C'est un nouvel instrument judiciaire que l'association Bloom, spécialisée dans la protection des océans, a actionné en vue d'ouvrir une enquête sur les fraudes qu'auraient commises les pêcheurs industriels et l'État néerlandais. Elle a en effet effectué un signalement auprès du Parquet européen, un organe indépendant de l'UE chargé depuis le 1er juin 2021 d'enquêter et d'engager des poursuites contre les auteurs d'infractions pénales portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union. La France a promulgué le 24 décembre 2020 une loi qui a adapté la procédure pénale française à cette nouvelle autorité judiciaire.
Ce signalement s'appuie sur une enquête de Bloom et de Médiapart selon laquelle plus de 95 % des navires néerlandais ayant reçu une subvention liée à la crise du Covid auraient triché et perçu indûment 5,8 millions d'euros entre le 15 mai et le 3 décembre 2020. « La complicité du gouvernement néerlandais envers sa flotte de pêche industrielle est flagrante », estime Bloom. L'association pointe l'exclusion de la petite pêche artisanale des subventions et le fait que l'État ait fermé les yeux sur le non-respect par les navires des critères d'attribution des subventions. L'enveloppe aurait bénéficié presque exclusivement à des chalutiers à perche ou à panneau, ou à des senneurs démersaux, techniques de pêche « les plus destructrices pour la biodiversité marine, le climat et les emplois », explique l'ONG.
« La création du nouveau Parquet européen est une formidable opportunité pour Bloom de demander l'intégrité et l'équité du financement public de la pêche, estime Laetitia Bisiaux, co-autrice de l'enquête. Les outils dépendants de la Commission européenne tels que l'Office européen de lutte antifraude se sont révélés inaptes à dépasser leurs conflits d'intérêts internes et à mettre fin à la corruption, aux abus ou au trafic d'influence dans le secteur de la pêche ». Reste à voir quelle suite le Parquet européen va donner à ce signalement qui a pour origine une alerte des pêcheurs français.
En 2021, Bloom avait aussi dénoncé les aides Covid versées au secteur de la pêche en France, estimant que 82,5 % des subventions avaient été versées aux navires utilisant des techniques de pêche destructrices et que 0,8 % de la flotte française avait reçu 28,5 % de l'ensemble des subventions.