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Le Conseil constitutionnel affirme la liberté de choix des générations futures

Les Sages reconnaissent le droit des générations futures à travers la préservation de leur liberté de choix à satisfaire leurs besoins. Ils jugent toutefois conformes à la Constitution les dispositions législatives encadrant le projet Cigéo.

Gouvernance  |    |  L. Radisson
Le Conseil constitutionnel affirme la liberté de choix des générations futures
Droit de l'Environnement N°327
Cet article a été publié dans Droit de l'Environnement N°327
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La décision était très attendue comme étant susceptible de faire évoluer sa jurisprudence dans le domaine de l'environnement. De ce point de vue, les attentes ne sont pas déçues par la décision que le Conseil constitutionnel a rendue, ce vendredi 27 octobre, sur les dispositions législatives encadrant le projet de centre de stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs de haute et de moyenne activité à vie longue (Cigéo). En revanche, les opposants à ce stockage, auteurs de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) qui vient d'être tranchée, peuvent l'être puisque les Sages jugent conformes à la Constitution les dispositions législatives contestées.

La question de la constitutionnalité de l'article L. 542-10-1 du code de l'environnement (1) qui encadre cette installation avait été posée par l'association Meuse Nature Environnement, accompagnée de nombreuses autres organisations, à l'occasion d'un recours dirigé contre le décret du 7 juillet 2022 déclarant Cigéo d'utilité publique. Les requérantes reprochaient à ces dispositions de ne pas garantir la réversibilité du stockage au-delà d'une période de cent ans. Ce qui ferait obstacle à ce que les générations futures puissent revenir sur ce choix alors que l'atteinte irrémédiable à l'environnement, en particulier à la ressource en eau, qui en résulterait pourrait compromettre leur capacité à satisfaire leurs besoins. Les requérantes estimaient que ces dispositions méconnaissaient le droit des générations futures à vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, ainsi que les principes de solidarité et de fraternité entre les générations. Droits qu'elles demandaient aux Sages de reconnaître. Le Conseil d'État avait jugé la question nouvelle et l'avait donc renvoyée, le 2 août dernier, au Conseil constitutionnel.

Ne pas compromettre la capacité des générations futures à choisir

« Lorsqu'il adopte des mesures susceptibles de porter une atteinte grave et durable à un environnement équilibré et respectueux de la santé, le législateur doit veiller à ce que les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne compromettent pas la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins, en préservant leur liberté de choix à cet égard », juge le Conseil constitutionnel en se fondant sur l'article premier de la Charte de l'environnement éclairé par le septième alinéa de son préambule.

“ Cigéo est conforme aux droits des générations futures ” Andra
« Les limitations apportées par le législateur à l'exercice du droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé doivent être liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi », ajoute le Conseil dans la continuité de la jurisprudence déjà forgée.

Cette nouvelle décision vient en effet après deux autres décisions marquantes rendues par les Sages, les 31 janvier 2020 et 12 août 2022. Par la première, le Conseil a reconnu que la protection de l'environnement, patrimoine commun des êtres humains, constituait un objectif de valeur constitutionnelle. À ce titre, le législateur doit tenir compte des effets que les activités exercées en France peuvent porter à l'environnement à l'étranger, avait jugé la rue de Montpensier dans une décision portant sur la production de pesticides contenant des substances actives interdites dans l'Union européenne.

Par sa décision du 12 août 2022, le Conseil constitutionnel a ensuite étendu la portée du droit à l'environnement (2) . Il a estimé que la préservation de l'environnement devait « être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation » et que les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne devaient « pas compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins ». Ce qui l'avait conduit à émettre deux réserves d'interprétation sur la loi portant mesure d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat concernant la création d'un terminal méthanier flottant au Havre et l'élévation du plafond d'émissions de gaz à effet de serre applicable aux installations de production d'électricité à partir de combustibles fossiles. « Nous donnons ainsi portée constitutionnelle à ce que Bruno Lasserre, vice-président du Conseil d'État (…), a appelé "un contrôle de trajectoire" », a commenté (3) Alain Juppé, membre du Conseil constitutionnel et ancien Premier ministre.

