Quid de l'oeuf ou de la poule ? Pour ne pas tomber dans cette impasse, la France a placé au coeur de sa stratégie hydrogène la notion de « hubs » ou « écosystèmes» territoriaux. Le principe est de travailler à la fois sur des projets de production et des projets de consommation d'hydrogène au sein des territoires. Car si les producteurs ne trouvent pas preneur, les projets ne se montent pas. « Pour structurer cette filière, l'approche par écosystème, ou bassin de consommation mixant différents usages, est une première étape pour permettre, à terme, la massification de la demande en hydrogène décarboné, régulièrement mise en avant par les acteurs de la filière, et reprise par le plan hydrogène national », estime le cabinet de conseil EY.
Un appel à projets dédié
C'est ce principe qui guide depuis plusieurs années les appels à projets (AAP) gérés par l'Ademe. En 2020, dans le droit fil du premier plan hydrogène de 100 millions d'euros de Nicolas Hulot, alors ministre de l'Environnement, l'agence a sélectionné 5 projets destinés à l'industrie et 20 projets dans la mobilité. Cet appel à projets « hubs territoriaux d'hydrogène » a été fortement renforcé depuis, suite à l'adoption de la stratégie nationale. Lors d'une session d'octobre 2020, 7 autres projets ont été présélectionnés pour soutenir la production par électrolyse et la mobilité hydrogène. « Le but est de soutenir des consortiums réunissant des collectivités et des industriels fournisseurs de solutions, d'écosystèmes territoriaux de grande envergure regroupant différents usages (industrie et mobilité), pour favoriser au maximum des économies d'échelle », explique le ministère de la Transition écologique, qui a octroyé à l'Ademe un budget de 275 millions d'euros d'ici 2023 dans ce cadre. « Il faut des projets ambitieux avec des volumes et de la concrétisation », rappelle Arnaud Leroy, président de l'Ademe. Et pour cela, l'agence peut compter sur le soutien politique des collectivités.
Un soutien politique au rendez-vous
Plusieurs régions se sont positionnées très rapidement sur l'hydrogène : « On voit un élan dans plusieurs régions de France avec des stratégies et feuilles de route avec des montants très conséquents. Cela va être très utile dans la phase qui s'ouvre maintenant pour créer ces écosystèmes territoriaux d'envergure, mutualiser les usages et les besoins, réduire les coûts et permettre l'accès à l'hydrogène au plus grand nombre », estime Philippe Boucly, président de France Hydrogène.
Résultats : des projets prometteurs
Cette dynamique enclenchée il y a plusieurs années donne ses premiers résultats avec des projets qui sortent de terre. « À Belfort, les sept premiers bus à hydrogène arriveront cette année, avant l'ensemble de la flotte en 2023, explique Damien Meslot, Maire de Belfort et président du Grand Belfort. Je viens d'octroyer un permis de construire à l'entreprise Rougeot Énergie pour la construction, à Fontaine, du premier centre d'essais et de certifications des systèmes de stockage hydrogène de France, baptisé Isthy ». La région Bourgogne-Franche-Comté accueille également le centre d'expertise mondial de Faurecia sur les réservoirs à hydrogène. « Situé à Bavans et représentant un investissementtotal de 25 millions d'euros, ce centre d'expertise vise à développer des systèmes de stockage à hydrogène légers et compétitifs en divisant les coûts par 5, voire par 10 pour certains stockages », explique Christophe Aufrère, responsable technique chez Faurecia.
La Bretagne vient, quant à elle, de lancer la deuxième édition de son appel à projet régional « Boucles territoriales hydrogène renouvelable ». La première édition avait permis de sélectionner cinq projets dits « débutants », c'est-à-dire nécessitant une première phase d'étude préalable. Le prochain AAP est prévu du 1er mars au 31 mai 2021. Il inclut un nouveau critère incitant les porteurs à investir l'équivalent de 1 % du coût du projet dans des actions en faveur de la préservation et de l'amélioration de la biodiversité. La feuille de route bretonne fixe, parmi ses objectifs à atteindre à l'horizon 2030, la mise en oeuvre de 8 boucles territoriales hydrogène renouvelable et bas carbone (d'au moins 200 kg H2/j/site). « Il s'agit de répondre aux objectifs de la Breizh Cop : de réduire par 4 nos émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050, de diminuer la part des carburants fossiles dans le domaine du transport notamment, d'intégrer des productions d'énergies renouvelables et décarbonées en lien avec les technologies de stockage, d'assurer l'autonomie énergétique des territoires », précise le Président de Région Loïg Chesnais-Girard.