnés à l'article L. 112-1 du code minier à l'exclusion des activités de géothermie de minime importance mentionnées à l'article L. 112-2 du même code ;

-   les installations hydroélectriques d'une puissance égale ou supérieure à 3 MW ;

-   certains ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, de raccordement.

Les décisions concernées sont ensuite listées en 25 items parmi lesquels on retiendra les autorisations environnementales, les permis de construire ou encore les autorisations de défrichement.

Le délai de recours contentieux contre ces décisions est fixé uniformément à deux mois à compter du point de départ propre à chaque réglementation. Ce délai ne peut être prorogé par l'exercice d'un recours gracieux ou hiérarchique. Par ailleurs, le tribunal administratif statue dans un délai de dix mois à compter de l'enregistrement de la requête. Si, à l'issue de ce délai, il ne s'est pas prononcé ou en cas d'appel, le litige est porté devant la cour administrative d'appel, qui statue dans un délai de dix mois. Si, à l'issue de ce délai, elle ne s'est pas prononcée ou en cas de pourvoi en cassation, le litige est porté devant le Conseil d'État.

  • Simplification des procédures d'autorisation d'urbanisme relatives aux projets d'ouvrages de production d'électricité à partir de l'énergie solaire installés sur le sol

Un décret du 26 décembre 2022 prévoit, hors secteurs protégés, le rehaussement du seuil de puissance au-delà duquel les projets d'ouvrages de production d'électricité à partir de l'énergie solaire installés sur le sol basculent de la formalité de la déclaration préalable à celle, plus contraignante, du permis de construire. Ce seuil, aligné sur le seuil d'évaluation environnementale systématique, est d'1 MW. Par cohérence, le décret prévoit également l'ajout dans les dossiers d'urbanisme de la mention de la puissance crête des installations ainsi que la destination principale de l'énergie produite.

  • Installations nucléaires

La loi du 22 juin 2023 relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes a pour but essentiel de simplifier et accélérer les procédures administratives nécessaires à la construction de nouveaux réacteurs électronucléaires sur des sites nucléaires d'ores-et-déjà existants. On retiendra notamment que l'autorité administrative compétente de l'État peut engager la procédure de mise en compatibilité des documents d'urbanisme locaux, que les constructions, aménagements, installations et travaux couverts par une autorisation environnementale ou de création du réacteur sont dispensés des formalités du code de l'urbanisme, et une présomption de raison impérative d'intérêt public majeur au sens de l'article L. 411-2 du code de l'environnement.

Par ailleurs, l'artificialisation des sols ou la consommation d'espaces naturels, agricoles ou forestiers résultant de la réalisation d'un réacteur électronucléaire ne sera pas comptabilisée pour évaluer l'atteinte des objectifs locaux et régionaux de réduction du rythme de l'artificialisation des sols.

3. Eau

  • Droit de préemption pour la préservation des ressources en eau destinées à la consommation humaine

Le décret du 10 septembre 2022 fixe les dispositions réglementaires relatives au droit de préemption pour la préservation des ressources en eau destinées à la consommation humaine (4) . C'est à l'Administration d'instaurer, au bénéfice des communes et groupements de communes en charge du service d'eau potable, un droit de préemption des surfaces agricoles situées dans les aires d'alimentation des captages d'eau potable.

Ce droit leur permet d'acquérir les terrains afin de favoriser les pratiques agricoles favorables à la protection de la ressource en eau, sans remettre en cause la destination agricole des terrains préemptés.

4. Évaluation environnementale

  • Nouveau formulaire de demande d'examen au cas par cas

L'arrêté du 16 janvier 2023 modifie le modèle du formulaire de demande d'examen au cas par cas préalable à la réalisation d'une évaluation environnementale. Celui-ci est désormais numéroté Cerfa n°14734*04. Par rapport à la version précédente, il intègre notamment : (i) une rubrique 3.1 dans laquelle le pétitionnaire doit indiquer si le projet fait l'objet d'un examen au cas par cas dans le cadre du dispositif prévu aux I et II de l'article R. 122-2-1 du code de l'environnement (clause filet) ; (ii) une rubrique 3.2 dans laquelle le pétitionnaire doit indiquer si le projet fait l'objet d'une soumission volontaire à examen au cas par cas au titre du III du même article ; et (iii) une rubrique 6.4 dans laquelle le pétitionnaire doit décrire les principaux résultats disponibles issus des évaluations pertinentes des incidences sur l'environnement requises au titre d'autres législations applicables. La notice explicative pour les demandes d'examen au cas par cas est également modifiée.

