Docteur en droit, consultant et ancien juriste environnement de l'association Consommation logement et cadre de vie
Actu-environnement : Combien de personnes sont concernées par la réglementation sur l'assainissement non collectif en France ?
Stéphane Bernhard : cela concerne beaucoup de monde, environ 5 millions d'habitations ne sont pas raccordées au tout-à-l'égout et sont en assainissement individuel, ce qui équivaut environ à 12 millions de personnes.
Depuis les lois sur l'eau de 1992 et 2006, les pouvoirs publics se sont intéressés aux potentiels impacts sanitaires et environnementaux de ces installations. Cela s'est traduit par la création des Services Publics d'Assainissement Non Collectif (SPANC) qui ont pour mission de contrôler toutes les installations. La date butoir pour la première vérification est fixée au 31 décembre 2012 : théoriquement d'ici la fin de cette année, toutes les installations devront donc avoir été contrôlées au moins une fois.
AE : Quels types de difficultés pouvaient rencontrer les usagers d'une installation d'assainissement non collectif avant l'évolution de la réglementation (1) ?
SB : Toutes les collectivités territoriales n'ont pas créé leurs SPANC au même moment. Dans certains endroits en France, il y a déjà eu deux contrôles et dans d'autres aucun. Cela génère des tensions car ce service est évidement payant. Il existe de grosses disparités concernant le montant de la redevance selon le lieu d'habitation. Ensuite, le contrôle peut déboucher sur des obligations de travaux pour les installations considérées comme polluantes. La facture peut alors facilement atteindre les 10.000 euros. Durant ces dernières années, il y a eu de grosses différences dans les politiques de contrôle, suscitant l'incompréhension des usagers... Certains SPANC affichent des taux de réhabilitation de 80 %.
AE : Quels étaient les critères pour demander une réhabilitation ?
SB : Chaque service avait défini ses critères ou n'en avait pas : la nécessité de faire des travaux était alors laissée à l'appréciation de l'agent du SPANC. Or, dans certains cas, les points techniques des installations ne sont pas accessibles. L'agent pouvait donc décider d'une réhabilitation ou pas sur la base d'un simple contrôle visuel. Et dans le doute, des travaux étaient très souvent demandés.
AE : Que va permettre d'améliorer la révision des arrêtés contrôle et prescriptions techniques?
SB : La nouvelle réglementation ANC remet l'intérêt général au coeur du dispositif. Elle cible la question des obligations de travaux par rapport à leurs objectifs : désormais lorsque le SPANC prescrit une réhabilitation, il doit démontrer pourquoi elle est nécessaire d'un point de vue environnemental et/ou sanitaire. Il se base pour cela sur une liste de critères précis. Les arrêtés apportent des précisions et définissent certains termes : zone à enjeux sanitaires, installation présentant un danger pour la santé des personnes ou installation incomplète. Cette démarche resserre la marge de manoeuvre des SPANC. Un arbre de décision donne un cadre pour les pratiques de contrôle et participe à la démarche d'objectivation de celles-ci.
AE : Sur quels points la réglementation peut-elle encore progresser ?
SB : Les interrogations qui demeurent sont sur le montant et la fréquence des contrôles : c'est selon la politique du service. La majorité des SPANC ont opté pour une fréquence de 4 ans... Avant, la fréquence maximum était de 8 ans, la loi Grenelle 2 l'a portée à 10 ans. Autre flou : le montant de la redevance de contrôle est laissé à l'appréciation du service. Le prix moyen oscille autour de 100 euros mais en fonction des services et de la fréquence choisie, il existe un rapport de 1 à 8 au final pour les usagers.
AE : Comment lisser ce coût ?
SB : il faut partir du principe qu'il y a une échelle de gestion cohérente pour que les SPANC soient compétitifs et qu'ils puissent faire un prix de contrôle pas trop élevé. Les petits services, où le contrôle est très cher, devraient peut-être se regrouper avec les communes voisines, ce qui permettrait de faire des économies d'échelle et un prix plus modéré pour l'usager.
AE : quels sont les autres éléments à revoir ?
SB : Les usagers ne sont pas forcément informés de la mission des SPANC, de qui contacter et comment contester s'ils ne sont pas d'accord avec le rapport de contrôle. Ce sont des points qui doivent être abordés dans le règlement de service.
Ensuite, certains SPANC ont décidé d'annualiser le coût du contrôle. Le problème, c'est que les usagers peuvent être amenés à payer avant même que le contrôle soit fait.
On comprend le point de vue de la collectivité locale qui veut financer le SPANC, mais sur le plan de la légalité, c'est plus discutable : la redevance est basée sur un service rendu et donc ne peut pas être perçue avant que le contrôle ait eu lieu – sauf si c'est l'usager qui en fait la demande.