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Actu-Environnement

« Nous sommes en train d'inventer la planification maritime participative »

Le 20 novembre, la Commission nationale du débat public a lancé une consultation sur la planification écologique des quatre façades maritimes hexagonales. Son vice-président, Floran Augagneur, qui préside ce débat, fait le point avant l'échéance.

Interview  |  Energie  |    |  F. Gouty
   
« Nous sommes en train d'inventer la planification maritime participative »
Floran Augagneur
Vice-président de la CNDP
   

Actu-Environnement : Ce débat public se terminera le 26 avril. Comment s'est-il déroulé jusqu'à présent ?

Floran Augagneur : Jusqu'à maintenant le débat s'est bien déroulé. Plus de 200 événements ont été organisés tout le long du littoral et ont été extrêmement variés afin de toucher différents publics. Compte tenu de la magnitude du sujet et du nombre de participants attendus, nous avons également tenté d'innover, notamment avec « la mer en 3D ».

Ce débat s'est inspiré de la méthode « 3D » des assemblées citoyennes, qui ont été organisées en même temps sur les mêmes sujets sur plusieurs continents à l'occasion de la COP21 en 2015. Le 16 mars, nous avons constitué cinq assemblées, une dans chaque façade maritime et une à Lyon pour avoir le point de vue de personnes qui ne vivent pas sur le littoral. Les cinq groupes ont discuté du même sujet, selon la même méthode afin de comparer les résultats. Chaque assemblée était constituée pour moitié d'anciens participants aux événements du débat, tirés au sort, d'un quart de représentants des parties prenantes (pêcheurs, énergéticiens, etc.) et d'un quart de public dit « éloigné des sphères de décision », par le biais d'un réseau associatif. Puis le 6 avril, nous avons croiser leurs regards. Plusieurs centaines de propositions ont été émises et ont été confrontées à l'avis des autres façades, à l'avis des scientifiques et à celui des parties prenantes présentes. Et nous en tirerons les leçons dans notre rapport de synthèse.

AE : Rencontrez-vous des points de blocage ?

FA : Il n'y a pas de « blocage » à proprement parler, mais il est vrai que l'on constate de la défiance. Une question revient souvent : la parole du public sera-t-elle vraiment prise en compte ? Cette défiance s'est développée depuis la faiblesse des retombées, mises sous les projecteurs, du Grand Débat national de 2019 et de la Convention citoyenne pour climat 2020. « La mer en débat » est issue d'une réforme législative, apportée par la loi d'accélération des énergies renouvelables (AER ou Aper) de mars 2023, qui situe la procédure du débat public le plus en amont possible dans le processus décisionnel. En l'occurrence, en ce qui concerne le sujet de l'éolien en mer, son éventuelle localisation n'est pas encore identifiée. Mais la défiance reste importante. Par exemple, le manque des retours d'expérience sur les fermes éoliennes pilotes en mer Méditerranée, alors que l'État s'était engagé à les fournir avant toute décision, n'aide pas à créer la confiance des participants.

En outre, l'enjeu de l'accès à l'information reste aussi prégnant que lors des précédents débats sur l'éolien offshore. La mer est un espace moins connu que la terre. La difficulté pour le public est d'accéder à l'information la plus pertinente, de manière lisible et en adéquation avec d'autres aspects interconnectés. C'est pour cela que, dès la préparation de ce débat public, nous avons été accompagnés par plusieurs scientifiques capables de transmettre les informations nécessaires au public : Joachim Claudet, directeur du Centre de recherches insulaires et observatoire de l'environnement (Criobe) du CNRS et président du Comité spécialisé pour la recherche marine, maritime et littorale (Comer) ; Brice Trouillet, chercheur spécialisé dans la planification spatiale marine de l'université de Nantes ; ou encore Françoise Gaill, chercheuse émérite du CNRS et experte des écosystèmes marins profonds et de l'adaptation aux milieux extrêmes.

AE : Autrement, qu'est-ce qui, selon vous, peut faire la différence avec ce débat par rapport aux consultations passées ?

FA : Il faut savoir que « La mer en débat » est le résultat de quinze années de débats publics sur l'éolien en mer qui, jusqu'ici, étaient organisés en silo – à savoir, projet de parc par projet de parc. Ce nouveau débat est le premier à rassembler et confronter les enjeux de transition énergétique – sur l'éolien en mer, mais aussi sur le raccordement à terre – au partage de l'espace et des usages de la mer en métropole, qui implique aussi bien la pêche que la protection de l'environnement marin. Alors certes, chaque sujet évoqué aurait pu faire l'objet de sa propre consultation publique, mais – et c'était une demande du public – il était nécessaire d'ouvrir la planification générale de l'espace maritime au débat. Ne serait-ce que pour sensibiliser les participants aux enjeux spécifiques de ces espaces marins dont le bon état écologique doit être atteint. Et sur ce point, le débat a déjà tenu sa promesse.

En cela, à mon sens, on est en train d'inventer ici la planification maritime participative. Ce débat lance une forme de démocratie participative de la mer qui est amenée à se poursuivre, d'abord à travers la concertation continue qui suivra, puis à chaque prochain cycle de révision des documents stratégiques de façade (DSF), au gré de l'amélioration de nos connaissances scientifiques et des travaux de prospective. Il ne manque plus qu'à en faire de même pour la planification terrestre.

AE : Plusieurs associations de protection de l'environnement souhaitent cependant déposer un recours contre les DSF à la sortie de ce débat public. La CNDP a-t-elle évoqué ce sujet avec les participants ?

FA : Précisons que leur recours ne se dirige pas contre la CNDP ou le débat public en question. Pour conserver cette position de neutralité, nous les avons invitées à intervenir lors de l'un de nos événements délibératifs pour exprimer leurs points de vue sur les propositions du Gouvernement sur lesquelles se basent la révision des DSF au cœur du débat.

AE : Les syndicats des énergies renouvelables et les représentants du secteur de la pêche ont aussi présenté leurs propres propositions cartographiques. Ce millefeuille d'intérêts différents ne finit-il pas par troubler les participants au débat ?

FA : Au contraire, cela les éclaire sur les différentes positions des parties prenantes et leur offre plus de possibilités à discuter. Ces propositions cartographiques sont venues alimenter les échanges. L'État a aussi produit au compte-goutte des « cartes à enjeux » pour chaque façade. Tout le monde a pu ainsi voir les différentes préférences spatiales, en fonction des intérêts des acteurs ou des critères mis en avant, et se prononcer sur ses propres priorités, parfois inexplorées par les parties prenantes.

AE : Par quoi ce débat sera-t-il suivi, une fois qu'il arrivera à son terme ?

FA : Nous publierons d'abord notre rapport de synthèse final, avec les observations et propositions des participants, avant le 26 juin. Nous ferons également des recommandations sur l'information et la participation du public. Le Gouvernement et RTE – les deux maîtres d'ouvrage – auront trois mois pour répondre publiquement à ce compte rendu. Tout le monde pourra ainsi constater comment la parole du public aura été prise en considération par les décideurs.

Un processus de concertation continue s'enclenchera ensuite, en parallèle des évaluations du projet de révision de chaque DSF par l'Autorité environnementale (Ae). L'adoption définitive des DSF révisés devrait advenir au début de l'année 2025. Et pour finir, nous attendons que la CNDP soit saisie pour débattre du futur projet de Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) pour les années à venir.

Réactions1 réaction à cet article

" Nous sommes en train d'inventer la planification maritime participative "
Quel manque d'humilité !

Pragmatique | 15 avril 2024 à 09h46 Signaler un contenu inapproprié

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