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Pesticides PFAS : des substances qui échappent souvent aux règles européennes

Générations futures et Pesticide Action Network Europe mettent en avant les failles des règles européennes sur les phytosanitaires pour encadrer les PFAS pesticides. Elles demandent qu'ils intègrent la proposition de restriction européenne.

Risques  |    |  D. Laperche
Pesticides PFAS : des substances qui échappent souvent aux règles européennes

Les pesticides qui contiennent des substances alkyls per- et polyfluorées (PFAS) (1) échappent aux mailles de la raquette européenne : c'est l'alerte lancée, jeudi 9 novembre, par Générations futures à travers la publication d'un rapport (2) , réalisé avec Pesticide Action Network Europe (Pan Europe).

Résistantes à de fortes chaleurs, antiadhésives, imperméabilisantes… Les multiples propriétés de la grande famille des PFAS font que ces substances sont employées dans un grand nombre d'applications, dont des produits phytosanitaires. Avec toutefois une visibilité réduite, notamment sur ce dernier usage. « La bibliographie est pauvre et il convient d'interroger les industriels pour déterminer les pesticides concernés, les quantités vendues en France, sur quelles cultures et dans quelles régions », soulignait le rapport sur les PFAS de l'Inspection générale de l'environnement (Igedd), en décembre 2022. La proposition de restriction pour la production, l'utilisation et la mise sur le marché des PFAS à l'échelle européenne ouvre toutefois une première piste à suivre : elle dresse une liste non exhaustive de 47 « PFAS pesticides », sans toutefois les prendre en compte du fait notamment de leur encadrement européen par ailleurs.

Générations futures et Pesticide Action Network Europe se sont donc prêtées au jeu de l'analyse et du croisement des substances recensées dans cette liste avec les dossiers d'autorisation ainsi que des données sur la vente des produits phytosanitaires. Résultats : « 37 substances actives dont l'utilisation dans les pesticides est toujours autorisée en Europe sont des PFAS, soit 12 % de toutes les substances synthétiques approuvées en Europe, a souligné Pauline Cervan, chargée de mission règlementaire et scientifique chez Générations futures, lors d'un point presse. En France, ce sont 30 substances actives, soit 13 % des substances autorisées. » Et depuis 2008, les quantités de PFAS pesticides vendues en France auraient été multipliées par trois, selon les associations.

Des herbicides très persistants ou PBT en tête des ventes

Dans le top 10 des substances les plus utilisées en France figurent deux substances qui pourraient s'avérer problématiques, selon les deux ONG : le flufénacet et le diflufenican. Ces herbicides sont utilisés sur des cultures notamment de blé, d'orge et de colza. « Le flufénacet génère un métabolite, l'acide trifluoroacétique (TFA) très persistant, qui a un potentiel de migration et peut contaminer les eaux souterraines : les teneurs modélisées sont supérieures aux niveaux autorisés, de 10 mg/l, pour tous les usages, a expliqué Pauline Cervan. Depuis 2018, le difufenican est considéré comme une substance persistante, bioaccumulatrice et toxique (PBT) par la République tchèque, État membre chargé de son évaluation. »

“ Il y a des failles dans l'évaluation réalisée par les agences sanitaires, mais également dans la gestion des risques ” Pauline Cervan, Générations futures
Et leur maintien sur le marché montre les limites des règles qui régissent l'utilisation et les mises sur le marché des pesticides et plus spécifiquement des PFAS, selon les associations. « Non seulement, il y a des failles dans l'évaluation réalisée par les agences sanitaires, mais également dans la gestion des risques », a noté Pauline Cervan. Ainsi cette dernière pointe que les propriétés de persistance d'une substance ou de ses métabolites n'empêchent pas leur approbation. Autre exemple : l'arrivée très tardive des critères de définition d'un « perturbateur endocrinien » dans le règlement Pesticides a permis à certaines substances d'échapper au cadre. « Tous les dossiers de demande soumis dans le cadre de l'approbation des substances actives avant cette date ne comprennent pas de tests permettant d'évaluer si une substance est un perturbateur endocrinien, a détaillé Pauline Cervan. Ce qui concerne beaucoup de substance PFAS. »