5. Urbanisme et construction durable

  • Loi « Climat et Résilience » et dérogations au PLU

La loi « Climat et Résilience » a élargi les possibilités de dérogation aux dispositions d'un PLU aux projets prévoyant (5) la végétalisation des façades et toitures ou encore aux projets exemplaires sur le plan énergétique.

Un premier décret du 23 décembre 2022 est venu préciser les conditions d'application de l'article L. 152-5-1 du code de l'urbanisme en prévoyant notamment que la mise en œuvre d'un dispositif de végétalisation est autorisée dans la limite d'un dépassement d'un mètre en tout point au-dessus de la hauteur de la construction autorisée par le règlement du PLU, hors végétation. Elle peut également être autorisée en dérogeant aux dispositions concernant les caractéristiques architecturales des façades et toitures des constructions. Un second décret du 8 mars 2023 précise pour sa part les modalités d'application de l'article L. 152-5-2 précité, permettant à l'Administration d'autoriser les constructions faisant preuve d'exemplarité environnementale de déroger aux règles de hauteur du PLU.

L'arrêté du même jour précise quant à lui les exigences techniques à atteindre pour un projet de construction, afin d'être qualifié d'exemplaire sur le plan énergétique ou environnemental.

  • Destinations et sous-destinations

Longtemps attendus, le décret du 22 mars 2023 et l'arrêté du même jour apportent des modifications et des précisions bienvenues sur la définition des destinations et sous-destinations des constructions. Deux nouvelles sous-destinations sont créées : « cuisine dédiée à la vente en ligne » au sein de la destination « autres activités des secteurs [désormais] primaire, secondaire ou tertiaire » et « lieu de culte » au sein de la destination « équipements d'intérêt collectif et services publics ». Le sort des dark kitchens, des dark stores et des data centers est réglé, les deux derniers relevant désormais expressément de la sous-destination « entrepôt ». Les définitions des sous-destinations « locaux et bureaux accueillant du public des administrations publiques et assimilés », « bureau », « exploitation agricole », « artisanat et commerce de détail », « activité de service où s'effectue l'accueil d'une clientèle » et « industrie » sont également modifiées.

II. Activité jurisprudentielle

1. Évaluation environnementale

  • Examen au cas par cas et documents d'urbanisme

Le Conseil d'État, par son arrêt du 23 novembre 2022 (6) , vient apporter une réponse positive à la question de la légalité du décret du 13 octobre 2021 portant sur l'évaluation environnementale des documents d'urbanisme et des unités touristiques nouvelles.

Eu égard aux garanties posées par le texte, le Conseil d'État considère que les dispositions du décret attaqué ne méconnaissent par les exigences de la directive du 27 juin 2001 et celles de l'impartialité.

  • Référé « étude d'impact » et contentieux de l'urbanisme

Par une décision du 17 avril 2023 (7) , le Conseil d'État précise que le juge des référés fait droit à la demande de suspension de l'autorisation d'urbanisme faute de l'évaluation environnementale nécessaire, même si le requérant ne se prévaut pas des dispositions de l'article L. 122-2 du code de l'environnement.

Toutefois, et quel qu'en soit le fondement, la demande de suspension n'est alors recevable que jusqu'à l'expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens devant le juge en premier ressort. La circonstance que, par un jugement avant-dire-droit, ait été accordé aux parties un délai pour régulariser ce vice est sans incidence sur le calcul de ce délai. En d'autres termes, même en l'absence d'étude d'impact, les dispositions du code de l'urbanisme qui limitent dans le temps la possibilité d'introduire un référé-suspension contre une autorisation de construire s'appliquent.

