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Actu-Environnement

“Le prix bas du pétrole pose la question de la soutenabilité de la stratégie énergétique européenne”

C'est dans un contexte tendu que se réuniront à Vienne, le 27 novembre, les pays exportateurs de pétrole. Alors qu'il stagnait depuis trois ans autour de 100 dollars le baril, le prix du pétrole a chuté en deçà de 80$. Retour sur les raisons, les enjeux et les conséquences d'une telle situation.

Interview  |  Energie  |    |  S. Fabrégat
   
“Le prix bas du pétrole pose la question de la soutenabilité de la stratégie énergétique européenne”
Cécile Maisonneuve
Conseiller Energie à l'Institut français des relations internationales (Ifri)
   

Actu-Environnement : Le prix du baril de pétrole est repassé en dessous de 80$… Qu'est-ce qui explique ce phénomène ?

Cécile Maisonneuve : Depuis le mois de juin, le prix du baril de pétrole a chuté de près de 30%. Cette baisse est liée à un excès de l'offre et un affaiblissement de la demande. Les Etats-Unis produisent toujours plus de pétrole de schiste. S'ils ne l'exportent pas, cela les conduit à en importer beaucoup moins. On aurait pu s'attendre à ce que les pays de l'Opep (1) compensent cette moindre demande par une baisse de leur propre production mais, pour l'instant, ils n'en font rien. L'Arabie saoudite a même augmenté sa production au cours du troisième trimestre.

Parallèlement, la demande baisse. En Europe, depuis la crise de 2008, la consommation de pétrole est en chute continue. Mais ce qui est nouveau, c'est que la croissance de la demande fléchit également dans les pays émergents, notamment en Chine.

AE : Est-ce que cette situation va perdurer ?

CM : Selon les projections, la demande devrait rester atone en 2015. Ce qui pourrait changer les choses, c'est que l'Opep revoie ses quotas.Il y a un véritable débat interne, un certain nombre de membres de l'Opep le demandent. Tout dépend de la capacité des pays à équilibrer leur budget en fonction du prix du baril.

Mais les Saoudiens, dont le rôle est prédominant, ne souhaitent pas réduire leur production. L'Arabie saoudite veut conserver ses parts de marché, sécuriser la demande. Il existe par ailleurs un certain nombre de supputations sur les raisons extra-énergétiques de cette baisse du prix du pétrole. De fait, cette situation affaiblit un certain nombre de pays : la Russie couvre ses coûts budgétaires avec un baril à 114$, chiffre plus élevé encore pour l'Iran et le Vénézuela. L'Arabie saoudite et les Etats-Unis notamment trouvent un intérêt géopolitique dans cet affaiblissement. Enfin, le prix actuel du baril permet tout juste, voire remet en cause la rentabilité du gaz et pétrole de schiste américain.

AE : Ce prix bas risque-t-il d'avoir un effet sur les stratégies énergétiques des pays consommateurs, et notamment sur l'Europe ?

CM : Pour l'Union européenne, cette baisse a un double effet, positif et négatif. Tout d'abord, elle va permettre d'alléger la facture énergétique, qui se compte en centaines de milliards d'euros - 66 milliards pour la France en 2013… Outre la facture pétrolière, la facture gazière pourrait aussi être tirée à la baisse avec les contrats gaziers indexés sur les prix du pétrole.

En revanche, alors que globalement l'Europe a fait le pari d'une stratégie de l'énergie chère pour faire évoluer son mix de production vers des énergies bas carbone, la question se pose de la soutenabilité de cette ligne dans la situation actuelle. Si cette baisse est durable, faudra-t-il revoir le rythme d'évolution des mix énergétiques ? Cette situation demande un volontarisme beaucoup plus fort et une capacité des politiques à faire de la pédagogie : comment expliquer que le coût de l'énergie augmente alors que le prix du baril de pétrole baisse ?

