Les membres du Conseil économique, social et environnemental (Cese) ont adopté le 10 juillet en plénière le projet d'avis visant à optimiser le réseau de transports français. Cet avis, rapporté par Bruno Duchemin (Groupe CFDT) et Sébastien Genest (Groupe Environnement et Nature) résulte d'une saisine par le gouvernement. Il a été adopté à une large majorité avec 130 voix pour et 29 abstentions.
La transition énergétique dans les transports pourrait être l'opportunité de faire de la France un champion industriel du transport décarboné, "ce qui lui offrirait de nombreux marchés, notamment dans les pays comme la Chine, l'Inde ou le Brésil", explique le rapporteur Bruno Dechemin. Telle est l'une des principales préconisations du Cese pour réussir une mutation des transports, qui suppose une organisation au service de tous. Pour cela, les rapporteurs reviennent sur l'importance des politiques publiques et de la réglementation afin de définir des objectifs clairs et les moyens d'y parvenir par des actions coordonnées, s'inscrivant dans le long terme.
L'avis du CESE rappelle l'importance d'agir vite dans le secteur des transports, qui représente aujourd'hui 32% de la consommation d'énergie finale du pays et qui reste dépendant à plus de 90% des hydrocarbures.
Cap sur la recherche et le développement
Selon le Conseil, la France doit se doter d'une R&D à la hauteur des possibilités offertes par ce secteur. D'autant que le pays possède certains atouts, comme le rappelle l'avis : une capacité de recherche et d'innovation parmi les meilleures, en Europe et dans le monde ; une longue expérience sur le marché des transports en commun et dans le secteur automobile… Cette R&D doit être couplée au développement des réseaux de transports en commun électriques et à la redéfinition des mix énergétiques via l'usage des moteurs électriques, hybrides ou au gaz naturel puis renouvelables.
Augmenter le niveau de la R&D implique une présence forte de l'Etat qui devra définir une politique industrielle, fixer des objectifs clairs dans un temps donné mais aussi prévoir des programmes d'aides financières. L'Etat ne devra plus seulement intervenir pendant la phase de recherche, il devra s'engager jusqu'à la maturation du projet, y compris industrielle, recommande le Cese.
Cette orientation pourrait avoir des conséquences sur la création et le maintien de l'emploi. Le Conseil s'appuie sur une étude du cabinet de conseil McKinsey qui prévoit 110.000 nouveaux emplois susceptibles d'être créés en Europe d'ici à 2030 grâce aux véhicules électriques. Dans ce cadre, le CESE préconise d'anticiper les évolutions "métiers" des filières en adaptant les programmes sociaux aux projets économiques industriels et en formant des ingénieurs, capables de stimuler les programmes de R&D.
Vers une plus grande synergie
Selon le Cese,une politique de coopération entre les acteurs et entre les filières, le développement de pôles d'excellence et la création de divers partenariats permettraient de maintenir la compétitivité française tout en répondant aux appels d'offres de grands projets. Cette synergie, qui devra aussi intégrer les PME, a pour but de prolonger la réussite hexagonale vers l'exportation. Alors qu'à l'échelle européenne, les perspectives sur les marchés du transport en commun et de l'automobile sont limitées, à l'échelle mondiale, le marché porté par les pays émergents est en pleine croissance. Le Conseil recommande donc la création de groupements d'intérêt économique (GIE) pour promouvoir le "Made in France" et ainsi favoriser l'implantation des entreprises françaises dans ces pays. Implantation qui peut se révéler difficile.
Les rapporteurs rappellent aussi le rôle essentiel de l'Union européenne qui devra "soutenir concrètement la mutation dans la mobilité en encourageant fortement la coopération plutôt que la division par la concurrence des projets".
Un retour aux basiques
Plusieurs autres recommandations "simples et rapides à mettre en place" ont été formulées par le Cese.
Les infrastructures de transport devront s'inscrire dans l'objectif "facteur 4". Pour cela, le Cese préconise de favoriser l'existant face aux nouvelles constructions. Cette optimisation du réseau existant a été reprise par le Premier ministre, après consultation du rapport Mobilité 21. Les alternatives à la route et à l'aérien devront être développées et l'ensemble des petits projets locaux, plus proches des citoyens et de leurs besoins, seront à valoriser, ajoutent les rapporteurs.
Le CESE préconise le développement du transport modal et l'intermodalité, afin d'organiser la complémentarité des transports. La priorité étant donc de proposer aux usagers des transports en commun efficaces, de promouvoir les types de transports décarbonés et de renforcer les liaisons ferroviaires inter-cités. Le transport de marchandises devrait, quant à lui, favoriser le fret ferroviaire, maritime et fluvial.
La nécessité d'influencer les besoins de modalité tout en accompagnant les changements de comportement apparaît aussi dans cet avis. Les projets devront tenter d'enrayer l'étalement urbain et de densifier les villes afin de limiter les déplacements. Une nouvelle conception des politiques publiques locales, incluant un transfert de compétences en terme de transports, est préconisée. Les citoyens devraient aussi être poussés vers de nouveaux modes de déplacement comme le covoiturage, l'autopartage ou encore le transport à la demande.