  • Insuffisance de l'étude d'impact et action en démolition

La Cour de cassation juge que l'insuffisance de l'étude d'impact peut justifier la démolition, sur le fondement de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, d'une construction édifiée conformément à un permis de construire (i) définitivement annulé et (ii) située dans l'une des zones protégées.

La Cour de cassation ajoute que la condamnation à démolir une telle construction est subordonnée à la seule localisation géographique de la construction à l'intérieur de l'une des zones visées, sans qu'il soit nécessaire que la construction ait été édifiée en violation du régime particulier de protection propre à cette zone.

2. Pollution

Par deux arrêts du 6 octobre 2022 (8) , la cour administrative d'appel de Paris est venue confirmer l'annulation des permis de construire délivrés au bénéfice des projets « Mille arbres » et « Ville multi-strates », tous deux issus de l'appel à projets « Réinventer Paris ». La cour retient notamment dans ces arrêts que la réalisation du projet entraînera une augmentation de la concentration de polluants aux alentours du terrain d'assiette, à l'entrée et à la sortie du tunnel créé par le projet, que les mesures de réduction de la pollution – notamment la morphologie de l'immeuble, l'installation de murs anti-pollution, ou la végétalisation – ne permettent pas de limiter suffisamment les risques et que le caractère général des prescriptions assortissant le permis, ainsi que leur réalisation incertaine et hypothétique, ne permettent pas de compenser les atteintes potentielle du projet.

3. Risques naturels

  • Carte d'aléa et contentieux administratif

Dans sa décision du 13 juillet 2023, le Conseil d'État a jugé que la cartographie du risque de mouvements de terrain peut être contestée par la voie d'un recours pour excès de pouvoir, dès lors (i) que cette carte et son commentaire orientent de manière significative l'instruction des autorisations d'urbanisme, et (ii) que la carte était publiée sur le site internet de la préfecture, pouvant ainsi influer sur la valeur vénale des terrains concernés.

4. Autorisations d'urbanisme

  • Destinations et champ d'application des autorisations d'urbanisme

Le Conseil d'État a confirmé, par une décision du 7 juillet 2022 (9) que, même dans une commune couverte par un PLU antérieur à la réforme des destinations découlant de la loi Alur du 24 mars 2014 et du décret du 28 décembre 2015, les formalités d'urbanisme nécessaires en cas de changement de destination s'apprécient par rapport aux nouvelles destinations et sous-destinations identifiées aux articles R. 151-27 et R. 151-28 de ce code, issues du décret précité.

  • Champ d'application du permis de construire modificatif

Par une décision du 26 juillet 2022 (10) , le Conseil d'État élargit le champ matériel du permis de construire modificatif pour l'aligner sur celui des mesures de régularisation prises en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme (11) . Désormais, l'autorité compétente, saisie d'une demande en ce sens, peut délivrer au titulaire d'un permis de construire en cours de validité un permis modificatif, tant que la construction autorisée par ce permis n'est pas achevée, dès lors que les modifications envisagées n'apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

  • PLU et cahiers de recommandations architecturales

Par une décision du 2 juin 2023 (12) , le Conseil d'État a posé le principe de l'opposabilité aux autorisations d'urbanisme d'un « cahier de recommandations architecturales », annexé au règlement du PLU. Pour être opposable, ce cahier de recommandations doit (i) avoir été adopté selon les mêmes modalités procédurales, (ii) être expressément visé par le règlement du PLU et (iii) expliciter ou préciser, sans les contredire ni les méconnaître, des règles figurant déjà dans le règlement.

5. Protection des sites et du patrimoine

Par une décision en date du 22 septembre 2022 (13) , le Conseil d'État juge que, pour apprécier aussi bien la qualité du site que l'impact du projet sur celui-ci, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de prendre en compte l'ensemble des éléments pertinents et notamment, le cas échéant, la covisibilité du projet avec des bâtiments remarquables. Ce principe vaut quelle que soit la protection dont ces bâtiments bénéficient par ailleurs au titre d'autres législations, et donc même pour un projet se situant au-delà du périmètre de protection des abords des monuments historiques.

