"Les polluants de l'air extérieur sont notamment impliqués dans les pathologies respiratoires (asthme, insuffisance respiratoires, cancers) et cardio-vasculaires et occasionnent chaque année des coûts pour la société. Ces coûts peuvent être estimés, a minima, entre 20 et 30 milliards d'euros par an pour la France métropolitaine". Telle est la conclusion d'une étude – non publiée à ce jour - commandée par le ministère de l'Ecologie à la Commission des comptes de l'économie et de l'environnement (CCEE) et titrée "Santé et qualité de l'air extérieur".
Une première partie propose une présentation rapide de la pollution de l'air avant de passer des effets sanitaires à l'évaluation de leurs impacts économiques. Le deuxième chapitre présente en particulier des études qui ont établi un lien quantifié entre la pollution de l'air et la santé, que ce soit en termes de mortalité, c'est-à-dire les décès prématurés, ou de morbidité, c'est-à-dire les journées de symptômes respiratoires ou les nouveaux cas de bronchites chroniques. Les coûts supportés par la société sont ensuite évalués. Il s'agit de coûts marchands (du coût des soins, de la perte de revenus liée à l'absentéisme) et de coûts non marchands (perte de bien être liée à l'inquiétude, à l'inconfort ou à la restriction des activités de loisir ou domestiques). L'essentiel des coûts supportés par la collectivité nationale est constitué de coûts non marchands, indique le document. Enfin, la troisième partie du document aborde les politiques d'amélioration de la qualité de l'air.
Une approche à compléter
En préambule, le rapport explique que "c'est dans le domaine de l'air que les relations entre santé et qualité de l'environnement sont le mieux connues", notamment grâce aux nombreuses études qui depuis une quinzaine d'années se sont penchées sur le sujet. Dans ce contexte, "le présent rapport apporte une pierre à cet édifice en fournissant des éléments chiffrés sur le coût sanitaire lié à la qualité de l'air". Cependant, il ne s'agit bien que d'une "pierre" puisque le rapport ne prétend pas épuiser le sujet et ne tient pas compte de certains coûts, et tout particulièrement de ceux liés aux particules.
"La problématique de l'air intérieur n'est pas abordée [dans le rapport], et ce, même si la qualité de l'air intérieur peut être étroitement dépendante de la qualité de l'air extérieur", indique le document, ajoutant que "de même, le rapport ne traite pas des coûts environnementaux", tels que ceux liés aux changements climatiques, les dommages aux bâtiments et aux structures, les dommages aux écosystèmes ou à l'agriculture. "L'ampleur [de ces coûts] restera à préciser", avertissent les rapporteurs.
De même, "l'analyse menée dans le rapport ne vise pas à analyser les impacts sanitaires d'un secteur en particulier, ni l'impact sanitaire d'une politique qui cible un secteur particulier ou encore à réaliser un bilan coûts avantages d'une politique", signalent les rapporteurs soulignant néanmoins que "compte tenu de l'implication du transport routier dans la pollution de l'air (en particulier pour les particules), celui-ci a fait l'objet d'une attention particulière".
"Enfin, les coûts sanitaires chiffrés dans ce rapport doivent être vus comme des ordres de grandeur", indique le texte, rappelant que "l'évaluation des coûts sanitaires liés à la qualité de l'air reste, à ce jour, sujette à plusieurs limites". Il s'agit principalement d'incertitudes attribuées à des effets mal connus (difficultés à quantifier la fonction dose-réponse par exemple) ou à l'interaction entre les polluants.
Evaluation a minima
L'évaluation des coûts est complexe et se base en grande partie sur "la valeur statistique de la vie humaine" qui est longuement discutée dans le document. Un encadré précise que cette valeur est la somme de la perte de production du travail, fruit du travail futur potentiel du défunt, de la perte affective pour ses proches évaluée à partir des indemnités accordées par les tribunaux et d'un pretium vivendi, c'est-à-dire le prix que chacun attache à la vie, d'un montant assez arbitraire.
Le rapport rappelle que le montant de cette valeur statistique varie, selon une étude de l'OCDE, de 1.920 euros à plus de 14 millions d'euros. Pour ce travail, le ministère de l'Ecologie a retenu une valeur statistique de 504.000 euros pour la mortalité liée à la pollution atmosphérique. "La Commission européenne propose des valeurs plus élevées", souligne le document qui précise que, "pour la pollution atmosphérique, la valeur de la vie humaine est prise égale à 1 million d'euros".
Le même type de difficultés méthodologiques s'applique au coût de morbidité calculé à partir des coûts financiers liés au traitement médical des maladies, des coûts d'opportunité (pertes de productivité et perte de loisir ou de travail domestique) et des autres coûts sociaux économiques (le coût de la souffrance, l'anxiété vis à vis de l'avenir et les autres problèmes des membres de la famille et des amis).
Pour calculer le coût sanitaire de la pollution atmosphérique, le rapport applique différentes valeurs aux résultats de deux études : une étude réalisée dans le cadre du Programme de recherche et d'innovation dans les transports terrestres (Predit) qui quantifie les impacts sanitaires liés à l'exposition aux particules PM10 et l'étude Clean Air for Europe (Cafe) qui quantifie les impacts sanitaires de mortalité et de morbidité pour l'exposition à long terme aux PM2,5.
Il ressort de ces calculs une évaluation minimale à 20,8 milliards d'euros par an (en appliquant les valeurs françaises aux données de l'étude Predit) et une évaluation maximale à 28,6 milliards (en appliquant les valeurs françaises aux données de l'étude Cafe).