AE : Certains observateurs pensent qu'à un an du sommet mondial sur le climat, un prix bas du pétrole peut infléchir les ambitions…

CM : Il est évident qu'un certain nombre de grands producteurs d'hydrocarbures n'a objectivement pas intérêt à une réussite des négociations sur le climat. C'est le cas de l'Australie, qui a accepté avec réticence de voir figurer le sujet climatique dans le communiqué final du récent sommet du G20, de la Russie, du Canada, des pétromonarchies… Certes, il y a une dynamique négative pour la négociation climatique avec la baisse du prix du pétrole, mais il y a également une dynamique positive avec l'accord récent signé entre la Chine et les Etats-Unis. Ce sont les deux plus gros émetteurs de gaz à effet de serre et ils ont à leur disposition sur leurs territoires des énergies fossiles à foison. Malgré tout, ils affichent une détermination à aller de l'avant. Il faut saluer ce volontarisme et l'accompagner.

La Chine n'a pas le choix : ce n'est pour elle pas une question de changement climatique en 2050 mais une condition de croissance et de bien-être. Ses grandes villes deviennent invivables. Pour les Chinois, c'est un sujet de court et moyen terme.

AE : La mise en place d'un signal prix sur le carbone est-elle indispensable dans un contexte de chute des prix des énergies fossiles ?

CM : Si le charbon (2) se développe en Europe, ce n'est pas seulement parce qu'il y en a beaucoup sur le marché, c'est surtout parce que le marché carbone ne fonctionne pas. Il faut un signal prix clair pour les investisseurs dans les technologies bas carbone. La Chine a mis en place plusieurs marchés carbone. Aux Etats-Unis, des initiatives se mettent en place à l'échelle des Etats ou des villes.

1. Organisation des pays exportateurs de pétrole2. Consulter notre dossier sur le charbon
https://www.actu-environnement.com/ae/dossiers/energie-fossile-charbon/energie-fossile-charbon.php4

Réactions16 réactions à cet article

Pétrole moins cher,prix de l'énergie stable = plus de moyens pour financer la transition , c'est une bonne nouvelle si l'argent va au bon endroit ce qui n'est pas du tout garanti

lio | 26 novembre 2014 à 12h04 Signaler un contenu inapproprié

C'est quoi la transition?

ITC78 | 26 novembre 2014 à 13h54 Signaler un contenu inapproprié

Comme si on se rendait compte seulement maintenant que la hausse régulière du prix du pétrole ne s'accompagnait pas de temps en temps de période de baisse. Il y a seulement 10 ans le pétrole était à 20$ le baril... Donc bon "pas cher" à 75 $, il faut oser nous la faire...

Et arrêtez avec la propagande de l'industrie du gaz. Il n'y a pas non plus de développement du charbon en Europe mais une baisse du gaz avec un maintien du charbon... Ca fait pas plaisir au vendeur de gaz qui préférerait voir le charbon baisser avant eaux mais dans tous les cas il faudra bien qu'on se débarrasse de l'un ET de l'autre, il faut commencer quelque part...

Redux | 26 novembre 2014 à 14h51 Signaler un contenu inapproprié

Transition = changement de paradigme énergétique ! ITC78 sortira peut être de sa grotte un jour...Par rapport à cet interview, peut on penser que l'état va se débrouiller pour récupérer ce qu'il avait investi pour maintenir le prix du carburant à la pompe en 2013? On peut penser que le prix du pétrole ne changera pas foncièrement pour nous. Et donc que globalement, grâce à cette politique, les soubresauts de cette industrie seront lissés.

david.b | 27 novembre 2014 à 09h41 Signaler un contenu inapproprié

Quelque soit l'évolution du signal prix, on ne doit pas s'y fier.

LA question essentielle est la question de la disponibilité de la ressource (cf site de JM JANCOVICI).

Le pic pétrolier est franchi depuis 2008 (AIE) et comme le rythme de production est à un maximum alors que la consommation ne va décliner très longtemps (à cause entre autre de la Chine de de l'Inde), cela veut dire que la quantité d'énergie fossile par habitant continue de diminuer à la surface de la terre.

La transition énergétique qui est avant tout une transition de mode de civilisation (l'énergie étant indispensable à tout process à la surface de la terre) fait qu'on ne pourra pas conserver éternellement 200 esclaves énergétique à notre service donc il faudra évoluer vers la "frugalité joyeuse" concept cher à Michel Rocard.