6. Dérogation espèces protégées

  • Nature du délit d'atteinte aux espèces protégées ou leur habitat

Pour la réalisation d'un gazoduc, et au bénéfice de deux dérogations à la protection des espèces, il avait été procédé au défrichement de zones boisées et la création d'une piste de travail pour permettre le passage des engins de travaux publics et la pose de la conduite de gaz. Ces dérogations étaient cependant accordées sous réserve de la mise en œuvre de mesures de remise en état définies dans le dossier. Or, plus de deux ans après le délai imparti par les arrêtés préfectoraux pour ce faire, les zones déboisées n'avaient pas été remises en état, ce qui était constaté par procès-verbal. La société et le directeur de projet ont alors été cités devant le tribunal correctionnel et condamnés en première instance et en appel. Par un arrêt du 18 octobre 2022 (14) , la Cour de cassation censure la décision rendue en appel s'agissant de la peine d'amende prononcée contre la société et l'obligation de remise en état ordonnée à son encontre. À cette occasion, la Cour de cassation apporte d'importantes précisions sur le délit de destruction d'espèces et sa mise en œuvre. Tout d'abord, se focalisant sur le résultat de l'infraction, à savoir l'atteinte portée aux espèces plutôt qu'au modalités de sa commission, la Cour vient juger que « le délit, prévu par le 1) de l'article L.415-3 du code de l'environnement (…) peut être consommé par une simple abstention »,en l'espèce celle de satisfaire aux prescriptions imposées par les arrêtés de dérogation. Par ailleurs, la Cour de cassation juge qu'une « faute d'imprudence ou de négligence suffit à caractériser le délit ».

  • Quand faut-il demander une dérogation à la protection des espèces ou de leur habitat ?

En réponse aux questions qui lui avaient été posées par la cour administrative d'appel de Douai, le Conseil d'État rappelle le principe d'interdiction en cas d'atteintes aux espèces protégées et la possibilité, sous conditions, de déroger à cette interdiction. Ce système de protection « impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes ». Et, le Conseil d'État d'en conclure que « le pétitionnaire doit obtenir une dérogation « espèces protégées » si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. À ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte ».

  • Espèces protégées et permis de construire des éoliennes

Par un arrêté du 20 novembre 2014, le préfet de l'Aude avait délivré un permis de construire pour trois éoliennes. Le Conseil d'État rappelle  (15) que les permis de construire d'éoliennes terrestres en cours de validité à la date du 1er mars 2017 sont considérés, à compter de cette date, comme des autorisations environnementales incorporant par conséquent la dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées si celle-ci a par ailleurs été sollicitée et octroyée. Tel n'avait pas été le cas, et la cour administrative d'appel aurait donc dû statuer sur le moyen – opérant - tiré de ce que l'autorisation environnementale, issue du permis de construire délivré par le préfet le 20 novembre 2014, était illégale faute de pouvoir incorporer une dérogation au titre de la législation sur les espèces protégées.

  • Saturation visuelle et éoliennes

Une demande avait été formée sur le fondement des dispositions de l'ordonnance du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), pour un projet de parc éolien comportant six éoliennes et deux postes de livraison. Par un arrêté du 20 novembre 2019, le préfet de l'Aisne avait, d'une part, délivré l'autorisation unique sollicitée pour l'éolienne E1 et les deux postes de livraison, d'autre part, refusé cette autorisation pour les éoliennes E3 à E7. Par un arrêt du 26 octobre 2021 (16) , la cour administrative d'appel de Douai avait rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté portant refus d'autorisation pour les éoliennes E3 à E7.

Saisi d'un pourvoi à l'encontre de cet arrêt, le Conseil d'État rappelle que c'est aux juges du fond d'apprécier souverainement l'existence d'un phénomène de saturation visuelle d'un projet, susceptible d'emporter des inconvénients pour la commodité du voisinage. Par une décision du même jour (17) , le Conseil d'État a en revanche considéré que l'effet de saturation visuelle était relatif à la commodité du voisinage et ne relevait pas de la salubrité publique au sens des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

7. Littoral

Dans une série d'arrêts rendus sur la période couverte par la présente chronique, le Conseil d'État a apporté d'importantes précisions sur l'appréciation de la règle posée par l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, aux termes de laquelle, dans les communes littorales, l'extension de l'urbanisation réalisée doit être en continuité avec les agglomérations et villages existants.

