« Avec la crise de l'énergie et les contraintes réglementaires, les coûts ont explosé, a souligné Danielle Mametz, vice-présidente de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) et de Noréade, la régie d'eau de la communauté de communes Flandres Lys (Nord et Pas-de-Calais), à l'occasion d'un point presse de France Eau publique (FEP), mardi 26 mars. Nous nous retrouvons face à un mur d'investissements. » Ceci dans un contexte de réduction des consommations d'eau, et donc des recettes des services eau et assainissement. Et une nécessité d'adaptation devant la fréquence accrue des événements extrêmes (inondations et sécheresses).
Afin de maintenir l'équilibre, le réseau de collectivités appelle de ses vœux des évolutions dans les modalités de financement. Tout en consolidant les principes fondateurs de la gestion de l'eau. « Nous souhaitons réaffirmer les principes de l'eau paie l'eau, mais aussi la responsabilité du pollueur-payeur – y compris historique, car l'eau brute s'est dégradée du fait de pratiques qui n'ont plus lieu d'être », a posé en préalable Christophe Lime, vice-président chargé de l'eau et de l'assainissement à Grand Besançon Métropole et président de France Eau publique.
Le réseau attend notamment la création d'une redevance « pour atteinte à la biodiversité ». « C'était un engagement, mais il n'y a pas eu de mise en œuvre », regrette Hervé Paul, vice-président de la FNCCR chargé du cycle de l'eau et vice-président de la Métropole Nice-Côte-d'Azur. En attendant que cette mesure soit opérationnelle, les collectivités demandent à l'État de maintenir la dotation budgétaire octroyée aux agences de l'eau.
Médicaments, microplastiques, PFAS, etc. : couvrir 80 % des coûts de traitement
Par ailleurs, France Eau publique souhaite que la redevance pour pollutions diffuses prenne en compte, comme le prévoit la future directive européenne Eaux résiduaires urbaines, les médicaments et les cosmétiques, mais également des contaminants tels que les microplastiques, les PFAS ou encore les détergents. L'objectif ? Couvrir au moins 80 % de leurs coûts de traitement pour l'eau potable ou l'assainissement.
Autre sujet d'inquiétude pour les collectivités : le désengagement du ministère de l'Agriculture dans le paiement des mesures agroenvironnementales (Maec) aux agriculteurs. Car dans le même temps, le Plan eau prévoit le financement des Maec par les agences de l'eau, avec également un soutien à l'agriculture bio dans les aires d'alimentation des captages. Ce soutien financier supplémentaire impliquera pour certaines agences l'arrêt ou la baisse des soutiens à d'autres opérations ou nécessitera une hausse des redevances. Car la part représentée par cette nouvelle aide peut s'avérer conséquente. « L'agence de l'eau Loire-Bretagne, sur un budget de 380 millions d'euros, vient de voter 119 millions consacrés à l'agriculture bio et aux Maec », précise ainsi Thierry Burlot, président du comité de bassin Loire-Bretagne, dans un post Linkedin. Dans un autre message, il indique que « l'équation financière était et reste très délicate (…). Il faudra faire des choix. »
La fausse bonne idée de la généralisation de la tarification progressive
Parmi les mesures mises en avant par le Plan eau figure la tarification progressive, grâce à laquelle le tarif de l'eau augmente avec la consommation. Pour France eau publique, cette piste ne doit pas être imposée de manière uniforme sur l'ensemble du territoire. FEP souhaite que des réponses adaptées au contexte local puissent être proposées. « Le portrait socio-économique de notre territoire, c'est 50 % de ménages composés d'une seule personne et 60 % d'habitat collectif sans compteur individuel, illustre Sylvie Cassou-Schotte, présidente de la régie de l'eau Bordeaux Métropole, qui a testé à partir de 2014 une tarification sociale de l'eau. Ces personnes étaient facturées avec le tarif de l'eau de la dernière tranche, le plus élevé, c'était injuste. Nous défendons l'expérimentation. » Bordeaux Métropole a décidé de revenir à un tarif unique tout en réduisant la part fixe de la facture et en adaptant la part variable pour inciter à la sobriété.
Pour permettre l'expérimentation, FEP demande que la palette d'outils pour ajuster le modèle tarifaire soit élargie. Ainsi, l'idée serait de rendre possible une tarification adaptée à la fluctuation de la population pour tous les territoires et de faire contribuer les habitants saisonniers au financement du service à travers un déplafonnement de la part fixe.
Concernant l'accès social à l'eau, les collectivités regrettent le blocage du projet de décret relatif à la transmission par les organismes sociaux des données personnelles. La connaissance des revenus et la composition des ménages sont les deux éléments nécessaires à la mise en œuvre des mesures d'aide au paiement des factures d'eau. De la même manière, connaître le nombre de personnes par foyer permettrait de développer la tarification progressive.
Autres pistes : mettre en place des outils pour faciliter la comptabilisation de l'eau usée « alternative » utilisée à l'intérieur des immeubles. De la même manière, FEP souhaite que soient pris en compte les usagers intermittents qui se tournent vers l'eau potable en cas de tarissement de leurs ressources alternatives (puits ou forages privés, citernes d'eau de pluie, etc.) ou de dysfonctionnements de leurs équipements. « Ce service assuranciel devrait pouvoir également faire l'objet d'une tarification ad hoc, reposant sur une partie fixe plus importante et/ou d'un tarif plus important dès le premier mètre cube », estime FEP.
Par ailleurs, la déclaration de ces puits ou forages privés devraient être fiabilisée. « Il serait également plus équitable que les prélèvements ainsi réalisés soient soumis aux mêmes redevances des agences de l'eau que les usages de l'eau potable, interpelle FEP. D'autant que, dans de nombreux cas, ce recours à des eaux alternatives n'est absolument pas vertueux en termes d'économies d'eau. »