La question est de combien de temps disposons nous pour faire cette transition sans trop de heurs (il y en aura je vous l'assure) tout en conservant un niveau de confort acceptable et en acceptant de dire non à l'hyper-activité et à la civilisation du "toujours plus" et de la surenchère permanente de toute sorte...

Comme le disait Blaise Pascal "tout le malheur des hommes vient d'une seule chose qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre"

Geronimo | 27 novembre 2014 à 11h02 Signaler un contenu inapproprié

@david.b
Changement de "paradigme énergétique" dites vous, mais sortir de ma grotte pour aller où ?
Geronimo essaye de poser le problème en mettant une perspective de temps, mais pour aller où?
Les perspectives plus d'impôts pour une régression sociale assurée.
A contrario parler de 2050 c'est se positionner en 1974 pour imaginer 2014. ou en 1950 pour imaginer 1986 ou encore 1914 pour imaginer 1950...
Moins de dépenses inutiles et plus de bien être pour les gens serait déjà un bon programme et consensuel.
Je rêve dans ma grotte et une éolienne ne me serait d'aucune utilité

ITC78 | 27 novembre 2014 à 13h30 Signaler un contenu inapproprié

Quelle est l'a réelle influence des "vertueux" marchés du carbone? Ils ne fonctionnent pas et de Perthuis lui-même, du haut de sa chaire à Dauphine, nous dit que pour fonctionner, ce marché doit être mondial.
La politique d'énergie chère de l'UE, derrière cette façade de vertu, n'existe tout simplement pas et pour plusieurs raisons:
1. chaque Etat-membre fait ce qu'il veut et pour information, la vertueuse Allemagne a pris l'option d'une énergie très chère pour ses citoyens et d'une énergie très bon marché pour son industrie. Pas con, le résultat est qu'elle taille des croupières à toutes ses concurrentes, notamment la française.
2. La notion de marché carbone ne tient pas le pavé, surtout si on tombe dans le panneau des chinois et états-uniens dont l'engagement est une communication fort habile: pas de réduction absolue mais un simple engagement de réduction de l'intensité. Pas con non plus, sachant qu'ils attendent le suicide industriel de l'UE, dont les fonctionnaires tablent sur une réduction absolue, avec un plein succès: il n'y aura bientôt plus d'industrie en Europe.
3. La c****rie cocardière française est manifeste: avec nos 1% des émissions mondiales, nous organisons encore un "sommet de la dernière chance", la COP 21. Ouvrez vos oreilles, vous allez en entendre, des conneries, d'ici cet grandiose événement... Les seuls qui ne risquent pas leurs jobs: de Perthuis, Tubiana et consorts, sous l'ombre de l'archange Nicolas Hulot, dont le bilan d'émissions personnelles dé

Albatros | 27 novembre 2014 à 14h06 Signaler un contenu inapproprié

Suite
... le bilan d'émission personnel des vedettes du climat (Hulot et consorts) dépasse celui de pans entiers d'une industrie, voire d'un pays.
Agitation n'est pas action.

Albatros | 27 novembre 2014 à 14h27 Signaler un contenu inapproprié

Comme le dit david.b, comme on a pris l'habitude de payer cher à la pompe, j'espère que notre gouvernement va saisir l'occasion pour maintenir stables ces prix de vente et récupérer la différence (TIPP) pour rembourser la dette.

Jean-Claude Herrenschmidt | 27 novembre 2014 à 16h25 Signaler un contenu inapproprié

A ITC 78 je serai tenté de dire : le moins loin possible puisque tout déplacement (même la marche à pied) fait émettre du CO2.
Plus sérieusement, le futur est à inventer pour tout le monde et par tout le monde.

