Ce mercredi 27 septembre, Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie, et Thomas Cazenave, ministre délégué aux Comptes publics, ont rendu leur projet de loi de finances pour l'année 2024 (1) au Conseil des ministres. Au programme : des dépenses chiffrées aux alentours de 491 milliards (en baisse de 5 Md€ par rapport à 2023) et un solde déficitaire estimé à 145 Md€ (de 20 Md€ moins lourd que l'an dernier). Pour autant, le Gouvernement ne rechigne pas à allouer des moyens « historiques » à la transition écologique.
Le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, et la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, se sont ainsi engagés à débloquer entre 10,3 et 10,5 Md€ de dépenses supplémentaires en autorisations d'engagement (ou AE, qui peuvent s'échelonner sur plusieurs années), dont un peu plus de 7 Md€ attachés directement au budget de leurs ministères, et entre 6,2 et 7 Md€ en crédits de paiement additionnels (ou CP, dépensés dans l'année même). Le tout conduirait à un total de 62 Md€ en AE (en hausse de 13 % par rapport à 2023) et de 40 Md€ (comme l'année précédente) en CP. Les deux ministres se sont également félicités d'une première hausse de leurs effectifs en vingt ans : au moins 417 équivalents temps plein (ETP) de plus dans leurs administrations et 315 au sein de leurs agences respectives.
Priorité à la rénovation et à l'énergie
La rénovation énergétique constituera le plus important poste : 2,1 Md€ en AE et 0,8 Md€ en CP. Le montant alloué aux aides de MaPrimeRénov' augmentera de 1,6 Md€ (AE), pour atteindre les 5 Md€ promis. Il permettra ainsi à ce dispositif d'accompagner, dès 2024, les petits travaux d'isolation thermique dits « de confort d'été », dans le cadre de la stratégie d'adaptation au changement climatique. Toujours dans l'idée d'accélérer la rénovation des logements privés, le Gouvernement compte également prolonger le prêt à taux zéro (dit « éco-PTZ ») jusqu'en 2027, en y excluant la possibilité d'installer un chauffage fossile. Le budget de l'État consacrera, par ailleurs, entre 0,5 et 0,6 Md€ en AE et 0,3 Md€ en CP à la rénovation énergétique du bâti public, « qui représente 40 % du bâti tertiaire », a rappelé Christophe Béchu.
Le secteur de l'énergie bénéficiera d'au moins 1,8 Md€ de dépenses additionnelles en AE et de 1,1 Md€ en CP. Sans pour autant en détailler la nature, Agnès Pannier-Runacher a promis d'octroyer 700 millions d'euros (M€) à l'ouverture d'un nouveau mécanisme de soutien à la production de dihydrogène (H2) vert, probablement sous forme d'appels d'offres, afin d'en baisser le coût et ainsi permettre aux industriels consommateurs de « compenser l'écart de prix entre l'H2 renouvelable et celui d'origine fossile ». Le lancement, fin 2024, d'un nouvel appel d'offres concernant les méthaniseurs de grande taille, promis de longue date, se tiendra à l'aide d'une enveloppe de 800 M€. Par ailleurs, 1 Md€ viendra financer les mesures d'accompagnement des zones non interconnectés (ZNI) en matière de transition énergétique.
Plus de moyens pour décarboner la mobilité
Une nouvelle fiscalité en faveur de l'eau et de la biodiversité
Sur le volet purement écologique, les dépenses de l'État pour l'année 2024 seront augmentées de 0,4 Md€ en AE et de 0,3 Md€ en CP pour la mise en œuvre de la nouvelle Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB2030) et de 0,5 Md€ uniquement en AE pour la gestion de l'eau. Pour ce qu'il dépend du ministère de l'Agriculture, entre 1,3 et 1,5 Md€ en AE et 0,8 Md€ en CP devront assurer la transition agricole (en finançant le plan Ecophyto 2030, la Stratégie protéines ou encore le plan de développement des haies) et le maintien des forêts. S'agissant d'abord des agences de l'eau, le projet de loi de finances acte la réforme de leurs redevances, renforçant ainsi les principes de pollueur-payeur et de préleveur-payeur, et la suppression, dès 2025, du plafond des dépenses qu'elles peuvent engagées. Le budget consacré à la biodiversité sera, quant à lui, en partie financé (100 M€) par les nouvelles dotations de soutien aux aménités rurales issues de la Stratégie nationale pour les aires protégées.
Enfin, cette hausse générale de 10 à 10,5 Md€ en AE comprend aussi une augmentation de l'enveloppe consacrée à « l'industrie verte » (1,8 Md€ en AE et 1,7 Md€ en CP), dont 1,5 Md€ supplémentaires issus du plan France 2030 et 0,3 Md€ de plus pour les aides prélevées à partir du Fonds chaleur. Le Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires, ou Fonds vert, sera également abondé de 0,5 Md€ en AE.
Vers un « verdissement » de la budgétisation ?
En parallèle, comme chaque année depuis 2020, le Gouvernement rendra bientôt compte des dépenses défavorables à l'environnement prévues dans son budget. Et, pour la première fois, il attachera « des coûts d'abattement (en émissions de gaz à effet de serre) » à chaque dépense favorable, selon des « indicateurs de performance » encore à définir. Le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave, s'est par ailleurs dit ouvertement « favorable » à l'introduction, par exemple par amendement, d'une obligation d'établir une Stratégie pluriannuelle des financements de la transition écologique. Comme le veut la procédure, il reste désormais soixante-dix jours au Parlement pour examiner, modifier, puis adopter le texte de loi.