"La procédure d'enregistrement s'applique uniquement à des installations simples et standardisées implantées en dehors de zones sensibles sur le plan environnemental. La fixation de prescriptions standardisées permet, en pareil cas, de garantir la protection de l'environnement", indique la circulaire du 22 septembre 2010 (1) relative à la mise en œuvre du régime d'enregistrement.
L'extension de ce régime, dont la procédure se caractérise par l'absence d'étude d'impact et d'enquête publique, aux élevages porcins interpelle à la fois les associations de protection de l'environnement mais aussi certains spécialistes du droit de l'environnement industriel.
Les élevages porcins comme révélateurs
Certes le régime d'enregistrement concernait déjà les élevages de vaches laitières et certes France Nature Environnement (FNE) avait manifesté son opposition dès la création de ce troisième régime dit "d'autorisation simplifiée" en 2009. Mais le projet d'extension aux élevages porcins a manifestement marqué une étape. FNE a d'ailleurs claqué la porte des Etats généraux de modernisation du droit de l'environnement en septembre 2013 pour ce motif, rattrapée ensuite par le ministre de l'Ecologie lui-même qui s'était fendu d'un communiqué invitant la fédération d'associations "à retrouver la place qui est la sienne dans le dialogue environnemental".
Quel est le problème ? L'extension du nouveau régime aux installations d'élevage interpelle dans la mesure où l'impact de ces installations n'est pas maîtrisé et connu à l'avance comme peut l'être celui d'un entrepôt. En effet, si l'installation d'élevage en tant que telle est relativement standardisée et pourrait, à ce titre, justifier le régime d'enregistrement, la problématique d'élimination des effluents, qui nécessite une vaste zone d'épandage avec des impacts variables selon les milieux et les quantités épandues, pose question.
"La philosophie du régime est bien de n'intégrer que les rubriques pour lesquelles les impacts sont connus et peuvent être maîtrisés par le respect des prescriptions générales, dans le cas contraire il existe un risque de dévoiement du régime", alertait en mai 2013 le groupe de travail sur l'évaluation du régime d'enregistrement constitué au sein du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT). Dans un avis adopté le 28 mai, ce dernier prenait acte de la conclusion du groupe de travail selon laquelle "l'extension du régime de l'enregistrement à de nouvelles rubriques de la nomenclature des installations classées devait faire l'objet d'une vigilance particulière".
La conformité à la directive "étude d'impact" en question
Le président du CSPRT, Jacques Vernier, a lui-même estimé lors de la réunion du 28 mai 2013 "qu'en soumettant les élevages porcins importants à la procédure d'enregistrement, un principe fondamental de ce régime [était] transgressé". En effet, a-t-il ajouté, "un élevage porcin important aura forcément un impact sur le milieu dans lequel il se trouve".
"L'annexe 3 de la directive de 1985 (recodifiée en 2011) sur les études d'impact prévoit expressément de ne pas appliquer le régime d'enregistrement dans une zone sensible sur le plan environnemental", ajoutait Raymond Léost pour FNE.
La sensibilité environnementale des zones géographiques susceptibles d'être affectées par le projet doit être considérée en prenant notamment en compte la "capacité de charge de l'environnement naturel", en accordant une attention particulière aux "zones dans lesquelles les normes de qualité environnementales fixées par la législation communautaire sont déjà dépassées", prévoit en effet la directive. Ces dispositions sont d'ailleurs reprises dans la circulaire de 2010 (2) relative à la mise en œuvre du régime d'enregistrement.
Difficile de ne pas penser aux zones vulnérables aux nitrates. "Depuis 2000, plus de 10% de toutes les stations de mesure relèvent à chaque fois des taux de nitrate supérieurs à 50 mg/l dans les eaux souterraines", rappelle l'avocat général de la Cour de justice de l'UE dans ses conclusions du 16 janvier 2014 par lesquelles il demande une nouvelle condamnation de la France.
La solution dans le basculement en procédure d'autorisation ?
Jérôme Goellner, chef du service des risques technologiques au ministère de l'Ecologie, qui précise que l'extension du régime d'enregistrement aux élevages n'était à l'origine pas une idée du ministère, reconnaît qu'un débat nourri a eu lieu sur la question. "Mais le débat a été tranché par le Gouvernement", ajoute-t-il, et la question délicate des plans d'épandage peut être réglée par la possibilité de basculement en procédure d'autorisation donnée aux préfets. Ce qui implique alors la production d'une étude d'impact.
"Dans les zones sensibles, la question du basculement va se poser beaucoup plus fréquemment", indique le représentant de l'Etat. Une circulaire portant sur ce point est d'ailleurs en préparation.
"Encore faut-il que les préfets aient les données environnementales pour décider d'un tel basculement, réagit Gabriel Ullmann. Or, ils n'ont rien", ajoute l'expert indépendant, qui a participé au groupe de travail chargé d'évaluer le régime d'enregistrement. Ce dernier dénonce "l'indigence du dossier d'enregistrement", qui ne reprend pas les dispositions relatives à l'examen "au cas par cas" prévues par la directive "étude d'impact".
En tout état de cause, les projets de nouveaux élevages porcins ou d'extensions d'élevages existants n'ont pas fini de faire parler d'eux, en particulier dans les zones vulnérables aux nitrates. Le tout sur fond de grogne des bonnets rouges bretons….