C'est un pas de plus vers la mise en place d'une stratégie nationale de surveillance des pesticides dans l'air qui s'opère. L'Anses (1) et l'Ineris (2) ont publié les résultats de leur campagne nationale de mesure menée entre juin 2018 et juin 2019 dans toutes les régions et dans différents profils d'habitation (urbain, péri-urbain et rural). Grâce à un protocole harmonisé, cette campagne a permis de mesurer 75 substances sur 50 sites, de produire 100 000 données et d'analyser 1 800 échantillons correspondants. On connaît donc un peu mieux les molécules retrouvées, à quelle fréquence, leur quantité, et leur distribution régionale.
Des risques sanitaires limités
Il ressort de cette étude que sur les 75 substances recherchées, 70 ont été détectées. Les concentrations moyennes nationales annuelles peuvent varier de plusieurs ordres de grandeurs entre ces différentes substances. Le lindane et le glyphosate, par exemple, présentent les concentrations moyennes les plus faibles, respectivement 0,06 ng/m3 et 0,04 ng/m3, alors que sept autres sont supérieures à 0,12 ng/m3 en moyenne annuelle. Les concentrations les plus élevées en métropole sont associées au prosulfocarbe (2,61 ng/m3) et au folpel (1,03 ng/m3). Concernant des substances interdites depuis plusieurs années, certaines, comme le lindane (très volatile), sont encore quantifiées mais d'autres comme la chlordécone ne sont pas détectées, même en Outre-mer.
Des substances sont majoritairement associées à certaines productions agricoles sans pour autant être absentes des autres profils. Concernant les différentes typologies « rural », « péri-urbain » et « urbain », le nombre de substances observées sur chaque typologie est sensiblement différent en Outre-mer, et moins en métropole. Les variations temporelles des concentrations sont globalement cohérentes avec celles des périodes traditionnelles connues de traitements en métropole.
En croisant les données obtenues à la toxicité établie pour chaque molécule et typologie d'exposition, l'Anses ne met pas en évidence des niveaux de contamination de fond de l'air ambiant qui dépassent des repères de toxicité existants. Cependant, l'agence signale plusieurs bémols notamment sur le fait qu'aucune littérature scientifique n'est disponible pour les doses à risque par voie respiratoire pour de nombreuses molécules. Un comble pour une campagne de mesure dans l'air. Cela induit de nombreuses incertitudes, la toxicité d'une substance pouvant varier d'une voie d'exposition à l'autre, du fait de différences de mécanisme d'action et de toxicocinétique. Par ailleurs, la démarche ne prend pas en compte les effets synergiques entre les substances, ce qu'on appelle « l'effet cocktail ».
32 substances d‘intérêt
Sur le plan méthodologique, l'Anses retient de cette campagne de mesures que 32 substances mériteraient une évaluation approfondie voire une surveillance pérenne. Soit pour leur dangerosité, soit parce qu'on les retrouve fréquemment. Parmi elles, six ne sont pas ou plus autorisées en France pour des usages phytopharmaceutiques ou biocides. Trois avaient des usages phytopharmaceutiques autorisés au moment de la campagne mais ont été interdites depuis.
« Cet état des lieux a permis, pour la première fois, de déterminer de manière harmonisée, des niveaux de concentration en pesticides dans l'air à l'échelle nationale, se félicite l'Ineris. Ils pourront être comparés à d'autres, recueillis dans le cadre d'études spécifiques visant par exemple à évaluer l'exposition par l'air ambiant de populations vivant à proximité des sources d'émission de pesticides. » Un premier cas d'application pourra être la future étude PestiRiv qui aura lieu en 2021- 2022. Cette étude a pour objectif de renseigner l'exposition aux pesticides des riverains de cultures viticoles et d'estimer si cette population est plus exposée qu'une population non riveraine de zones agricoles.
D‘autres études vont suivre
Au-delà des résultats obtenus et des perspectives de travaux complémentaires que vont permettre ces données, le nombre important de travaux métrologiques menés en parallèle en accompagnement de cette campagne seront valorisés dans la révision des normes nationales portant sur le prélèvement et l'analyse des pesticides dans l'air.
L'Ineris envisage par ailleurs de réaliser des études de comparaison des données de cette campagne à celles des ventes spacialisées de produits phytosanitaires ou encore à celles acquises dans les eaux superficielles, afin de voir si les mêmes hiérarchies de substances sont retrouvées.