D'abord, la Haute juridiction a admis qu'un permis de construire modificatif pouvait régulariser l'illégalité du permis initial en raison de l'évolution des circonstances de fait. Ensuite, le Conseil d'État a précisé que (18) , pour s'assurer de la conformité d'une autorisation d'urbanisme à l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, et dès lors qu'elles étaient suffisamment précises et compatibles avec les dispositions législatives particulières au littoral, l'autorité administrative devait prendre en compte les dispositions du Scot applicable, déterminant les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés et définissant leur localisation. Enfin, il a considéré, dans une décision du 12 juin 2023 (19) , qu'un projet de construction situé en continuité avec un secteur urbanisé issu d'une opération de lotissement peut être autorisé si le nombre et la densité des constructions de ce lotissement sont suffisamment significatifs pour qu'il caractérise une agglomération ou un village existant au sens des dispositions précitées.

8. ICPE

  • ICPE : Permis de construire, enquête publique et autorisation ICPE

Des travaux portant atteinte à une zone humide avaient été mis en œuvre par une société sans que celle-ci ait au préalable obtenu l'autorisation nécessaire au titre du code de l'environnement ; la société se trouvait donc poursuivie sur le terrain de l'article L. 173-1 de ce code qui réprime le fait d'entreprendre des travaux sans le titre adéquat. La société faisait, en défense, valoir que si elle n'avait pas encore obtenu l'autorisation environnementale pour exploiter l'activité qu'elle projetait, elle avait obtenu un permis de construire et que la construction pouvait être entreprise dès la clôture de l'enquête publique en vertu de l'article L. 512-2 du code de l'environnement.

Pour relaxer les prévenus, la cour d'appel de Rennes jugeait pour sa part que « si le projet porté rendait nécessaire pour être mené à bien, l'octroi d'un permis de construire, et une autorisation au titre de la réglementation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, il convient de rappeler que ces deux demandes n'ont pas le même objet » et sont par ailleurs soumises à des législations distinctes. La cour d'appel en déduisait donc que seule l'exploitation de l'installation classée était soumise à autorisation, la construction pouvant être entreprise dès la clôture de l'enquête publique portant sur le projet d'installation classée ; dès lors qu'elle constatait ainsi que la construction qui était à l'origine de la destruction de zones humides était indépendante de l'autorisation installation classée, il en résultait que cette construction n'était pas soumise aux dispositions légales et réglementaires applicables à de telles installations, notamment à celles des articles L. 511-1 et suivants du code de l'environnement. La Cour de cassation a validé (20) [43] ce raisonnement et rejeté le pourvoi.

1. C. com., art. L. 752-6c

2. C. urb., art. L. 141-103. C. envir., art. L. 163-14. C. urb., art. R. 218-1 et suiv.5. C. urb., art. L. 152-5-1 et L. 152-5-2 nouveaux6. CE, 23 nov. 2022, n° 458455 : Lebon T.7. CE, 17 avr. 2023, n° 468789 : Lebon T.8. CAA Paris, 6 oct. 2022, n° 21PA04905 et 21PA049129. CE, 7 juill. 2022, n° 454789 : Lebon T.10. CE, 26 juill. 2022, n° 437765 : Lebon11. CE, avis, 2 oct. 2020, n° 438318 : Lebon

12. CE, 2 juin 2023, n° 461645 : Lebon13. CE, 22 sept. 2022, n° 455658 : Lebon T.14. Cass. Crim. 18 oct. 2022, n° 21-86.965 : Bull. crim.15. CE, 22 sept. 2022, n° 443458 : Lebon T.
16. CAA Douai, 26 oct. 2021, n° 20DA0052117. CE, 1er mars 2023, n°455629 : Lebon T.18. CE, 21 avr. 2023, n° 456788 : Lebon19. CE, 12 juin 2023, n° 459918 : Lebon T.20. Cass. crim., 4 oct. 2022, n° 21-86.855

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