Des sécheresses et des inondations plus fréquentes, une tension exacerbée sur les ressources, l'extinction de masse d'espèces animales et végétales… Les perspectives qui se dessinent dès aujourd'hui peuvent laisser craindre pour l'avenir et faire le lit d'un certain découragement. En France, il y aurait ainsi 2,5 millions d'écoanxieux en état de devoir consulter un psychothérapeute, selon l'Observatoire des vécus de collapse (1) (Obveco).
À l'occasion de ses 20 ans,
Car un des premiers éléments qui interroge lorsque le changement climatique est abordé est l'inaction. « Nous sommes dans un monde qui manque d'un imaginaire à la hauteur de ce que nous devrions faire, constate Valérie Martin, cheffe du service mobilisation citoyenne (2) et médias à l'Ademe. Notre imaginaire est basé sur une dystopie, des références comme Soleil vert (3) ou autre Transperceneige (4) … Parler avec des termes de spécialistes ou s'appuyer sur des images comme celle de l'ours famélique qui dérive sur un morceau de glace éloignent de nos réalités et paralysent. Il faudrait entendre une écologie du quotidien. »
Passer à une écologie du quotidien
Certains estiment que cette paralysie trouve ses racines dans un manque de sensibilisation ou une diffusion de la connaissance pas assez efficace. « L'exemple de la consommation de cigarettes montre très bien que ce n'est pas parce que vous savez qu'il y a un risque ou même un danger que vous agissez, oppose Léa Falco, membre de Pour un réveil écologique. Nous ne sommes pas les humains parfaitement optimisés que nous utilisons dans les analyses en économie classique. Le modèle de déficit de l'information ne s'applique pas. » Pour la militante, d'autres chemins doivent être empruntés pour arriver à convaincre le plus grand nombre de changer de pratiques.
Parmi les leviers, certains mécanismes comportementaux pourraient être actionnés, comme la tendance à vouloir imiter les actions d'un groupe proche de nous. « L'envie de conformité pourrait être utilisée dans l'action écologique », estime-t-elle. Un second outil à mettre en œuvre serait de s'appuyer sur ce qui nous fait rêver, notamment de souligner les effets « cobénéfiques » de la transition. « Ce n'est pas seulement ce à quoi nous renonçons, mais aussi ce que nous gagnons », insiste Léa Falco.
D'une manière plus large, cette transformation doit passer par un changement structurel de la société. « Il faut sortir du fait qu'aujourd'hui faire des actions écologiques, ce n'est pas facile, c'est contraignant : cela demande plus de temps et d'argent, constate Léa Falco. Nous devons évoluer vers une société ou le déterminisme macrostructurel est écologique par défaut, c'est-à-dire ce qui est socialement valorisé est écolo, ce qui est facile, rapide économique, est écolo. »
Former et reconvertir aux métiers de la transition écologique
Les évolutions ne pourront toutefois pas se concrétiser sans des politiques publiques qui accompagnent les mutations dans le secteur de l'emploi, avec des formations ou des reconversions à de nouveaux métiers. « Il y a beaucoup de chantage à l'emploi lorsque l'arrêt de certaines activités est envisagé, regrette Cécile Gueguen, accompagnatrice des Écoles de la transition écologique (Etre). Nous avons besoin d'un cadre pour imaginer les prochaines années : il faudra planifier la formation et l'emploi. »
Des recours juridiques pour faire bouger les lignes
Pour accélérer la transition énergétique, certains se tournent vers des recours juridiques, à l'instar de jeunes Portugais qui ont porté plainte, en septembre 2020, contre 33 pays, dont les États membres de l'Union européenne (UE), devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Ils estiment notamment que leur droit à la vie était menacé par les effets du changement climatique. « Les jeunes portent le droit des générations futures », souligne Corinne Lepage, avocate associée chez Huglo-Lepage Avocats, ministre de l'Environnement de 1995 à 1997. Certains signaux envoyés en retour à ce type initiative juridique apparaissent encourageants.
Ainsi, la plainte déposée devant le tribunal administratif de Berlin-Brandebourg, en Allemagne, par plusieurs associations, dont de jeunes requérants, a eu gain de cause. Ces derniers estimaient que les dispositions de la loi allemande relative à la lutte contre le changement climatique étaient contraires aux droits fondamentaux. « La Cour constitutionnelle allemande a considéré qu'à partir de 2030, les personnes ne pourront pas avoir les mêmes droits et libertés que ceux qui vivent aujourd'hui, explique Corinne Lepage. C'est la première reconnaissance du droit des générations futures (5) . C'est important, car cela peut drainer beaucoup de choses et peut coaliser des jeunes pour leur montrer qu'ils peuvent faire quelque chose pour leur avenir. Le fait d'agir est le meilleur médicament contre l'écoanxiété. »
Inclure le plus grand nombre et diffuser les exemples vertueux
La réussite de la transition passera également par la mise en place de dispositifs de concertation réelle, qui permettent l'inclusion de l'ensemble de la société avec ses différents niveaux de possibilité d'action. Les démonstrateurs et les exemples de transitions réussis faciliteront également l'adhésion.
Et Corinne Lepage de rappeler que « 34 % des pays du monde ont un système démocratique. Nous avons beaucoup régressé. Cela interroge : comment concevoir un modèle de transformation écologique qui repose sur un système démocratique ? Il y a beaucoup à faire pour y parvenir : permettre plus d'actions territoriales, moins de systèmes figés et décidés à Paris, donner plus de places aux initiatives locales ».
