Le ministre de l'Intérieur a présenté, mercredi 21 juin, en Conseil des ministres, un décret sur la dissolution des Soulèvements de la Terre, un collectif écologiste contestataire qui s'est notamment mobilisé contre la création de retenues d'eau. « Ce n'est pas la liberté d'expression, ni la liberté de manifestation qui est en question. Ce n'est pas davantage des idées qui sont sanctionnées. C'est le recours répété à la violence contre des biens, contre des personnes, qui a été renouvelé à plusieurs occasions ces dernières semaines », a indiqué Olivier Véran, le porte-parole du Gouvernement, à l'issue du Conseil des ministres.
Le décret de dissolution, publié sur Twitter (1) par Gérald Darmanin, s'appuie notamment sur le code de la sécurité intérieure, qui prévoit la dissolution des associations qui provoquent des manifestations armées ou ont des agissements violents envers les personnes et les biens. Et de lister de manière précise, dans les considérants, les faits reprochés au mouvement (dégradations matérielles, sabotages, incitations à ce mode d'action…) et les appels à actions futures.
Le choix de la dissolution pointé du doigt
Il s'agit d'une première pour un mouvement écologiste, ce qui ne manque pas de faire réagir, tant du côté politique (Jean-Luc Mélenchon, Anne Hidalgo, Sandrine Rousseau, Karima Delli…), qu'associatif. Des appels à rassemblement sont lancés sur l'ensemble du territoire et relayés par des organisations syndicales et/ou des associations.
« La dissolution des groupements ou des associations n'était à l'origine réservée qu'à des actes particulièrement graves, tels que ceux commis par des milices privées ou des groupes de combat, les actes de terrorisme, la collaboration avec l'ennemi et les manifestations armées », réagit Greenpeace France, qui dénonce une manipulation du droit par l'exécutif.
Même analyse pour Amnesty International France pour qui « dissoudre une association est l'une des restrictions les plus sévères du droit à la liberté d'association. Cette mesure ne peut être justifiée que dans des cas très limités ».
Pour les Amis de la terre France, « avec cette décision politique, le Gouvernement passe encore un cap dans la répression et la criminalisation des mouvements écologistes ». Un avis partagé par EELV qui, dans un communiqué, dénonce « l'utilisation de la loi Séparatisme pour justifier cette dissolution [qui] marque une fois de plus la confusion des valeurs qu'entretient ce gouvernement et qui dirige, petit à petit, notre pays sur une pente illibérale dangereuse pour la démocratie ». Le bureau exécutif du parti annonce rejoindre le collectif des Soulèvements de la Terre pour engager un recours devant le Conseil d'État.
Pour autant, d'un point de vue strictement juridique, l'avocat Arnaud Gossement souligne qu' « au regard d'une jurisprudence encore récente et parce que chaque dossier est examiné "cas par cas" à partir de pièces dont seules les parties et le juge dispose : tout "pronostic" sur la décision à venir du juge du référé-liberté qui sera sans doute saisi, serait téméraire ».
L'urgence d'agir contre les vrais « destructeurs »
De nombreux acteurs dénoncent autant la forme que le fond de cette décision : selon eux, les violences ne se situent pas du côté du mouvement dissout. Agir pour l'environnement « appelle le Gouvernement à lutter contre les bouleversements climatiques plutôt que contre celles et ceux qui alertent et s'engagent. Reconnaître la pertinence de la légitime défense climatique, ce n'est pas sombrer dans le chaos, mais au contraire l'éviter en mettant hors d'état de nuire les destructivistes ».
La Confédération paysanne apporte également son soutien au mouvement qui « a contribué, en l'espace de deux ans, à visibiliser davantage la nécessité vitale de protéger la terre des activités humaines destructrices ». Le syndicat agricole poursuit : « Ces derniers mois, la violence d'État apparaît davantage à nu, en s'abattant sur les militant.es du mouvement social et écologique. Le vrai visage du néolibéralisme se révèle en effet brutalement lorsque des intérêts capitalistes puissants sont menacés par un légitime désir de justice sociale et climatique, de plus en plus prégnant parmi la jeunesse ».