Création et exploitation entourées de nombreuses garanties

En l'espèce, le Conseil constitutionnel considère que, compte tenu des garanties apportées, les dispositions législatives contestées ne méconnaissent pas les principes qu'il a énoncés et il les déclare par conséquent conformes à la Constitution.

Il reconnaît que ces dispositions sont, au regard de la dangerosité et de la durée de vie des déchets radioactifs stockés, « susceptibles de porter une atteinte grave et durable à l'environnement ». Mais il relève que le législateur a souhaité prévenir les risques de dissémination des substances radioactives et ne pas reporter la charge de la gestion des déchets sur les générations futures. Ces modalités ne sont donc pas inappropriées pour atteindre les objectifs à valeur constitutionnelle de protection de l'environnement et de la santé. Les Sages relèvent également que la loi entoure la création et l'exploitation de Cigéo de nombreuses garanties : réversibilité mise en œuvre par la progressivité de la construction, l'adaptabilité de la conception et la flexibilité d'exploitation du stockage ; procédure d'autorisation particulière ; phase pilote permettant de conforter le caractère réversible et la démonstration de sûreté de l'installation ; autorisation de fermeture définitive par une loi ; participation des citoyens assurée tout au long de l'activité du centre.

« Cigéo est conforme aux droits des générations futures », se félicite dans un communiqué l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). « L'objectif même de Cigéo est de protéger les générations actuelles et futures, ainsi que l'environnement, de la dangerosité des déchets HA et MA-VL (4) sur de très longues échelles de temps », explique l'établissement public chargé de la gestion du projet.

« Le Conseil constitutionnel ne s'est pas prononcé sur la légalité de Cigéo. Sa décision se limite à la façon dont le projet prend en compte les générations futures. Il a ainsi estimé que la définition de la réversibilité était considérée comme suffisante dans sa rédaction (…). Et notre recours au Conseil d'État contre l'utilité publique de Cigéo se poursuit ! », réagit de son côté le Collectif contre l'enfouissement des déchets radioactifs (Cedra). Et d'ajouter : « À ce jour, la réversibilité reste un élément de langage pour faire passer Cigéo. Sa faisabilité technique n'est pas démontrée. Son coût pas estimé. »

1. Consulter l'article L. 542-10-1 du code de l'environnement
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032933871#:~:text=%E2%80%93%20l'Autorit%C3%A9%20de%20s%C3%BBret%C3%A9%20nucl%C3%A9aire,conditions%20pr%C3%A9vues%20par%20la%20loi.
2. Consulter l'analyse d'Arnaud Gossement sur la décision du Conseil constitutionnel du 12 août 2022
https://www.actu-environnement.com/blogs/arnaud-gossement/342/charte-environnement-conseil-constitutionnel-etend-portee-droit-environnement-653.html
3. Dans la préface de l'ouvrage « Cesser le feu ! Traité de paix avec la nature » de Louis de Redon, Ed. La Singulière, août 20234. Haute activité et de moyenne activité à vie longue

Réactions1 réaction à cet article

Rien de nouveau en fait, dans cette nouveauté jurisprudentielle du Conseil constitutionnel. Il va de jurisprudences en jurisprudences que l'on pourrait qualifier de lyriques (le Conseil d'Etat commence à en faire de même), du moment que les projets qui font l'objet de sa saisine ne soient pas remis en cause. Il faut s'attendre à d'autres envolées de ce type. Le seul espoir : que tout cela finisse par s'appliquer ! mais si l'on se fonde sur le principe de précaution, lui aussi dans notre charte de l'environnement (cela fera bientôt 20 ans), qui ne trouve toujours pas preneur par les juridictions...

Gabriel Ullmann | 30 octobre 2023 à 15h10 Signaler un contenu inapproprié

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