Mais ce qui est sûr c'est qu'il faudra faire avec beaucoup moins d'énergie facilement accessible comme ce qu'on avait depuis le début de la révolution industrielle.
Il a un auteur qui a sorti un bouquin en 2014 qui dit simplement qu'il faudra se concentrer sur les industries et les techniques essentielles à la survie humaine (je n'ai pas lu le bouquin donc je ne peux vous en dire plus) ce qui semble tout à fait censé. Si on mesurait tout ce qu'on fait de superflu aujourd'hui simplement pour "faire de l'emploi" alors qu'on sait très bien que ce n'est pas soutenable sur le long terme (et donc qu'à moment il faudra bien faire autre chose) on aura déjà fait un grand pas en avant.
Commençons déjà par faire en sorte que tout le monde ait un toit et à manger dans tous les pays du monde et on évitera bien des désastres sociaux y compris en Europe ou en France.
Il y avait un slogan qui disait "le progrès ne vaut que s'il est partagé par tous". Le problème aujourd'hui c'est que la croissance des inégalités n'incite pas à la sagesse et l'ubris (la démesure) nous guette à chaque instant. Faisons déjà des choses simples que l'on sait faire et dont on a réellement besoin.

Geronimo | 27 novembre 2014 à 16h45 Signaler un contenu inapproprié

"comment expliquer que le coût de l'énergie augmente alors que le prix du baril de pétrole baisse ?" ... et bien pour réduire les émissions de gaz à effet de serre !

eric74 | 28 novembre 2014 à 15h27 Signaler un contenu inapproprié

La question est sur la soutenabilité de la stratégie énergétique européenne bien entendu ...mais aussi et surtout sur les choix de technologies de production ...et effectivement avec par exemple les éoliennes qui produisent que 25 % du temps ( soit 25% de leur capacité puissance ) c'est encore plus insoutenable ...servent à rien ou presque .

carl | 28 novembre 2014 à 18h26 Signaler un contenu inapproprié

Le prix du brut a chuté à 40$ en 2008 avec un plus bas à 32$, après un plus haut à 145$ quelques mois plus tôt, quelqu'un s'en souvient?

JFK | 01 décembre 2014 à 11h02 Signaler un contenu inapproprié

La question du prix de l'énergie à un niveau macro-économique importe finalement assez peu. Il y a des tas de systèmes pour amortir ses variations et on ne peut pas dire que notre niveau de vie ait grandement diminué depuis le premier choc pétrolier dans les pays de l'OCDE puisqu'on a fait de la dette pour compenser l'augmentation du prix de l' énergie.

Par contre c'est la taille du réservoir qui compte : si on a consommé plus de la moitié des réserves fossiles en moyenne à l'échelle de la planète, cela ne sert à rien de déplorer que les éoliennes ne produisent que la moitié ou 10% du temps, il faudra bien faire avec les technologies de production d'énergie dont on dispose. Ce qui est sûr, c'est que la quantité d'énergie disponible par habitant va d'effondrer dans les années à venir (ce qui a déjà commencé depuis 2005) et que la dette ne pourra plus compenser cela pour maintenir un système macro-économique complètement dépendant d'un niveau de consommation d'énergie très élevé.

Le facteur 4 que l'on nous propose pour les EGES en 2050 en France (division des émissions de gaz à effet de serre par 4 par rapport à 2003) sera donc de toute façon atteint qu'on le veuille ou non et comme 80% de l'énergie qu'on utilise est fossile....

En 40 ans, l'efficacité des processus industriels a progressé de 40% environ, donc il faudra bien réduire la voilure.

Les bénéfices : un bonheur moins dépendant du matériel et plus spirituel avec beaucoup plus de temps libre....

Geronimo | 01 décembre 2014 à 11h45 Signaler un contenu inapproprié

Quelqu'un pourrait-il m'expliquer à quoi correspond le graphique ? et à partir de quoi est il fait

Merci d'avance :)

nono | 20 décembre 2014 à 22h57 Signaler un contenu inapproprié

@nono
Allez voir sur Internet : MOMR nov 2014 , (MOMR = Monthly Oil Market Report). C'est le n° de ce mensuel d'où est extrait ce graphique. Vous trouverez toutes les réponses à vos questions… et bien d'autres.

Jean-Claude Herrenschmidt | 22 décembre 2014 à 18h04 Signaler un contenu inapproprié

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