Parmi les autres failles que dénoncent Générations futures et Pesticide Action Network Europe figurent également la manière d'évaluer les propriétés de perturbations endocriniennes. Cette évaluation se concentre sur certaines voies endocriniennes (3) . « Les autres voies, par exemple métaboliques avec la régulation des lipides, ne sont pas explorées. Or beaucoup de PFAS les perturbent, a déploré Pauline Cervan. Par ailleurs, les effets des métabolites sont très mal évalués : la toxicité chronique n'est pas prise en compte alors qu'ils sont persistants. »

Outre l'insuffisance de la prise en compte des métabolites, l'absence d'évaluation des effets cocktail ou des formulations de pesticides, les associations mettent également en lumière des prolongations des approbations, notamment en raison de retard dans les évaluations, souvent liées à des manques de données. « En théorie, le règlement sur les pesticides demande que le dossier soit complet pour autoriser une substance, a rappelé Pauline Cervan. Or une majorité des dossiers que nous avons examinés sont lacunaires et autorisés. » Et dans certains cas, l'avis de l'Efsa n'est pas suivi. « Des PFAS pesticides dans des domaines de préoccupation critiques ont été identifiés, mais pourtant les substances sont autorisées », a constaté Pauline Cervan. L'association envisage de porter des actions juridiques.

Vers une prise en compte des pesticides dans la proposition de restriction ?

« Le règlement sur les pesticides est assez ambitieux et devrait être satisfaisant, a estimé Salomé Roynel, chargée de plaidoyer et de campagne pour Pan Europe. Un des enjeux est qu'il soit mieux appliqué. » Autre demande de Générations futures et de Pan Europe : que la proposition de restriction des PFAS - qui aujourd'hui exclut les pesticides - les intègre. Et ainsi prenne en compte la persistance de ces substances. « Le fait de s'intéresser aux PFAS comme un groupe permet un effet protecteur important, a complété Salomé Roynel. Cette approche a été proposée pour la première fois pour les microplastiques. »

Enfin, elles demandent un accompagnement pour une évolution de l'agriculture qui permette réellement de réduire l'utilisation des pesticides. « Le nouveau plan écophyto est en cours, a précisé François Veillerette, porte-parole de l'association Générations Futures. Le règlement sur l'usage durable des pesticides (SUR) également… Nous ne sommes pas convaincus qu'il débouche sur quelque chose d'efficace. »

1. Lire PFAS : une pollution qui redevient visible<br /><br /><br /><br /><br />
https://www.actu-environnement.com/dossier-actu/PFAS-eau-industries-villes-reach-polluants-eternels-mousses-anti-incendie-vallee-chimie-95
2. Télécharger Pesticides PFAS, révélations
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-42904-generations-futures-pan-europe-pesticides-pfas-proposition-restriction.pdf
3. œstrogènes, androgènes, thyroïde et stéroïdogènes

Réactions1 réaction à cet article

Il y a un truc que je ne comprends pas.
Un pesticide est réglementé à ce titre, qu'il contienne du fluor ou qu'il n'en contienne pas. On étudie sa toxicité selon sa structure, ce n'est pas une nouveauté.
Là, on est en train de mélanger les deux domaines, pesticides et Pfas, en sachant que la réglementation sur les 2e composés n'en est qu'à ses débuts (l'ECHA recherche beaucoup pour le moment à ce sujet).
A moins que pour le cas où une substance est pesticide dont/ET Pfas, on souhaite à terme que ce soit la réglementation la plus restrictive qui s'applique à lui.

nimb | 13 novembre 2023 à 10h13 Signaler un contenu inapproprié

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